Le Blitz

Bombardements sur Londres et les villes anglaises

  Genèse

La bataille d'Angleterre comprenait un volet nocturne, soit le bombardement de Londres et des villes anglaises, surnommé le "Blitz". La Luftwaffe avait subi un revers important durant les bombardements aériens de Septembre 1940. Lorsque le projet d'invasion de l'Angleterre fut reporté puis cancellé, les bombardements se poursuivirent de nuit. Cependant, Goering avait déjà pris la décision de lever les restrictions de bombardement sur certaines villes anglaises avant le discours d'Hitler du 4 Septembre 1940. Dans le mémorandum rédigé par Goering le 19 Août précédent, il avait conclu que la Luftwaffe devait détruire certaines usines, notamment celles qui fabriquaient des moteurs d'avions, et que de telles attaques devaient être menées la nuit. Les activités portuaires de certaines villes devaient être également perturbées. Un engrenage événementiel devait amener inévitablement les Allemands à bombarder Londres.

 Liverpool -

Dans la nuit du 19-20 Août, une douzainne de bombardiers He-111 lâchèrent leurs grappes de bombes sur cette ville. Un nouveau bombardement fut effectué dans la nuit du 23-24 Août. La cible visée était l'avionnerie de Filton. Elle fut sévèrement endommagée et cela ralentit la production d'avions durant plusieurs semaines.

 Birmingham -

Le 24 Août, un raid de He-111 frappa l'usine de pneus Dunlop qui fut lourdement endommagée.

Il y avait peu de défenses contre les bombardements nocturnes. Bien que le réseau radar pouvait très bien détecter les formations de bombardiers, il était très difficile d'intercepter des avions de nuit. Au sol, les batteries de canons anti-aériens étaient pointées au jugé, ou par la vue soudaine de cibles par des projecteurs qui quadrillaient le ciel. Leur tir n'était pas orienté par radar. En ce qui concerne les appareils attitrés pour la chasse de nuit, les bimoteurs Blenheims n'avaient qu'un viseur médiocre utilisable la nuit. Malgré cette myopie, les opérateurs de certaines stations radar pouvaient guider certains chasseurs sur des cibles de nuit. Le 23 Juillet, un bombardier Do-17 fut abbatu de nuit par un Hurricane qui avait été vectorisé sur ce bombardier, mais le pilote britannique a dépensé la totalité de ses munitions dans l'espoir de toucher un appareil qu'il ne voyait à peine.

 Les 57 nuits

A partir du 17 Septembre, Londres fut survolée par les bombardiers allemands et bombardée sans arrêt durant 76 nuits. Ces nuits de terreur produisirent un spectacle inhabituel. Au front, c'est-à-dire dans la ville, ce sont les pompiers qui sont en première ligne, essayant de limiter la progression des foyers d'incendie avec de maigres moyens. A la fin de Septembre, 5700 personnes avaient été tuées et près de 10,000 autres blessées.

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Les routes et les ponts furent crevés, les conduits de gaz cassées, le réseau téléphonique fut endommagé, et la distribution d'électricité perturbée à certains endroits pendant de longues semaines. Les bombardements n'ont pas épargné les hôpitaux londoniens qui furent tous endommagés, certains gravement. Dès le lever du jour, les nombeuses équipes de secouristes s'affairaient à dégager les blessés des ruines et à rechercher les survivants parmi les décombres des immeubles.uadrilatère londonien avant et après un raid. Les projecteurs de la défense civile avaient beau éclairer le ciel, et les canons anti-aériens tirer vers les bombardiers, rien ne semblait empêcher ces derniers de lâcher leurs grappes avec régularité dans les zones non encore touchées par les incendies. Le repérage à vue des avions allemands était gêné à la fois par nuit ainsi que par la lumière dégagée par les incendies; de plus, toucher un avion en vol dans nuit d'encre était surtout une affaire de chance.

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Une des batteries anti-aériennes ceinturant Londres — Chambes des Communes — Cathédrale St-Paul

Cependant, la qualité des tirs anti-aériens britanniques s'améliora au cours de l'hiver-printemps 1941 par le couplage des batteries à certaines stations radar. De plus, tirer selon des indications radar sur des cibles nocturnes ne s'improvise pas; il faut un bon entrainement. Devant l'ajout de nouvelles batteries ainsi que par des tirs guidés, l'intensité des raids fut réduit car les tirs anti-aériens obligaient les bombardiers à voler à plus haute altitude, ce qui éparpillait la grappe de bombes au lieu de la concentrer.

 

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Atmosphère du Blitz londonien - Le métro servit de refuge à de nombreuses familles - L

A partir d'Octobre, les bombardements nocturnes diminuèrent d'intensité mais demeuraient réguliers. Dans la nuit du 15, près de 400 bombardiers larguèrent plus de 1000 bombes de 500 lbs. Ce raid tua 400 personnes et en blessa 900 autres. Novembre fut également un mois de bombardements. A l'exception de trois nuits, Londres fut frappée et l'intensité des bombardements culmina durant la semaine du 15 - à la pleine lune. A la fin de Novembre, plus de 12,700 civils avaient été tués depuis deux mois et demi, et le nombre des blessés dépassait les 20,000. L'armée et la défense civile évaluaient le nombre des bombes tombées à environ 30,000. tro londonien à l'heure du Blitz font color="#ffffff" size="4">A partir de Mars 1941, la Luftwaffe conclua que la stratégie de bombarder des cibles civiles ne réussirait pas à faire vaciller le gouvernement britannique. Les raids aériens noctures devinrent de plus en plus espacés. De sucroit, le parc aérien des bombardiers allemands devait être révisé à la fois à cause des pertes et de l'usure prématurée de nombreuses machines.

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Un quartier du centre de Londres

Face à ces bombardements nocturnes, plusieurs observations ont été notées par les belligérants:

 La population fut beaucoup moins outragée que ses dirigeants par ces bombardements.

 Le moral de la population bombardée n'a pas été brisé.

  Les citoyens éprouvés devenaient solidaires de leurs dirigeants.

uA Londres, comme dans plusieurs villes anglaises bombardées, une sorte de solidarité citoyenne remplaça les comportements individualistes propres à la vie urbaine. Devant l'épreuve collective imposée par les bombardements, les différences de classe furent temporairement nivelées dans cet univers nocturne d'abris et de tunnels de métro. Ce fut un excellent moyen de conscientiser la population dans sa volonté de survivre à cette guerre, et de vaincre. Au fil des jours (ou des nuits..), le citoyen terré dans son abri développait une mentalité analogue à celle des soldats de la Première Guerre mondiale tapis dans leurs tranchées: si la bombe qui tombe près de moi ce soir ne m'est pas destinée, c'est que je survivrai..

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Churchill devant l'entrée des Communes -- Le dôme de la cathédrale St-Paul

Pour contrer l'action nocturne des bombardiers allemands, des travaux frénétiques ont été entrepris pour miniaturiser l'émetteur/récepteur radar afin de le monter sur un avion. Bien que des bombardiers légers Blenheim ont été utilisés pour tester en vol certains moyens de détection radio-électriques, le premier appareil d'interception muni d'un radar fut le chasseur-bombardier bimoteur Bristol Beaufighter. Cet excellent appareil tout métal, qui sera utilisé sur tous les théâtres d'opération britannique, portait un radar de vol qui lui permettait de canarder de nuit les bombardiers.

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Les antennes émettrices étaient situées dans les ailes, et les antennes réceptrices le long du fuselage. Pendant que le pilote s'occupait de manœuvrer l'appareil et de faire feu, son navigateur regardait dans une visière coussinée en cuir pour repérer un ou des "dots" suspects et diriger le pilote vers une interception réussie (image ci-haut à droite). Les bombardiers ennemis étaient interceptés selon la même tactique utilisée par la chasse de jour: l'approche par l'arrière et par le dessous. Les Beaufighters débarassèrent le ciel des bombardiers allemands repérés de plus en plus épisodiquement. A partir de l'été 1941, le rôle du Beaufighter sera assumé par un nouvel appareil en contreplaqué produit par la firme De Havilland: le Mosquito.

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Un "colis suspect" de 1100 lbs Une bombe de 125 lbs récupérée

 Coventry

Le 14 Novembre 1940, ce fut au tour de la ville de Coventry de subir les foudres du Blitz allemand. Le raid se voulait comme une riposte au bombardement aérien de Munich du 8 Novembre. La Luftwaffe mena sa plus grande opération à ce jour: plus de 500 bombardiers dirigés contre l'un des principaux centres industriels britanniques. De nombreuses industries s'étaient implantées avant la guerre. Les firmes Daimler Car, Humber, Amstrong Whithworth, et l'usine de pneus Dunlop produisaient à la fois des autos blindées et des bombardiers. La ville connut l'avant-goût de la guerre lors d'un raid aérien sur son aéroport, le 25 Août 1940. Il n'y eut que 16 victimes. En Octobre, elle connut trois petits raids nocturnes qui firent 176 victimes. Après le bombardement de Munich - lieu d'origine du nazisme - Hitler ordonna un raid de revanche: l'Opération Sonate à la Lune.

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La rue Little Park à Coventry, après le raid.

Les bombardiers chargés de faire le gros du travail provenaient de l'Escadrille 100 basée en France. Elle mena son raid par le biais d'un système de guidage appelé X-Gerat, permettant aux bombardiers de radio-naviguer vers la cible choisie. A 19H00, un petit groupe de bombardiers éclaireurs (pathfinders) devaient baliser la cible visée par des grappes de fusées éclairantes. Lorsque aperçues, les bombardiers n'avaient qu'à larguer leurs bombes à l'intérieur du cercle balisé par ces éclaireurs. C'est ce qu'ils firent, trente minutes plus tard. Coventry reçut 500 tonnes d'explosifs et d'incendiaires. Certaines grappes de bombes visaient les centres industriels, d'autres les centres résidentiels. Une tempête de feu éclata et rasa la ville. Les bombardiers larguèrent également des mines anti-personnelles pour gêner les mouvements des pompiers et des citadins au-travers des ruines fumantes. L'incendie fit rage toute la nuit et son efficacité fut synonyme d'un néologisme britannique: to "coventrize". A l'aube du 16 Novembre, le raid avait fait 550 victimes et détruit plus de 4000 immeubles, de même que les usines ciblées par la Luftwaffe. La ville de Coventry connaitra trois autres raids moins intenses: ceux du 8 et 10 Avril 1941, et celui d'Août 1942. Ces raids sur Coventry eurent un impact important dans l'opinion publique anglaise. En plus d'être un centre industriel, cette ville était renommée pour la qualité de son architecture médiévale. Son bombardement fera taire les scrupules du gouvernement britannique lorsqu'il ordonnera des raids incendiaires sur Hambourg et sur Dreysde.

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 The Big Fire

Le 10 Mai 1941, Londres subit son plus gros bombardement de la Seconde Guerre mondiale. L'incendie provoqué fut le plus important depuis 1688. Survolant l'objectif à 15,000 pieds, les bombardiers allemands lâchèrent tout d'abord des bombes de 1000 lbs destinés à casser les vitres et à fragiliser les canalisations d'aqueduc. Par la suite, des grappes serrées de bombes de 500 lbs d'explosifs brisants et d'autres contenant des dizainnes de sous-munitions incendiaires. Le bombardement dura quarante minutes et produisit une sorte de tempête de feu attisé par sa propre chaleur au centre de la zone du brasier. Le raid tua 3300 personnes et fit 70,000 sans-abris. Comme les bombes avaient endommagé le système d'aqueduc, les pompiers ont tout simplement manqué d'eau pour circonsrire les flammes dans un périmètre restreint. L'incendie fut laissé à lui-même. Les londoniens croyaient que ce raid serait le prélude à une nouvelle série de bombardements aériens au-dessus de l'Angleterre, mais ce ne fut pas le cas. Le Big Fire Raid de Mai 1941 n'était, en fait, qu'une opération de couverture organisée par la Wehrmarcht pour dissimuler aux Britanniques le transfert d'effectifs terrestres et aériens de France vers la Pologne orientale comme prélude à l'invasion de l'URSS.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les bombardements aériens sur Londres et les villes anglaises feront près de 20,000 victimes, et plusieurs dizainnes de milliers de blessés et de sans-abris. Près d'un million d'immeubles furent détruits ou endommagés.

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La Seconde Guerre Mondiale