Les prisonniers de guerre

Les opérations aéroterrestres menées durant la Seconde Guerre mondiale ont raflé un nombre impressionnant de prisonniers de guerre. Sur le plan militaire, ils sont le tribut qu'ont payé les pays vaincus, et ils se chiffrent par millions. Les droits de ces prisonniers étaient garantis par la Convention de Genève signée en 1929 – dont une copie était (ou devait) être distribuée aux autorités carcérales de chaque camp d'internement. En temps de guerre, il appartenait à un pays neutre (comme la Suède ou la Suisse) de superviser l'application de cette convention, surtout par l'intermédiaire de la Croix-Rouge internationale. Chaque pays belligérant (sauf le Japon) demeure soucieux du sort de leurs soldats capturés par l'ennemi, si bien qu'ils se sont concertés pour établir une Agence d'information internationale dès la fin de Septembre 1939. Le soldat en uniforme capturé était désarmé, dépouillé de son équipement et acheminé vers un enclos de barbelés – souvent appelé une "cage" – où l'attendent d'autres compagnons d'infortune. Les prisonniers pouvaient croupir de quelques jours jusqu'à quelques mois à l'intérieur de ces enclos dans une quasi-absence d'hygiène, en attendant d'être acheminés vers des camps aménagés comme tels. En cage, un premier tri s'effectuait selon le grade. Les officiers étaient séparés du reste de la troupe et transférés dans des lieux où ils auraient de meilleures conditions d'internement; ils étaient souvent sujets à des interrogatoires de la part du renseignement ennemi. Les généraux capturés étaient souvent véhiculés et internés avec soin – comme le malchanceux général O'Connor en Cyrénaique ou le désabusé Von Arnim en Tunisie.

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Le traitement des soldats

Quant aux soldats et sous-officiers, ils étaient laissés en cage puis emmenés par camions, trains ou parfois par bateaux jusque dans de véritables camps de prisonniers. D'autres, moins chanceux, ont été contraints de marcher jusqu'à leurs geôles - comme les prisonniers américains aux Philippines, Britanniques à Singapour, et Allemands en URSS. Plusieurs moururent d'épuisement le long des routes où les captifs étaient contraints de marcher. Les conditions d'internement des prisonniers de guerre dépendent de facteurs si divers qu'il est impossible d'en tirer des généralités. Elles varient selon les pays, la conjoncture, le lieu de détention lui-même, de l'autorité carcérale qui gère, ainsi que de la personnalité du commandant du camp. D'autres facteurs secondaires ont leur importance:

En général, nous pouvons affirmer que les conditions de détention en Extrême-Orient étaient pires pour la santé du prisonnier que celles en Europe. Quant aux lieux eux-mêmes, ils étaient limités et de qualité diverse. Tous les prisonniers de guerre de l'époque nous disent qu'il fait toujours trop chaud ou trop froid peu importe où ils sont détenus.

Arrivée de prisonniers allemands dans un camp britannique

En Angleterre

En Angleterre, les Britanniques utilisent beaucoup des manoirs à des fins d'internement, à cause de leurs dimensions importantes, et parce qu'il est facile de les garder. La plupart de ces immeubles sont construits à la campagne, entourés de vastes espaces découverts, et il était assez difficile de s'en échapper. Mais ils construisent également des camps de prisonniers selon le modèle habituel. Il est raisonnable d'affirmer que la grande majorité des prisonniers de guerre germano-italiens internés en Angleterre a bénéficié de meilleures conditions de détention que les militaires alliés détenus dans les camps de l'Axe. Le premier lot de prisonniers allemands furent détenus dans deux camps: Glen Mill pour les soldats et sous-officiers, tandis que les officiers étaient logés au manoir de Grizedale au Lancashire. Le coût unitaire de la détention des officiers était élevé, au point ou un député des Communes s'écria: est-ce qu'il serait plus économique de les enfermer au Ritz Hotel de Londres? En quelques mois, une multitude de camps sont aménagés dans le pays, et quelques-uns en Irlande du Nord (ci-bas). Le gouvernement britannique va également acheminer plusieurs milliers de prisonniers au Canada. On dénombrera 600 camps de prisonniers en 1948.

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Allemands détenus dans un manoir anglais – Sous-mariniers allemands prisonniers

Tous ces camps se ressemblent. Les baraquements étaient construits en bois et étaient surnommé les "Nissen huts". Jusqu'en 1943, la majorité des prisonniers allemands détenus en Angleterre étaient des aviateurs et des sous-mariniers. Après le Jour J, la plupart d'entre eux sont des soldats qui arrivent en Angleterre sur des barges de débarquement. Ils sont pris en charge dans les ports, et acheminés par wagons entiers vers les lieux de détention. Tout d'abord, les prisonniers sont parqués dans 9 grandes cages qui ne sont, en fait, que des camps de transit. Les deux plus importants sont Kempton Park et Doncaster Catterick. C'est à ces endroits qu'ils sont identifiés et interrogés. Les Britanniques accordent une attention particulière aux aviateurs, car ceux-ci peuvent donner des renseignements plus utiles sur les mouvement des troupes en Europe que les marins ou soldats. Il existe une grande variété dans la coopération: nombreux sont ceux qui ne fournissent aucun renseignement. En revanche, un certain nombre de prisonniers acceptent de coopérer et fournissent des informations fort utiles pour les services de renseignement. Les détenus sont "patchés: une étiquette noire identifie ceux qui sont d'une loyauté à toute épreuve à l'égard du nazisme; une étiquette grise pour ceux qui affichent une loyauté modérée; et, une étiquette blanche chez ceux qui sont indifférents à l'égard du nazisme. Une pratique courante était d'infiltrer un indicateur parlant allemand ou italien dans un camp de prisonniers pour glaner des informations.

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Arrivée de prisonniers à Kempton Prisonniers allemands du Jour J en Angleterre

Les prisonniers allemands sont surpris par l'accueil presque poli, parfois même indifférent de la part de la population britannique. Le soldat Kurt Bock note ses impressions dans son journal: nous étions assis dans des wagons modestes et fonctionnels. Personne ne nous crachait dessus, comme en Hollande. Le soldat Hans Reckel en rajoute: Les gens ne font pas attention à nous. A Gosport, on a marché en rang dans les rues vers la gare. Il y avait des femmes qui ne nous regardaient même pas. Jusqu'en 1944, le processus d'examen sélectif des prisonniers allemands fut appliqué à la lettre. Cela change durant l'été 1944, à cause du grand nombre de nouveaux prisonniers arrivant dans les ports anglais – avec pour conséquence que des nazis fanatiques étaient mêlés aux prisonniers dits ordinaires. L'administration carcérale britannique désignait un auxiliaire appelé "lagefuhrer" pour servir d'intermédiaire entre elle et les détenus. Cet auxiliaire avait pour responsabilité d'imposer une sorte de service d'ordre dans le camp. Chaque prisonnier pouvait, s'il le voulait, travailler dans les fermes pour aider aux récoltes, pour des travaux de construction, ou pour le désamorçage de bombes non explosées. Beaucoup de prisonniers allemands furent utilisés pour rénover ou reconstruire des immeubles. Ceux-ci étaient détenus près des lieux de construction. Cette main-d'œuvre recevait 6 shillings par semaine pour 48 heures de travail. Cette politique fut appliquée jusqu'au début de 1945, mais elle a cessé à cause des plaintes de gens qui perçoivent les prisonniers comme des voleurs de jobs. Il y eut même des grèves dans le transport public et dans les ports à cause de la main-d'œuvre allemande salariée…Fait à noter, seuls les prisonniers qui affichent une bonne conduite en détention sont autorisés à travailler pour de l'argent. Les membres des SS, les zélotes du nazisme ne travaillent pas. De surcroît, la Convention de Genève interdit aux officiers prisonniers de travailler…La vie dans les camps n'était pas rose, car le régime alimentaire laissait à désirer. Il est ironique de constater que les prisonniers germano-italiens reçoivent des rations quotidiennes identiques à celle des militaires britanniques – plus généreuse que celles de la population civile. Un prisonnier qui travaille a droit à une ration hebdomadaire de 42 onces de viande, 8 onces de bacon, 5 lbs de pain, 10 onces de margarine, de même que des légumes, des œufs, du fromage, de la confiture et, bien sûr, du thé. Les baraques logent 80 hommes. À l'exception des couchettes doubles, il n'y a que deux tables et un poêle comme mobilier. Le prisonnier est rarement laissé à lui-même, à cause de l'activité des autres prisonniers: toujours les mêmes visages et bruits…Les Britanniques autorisent les prisonniers à pratiquer certains sports – comme la lutte, le foot et la boxe – et certains passe-temps comme le jardinage, les cartes et les échecs. Les autorités britanniques voulaient garder leurs prisonniers en bonne condition physique et ces derniers bénéficiaient de soins médicaux sur demande. En revanche, le moral des détenus était le principal souci des responsables carcéraux. Le seul fait qu'il n'ont pas été capables de recevoir des nouvelles de leurs familles par le biais de la Croix-Rouge était très pénible. Ils savaient que le Reich permettait à la Croix-Rouge de livrer à la fois du courrier et des colis aux prisonniers de guerre alliés détenus en Europe.

Révoltes

L'incident le plus sérieux dans l'histoire des camps de prisonniers en Angleterre se déroula au Camp 168 près d'Oldham, au Lancashire. Les détenus de ce camps étaient de rudes parachutistes avec une énergie nazie rutilante et des volontaires russes peu disciplinés. L'élément déclencheur de la révolte n'a pas été l'attitude des gardiens britanniques mais celle des Russes à l'égard des Allemands. Une rixte éclate en Juillet 1944 lorsqu'un groupe de prisonniers russes forcèrent quelques Allemands à manger de la terre puis à avaler le plus rapidement possible leur dîner sous peine de sévices. Un adjudant allemand s'écria: cette fois, il faut que ça cesse! La bagarre fit de nombreux blessés chez les Russes, tandis que les gardiens britanniques eurent beaucoup de mal à séparer les puligistes. Deux jours plus tard, les Russes prirent leur revanche en bastonnant des Allemands qui dormaient dans un baraquement du camp. Mais les Allemands ont été avertis de ce qui se tramait contre eux, et ils coincèrent les Russes et leur infligèrent de nombreuses fractures… Cette fois, les Britanniques intervinrent avec plus de résolution. Dans le Camp 168, les paras allemands tenaient leurs propres tribunaux – des kangaroo courts, selon les Britanniques – pour imposer la discipline nazie aux autres prisonniers. Les autorités du camp eurent du mal à isoler le noyau dur de ces récalcitrants. De leur part, les officiers aviateurs ne voulaient pas travailler, ne serait-ce que pour améliorer leurs rations hebdomadaires. Les Britanniques leur répondent: no work, no food! Pour le reste, il n'y eut que très peu d'émeutes ailleurs en Angleterre. Les prisonniers allemands ont tout simplement réduit leur ardeur au travail, et donné de l'urticaire èa de nombreux gardiens de camp en lançant des avions de papier à l'extérieur des grillages – ce qui les obligeaient à sortir pour ramasser ces papiers, qui pouvaient contenir des messages secrets…

Évasions

En Décembre 1944, un plan d'évasion fut élaboré par des prisonniers Waffen SS et quelques prisonniers détenus au camp de Devizes, dans le Wiltshire. L'évasion devait coïncider avec le début de la bataille des Ardennes et avait pour objectif de semer la pagaille en Angleterre – une version allemande de la "grande évasion". Le début de cette contre-offensive allemande releva le moral des prisonniers, qui anticipaient déjà un débarquement en Angleterre et leur libération. Les renseignements britanniques prirent connaissance de cette rumeur et cela les inquiétaient, car il y avait plus de 250,000 prisonniers germano-italiens en Angleterre, et il y avait très peu d'unités d'infanterie anglo-américaines pour les garder, surtout depuis le débarquement en Normandie. Un ciblage serré des pistes d'enquête et le travail d'inflitrateurs permit d'identifier le camp de Devizes. Les meneurs furent arrêtés rapidement et transférés au Camp 21 qui hébergeait déjà des durs à cuire. Les Britanniques commirent l'erreur d'envoyer dans ce camp un prisonnier anti-nazi, l'adjudant Rosterg, en même temps que les conspirateurs. Il fut jugé par un tribunal improvisé SS et pendu dans une latrine. Cinq prisonniers allemands furent arrêtés dans cette affaire et reconnus coupables de meurtre; ils ont été exécutés à la prison de Pentonville le 6 Octobre 1946. Quelques semaines plus tard, un autre prisonnier allemand, le sergent Retting, fut assassiné par ses compatriotes – ce qui conduisit à l'arrestation et à l'exécution de deux paras allemands en Novembre 1946.Durant la guerre, il y a eu plusieurs évasions individuelles de prisonniers allemands via des tunnels creusés, mais la plupart d'entre eux ont été repris; certains ont été ramenés à leurs camps par des villageois. En revanche, deux prisonniers du camp de Glen Mill ont non seulement réussi à s'échapper, mais à regagner l'Allemagne sur un navire neutre. Lors de leur arrivée à Hambourg, ils ont écrit une lettre au commandant britannique de leur camp en lui disant qu'ils ne désirent plus bénéficier de son hospitalité…

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Prisonniers allemands dans un camp britannique Travaux agricoles...

Rapatriements

Durant le printemps 1945, les détenus de l'Axe en Angleterre furent soumis à une rééducation suite à la découverte des atrocités commises par le système concentrationnaire nazi. L'effet ne fut pas immédiat chez les prisonniers, beaucoup d'entre eux croyaient qu'il ne s'agissait que d'une opération de propagande pour les amadouer d'avantage. Il faut noter que, en Mai 1945, la rééducation d'un prisonnier pouvait accélérer sa remise en liberté. Qui plus est, la fin de la guerre va changer l'attitude de nombreux prisonniers allemands envers les Britanniques, ne serait-ce pour inciter ces derniers à les libérer plus vite. Les premiers prisonniers germano-italiens sont relâchés en 1946. Les plus fanatiques d'entre eux devront attendre leur libération en 1949. Un certain nombre de prisonniers allemands ne veulent plus retourner en Allemagne lorsqu'ils apprennent que leurs villes se trouvent dans la zone occupée par les Soviétiques. Certains craignent même d'être emprisonnés dans des geôles et astreints aux travaux forcés en URSS – et ils n'ont pas tord. Le gouvernement travailliste leur accorda un droit d'asile avec la mention "DP" pour "displaced person".

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Deux prisonniers fêtent Noel 1945 Erich épouse Irène Farndell en 1947

D'autres vont épouser des filles sur place et vont s'intégrer bon an mal an à la société britannique. Ces rencontres furent possibles lorsque les autorités carcérales britanniques ont autorisé les détenus à fêter Noël dans les familles villageoises en Décembre 1945. Il est surprenant de constater que la population britannique n'a manifesté que très peu d'hostilité vis-à-vis les prisonniers allemands après la guerre, car ils étaient habitués à les voir travailler sur les chantiers de construction ou dans les champs.Le 1er Janvier 1949, le gouvernement ouest-allemand a voté une allocation d'un mark par jour pour tous les prisonniers de guerre allemands encore détenus après le 1er Janvier 1947, pour ensuite l'accroître à cinq marks par jour à partir de 1949.

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En Allemagne

En Allemagne, il est très important de distinguer entre les camps destinés aux prisonniers de guerre et ceux qui engrangent des prisonniers politiques, des minorités dites "indésirables" ou des populations déportées qui finissent au crématoire. Le camp de prisonniers n'a rien à voir avec les camps dits "d'extermination".

Les Oflags

Les Allemands accordent un soin particulier dans l'aménagement des camps de prisonniers pour officiers – ou oflags. Ils sont généralement mieux aménagés, avec une meilleure nourriture, et un certain souci de ménager les prisonniers. La discipline était stricte mais rarement brutale. Tout turbulent est emprisonné en isolement solitaire dans un cachot bétonné humide et froid appelé "frigo". Les prisonniers recevaient des colis de la Croix rouge internationale, mais aucun courrier ne pouvait être envoyé à l'extérieur de l'Allemagne, pour des raisons de sécurité. Certains oflags allemands sont exigus et n'ont que peu d'espace pour l'exercice physique de leurs détenus; mais, d'autres sont plus vastes et possèdent des carrés d'exercice, de l'espace de jardinage, et même des courts de tennis. Il y avait un réfectoire, une petite bibliothèque, et les prisonniers couchaient sur des lits superposés (ci-contre). Beaucoup de camps pour officiers étaient aménagés soit dans de vieux entrepôts ou d'anciens baraquements militaires. Pas de cruauté gratuite. Malgré le caractère "confortable" de ces lieux d'internement, il faut souligner que le camp allemand pour officiers le plus miteux fut l'Oflag 7B près de Gavi. Il a été aménagé dans d'anciennes écuries construites sur un sol semi-marécageux. De huit à dix officiers logeaient dans des baraquements de 20 pieds de long par 12 pieds de large, avec un petit poêle au centre pour se chauffer et une seule ampoule électrique pour l'éclairer. Il n'y avait pas de latrines; les prisonniers devaient faire leurs besoins dans des sceaux qui étaient jetés par les fenêtres de chaque côté des baraquements - et le tout ruisselait sous les planchers lors des pluies. Règle générale, les conditions de vie dans les oflags s'améliorèrent progressivement, surtout à cause de leur inspection par des représentants des pays neutres. Les oflags sont administrés par la Luftwaffe jusqu'au printemps 1944.

Les Stalags

Les camps pour soldats et sous-officiers (stalags) sont plus importants et on les retrouve dans toute l'Europe occupée. Ils étaient plus populeux que les oflags, et contenaient un nombre moyen de 800 à 2500 prisonniers. Certains d'entre eux étaient de véritables camps de concentration pouvant engranger jusqu'à 10,000 détenus - avec un bloc carcéral spécial pour les fortes têtes, et même un crématoire; ils sont souvent situés à proximité des complexes industriels. Un exemple typique est le camp de concentration de Bergen-Belsen qui est, en fait, un complexe de camps incluant, entre autres, un camp de prisonniers.

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Bergen-Belsen Le Stalag 7

Les conditions de vie varient selon l'aménagement du camp et du nombre de prisonniers. Règle générale, les stalags populeux exigent un encadrement plus rigoureux et parfois brutal. Les rations alimentaires y sont moins bonnes, et les soins médicaux minimaux. Les colis de la Croix rouge arrivent épisodiquement à leurs destinataires. La logistique de leur gestion pose des problèmes importants pour les Allemands, surtout en période de pénuries matérielles ou de tensions militaires. Un stalag plus petit sera plus facile à gérer et à surveiller; ils seront, en fait, les plus nombreux. Plusieurs camps de prisonniers logent à la fois des soldats, sous-officiers et des officiers, comme le Stalag 7. Plusieurs autorités contrôlent les stalags allemands

: Un grand nombre sont géré par les S.S et le S.D (la Sûreté nazie)

 Un petit nombre sont administré par la Luftwaffe – comme le célèbre Stalag Luft 1

 Quelques stalags spéciaux sont sous l'autorité de la Gestapo.

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Qui est le patron ici? Baraquements d'un stalag

Cette multiplicité des autorités va créer des conflits de juridiction entre celles-ci; il s'agit d'un problème chronique du régime nazi. Le Reichsfuhrer S.S Himmler, qui contrôle toutes les polices allemandes depuis 1936 ainsi que les premiers camps de concentration, cherche à étendre son autorité à celle des camps de prisonniers. Il affirme que ses S.S ont développé l'expertise nécessaire pour les administrer. Mais, il doit rivaliser avec le patron de la Luftwaffe, Goering, qui rebute à lui céder l'administration de ses nombreux camps – dont ceux qui détiennent les officiers. Qui plus est, Himmler et Goering subissent les pressions du ministre allemand du Travail, Sauckel, qui veut utiliser les prisonniers de guerre comme une main-d'œuvre servile. Pour coiffer le tout, le nouveau ministre des Armements, Speer, se disputera contre les trois autres afin de se faire allouer le plus grand nombre de prisonniers possibles pour ses usines et avionneries. Ces trois cadres nazis essaient de garder jalousement leurs petits empires aux détriments d'une collaboration plus fonctionnelle en temps de guerre. Fait à noter, les autorités du Reich veulent se montrer "correctes" à l'égard de leurs prisonniers de guerre en uniforme en se conformant à la Convention de Genève. Ils n'ont pas maltraité gratuitement leurs détenus comme l'ont souvent fait les Japonais. Par contre, ils ont enchaîné et battu des soldats britanniques et canadiens internés dans les Stalags 8B et 9C suite au raid allié sur Dieppe en Août 1942. Il s'agissait d'un ordre émis par l'OKW en guise de représailles suite à des allégations de mauvais traitements faits à des prisonniers allemands. Ce n'est pas pour faire preuve de décence que les Allemands agissent de façon "correcte" vis-à-vis de leurs captifs. La politique nazie à leur égard était de les utiliser au maximum sans qu'ils soient un fardeau pour l'économie allemande. Selon cette politique, les officiers et sous-officiers n'étaient pas obligés de travailler. Les soldats sont amenés sous escorte pour travailler dans les fermes, dans les mines, dans les usines, et effectuent toutes sortes de travaux exigeant une main-d'œuvre non spécialisée. Les stalags allemands deviendront, en fait, des camps de travail dont le but est d'utiliser la sueur des prisonniers de guerre dits "arbeitskommandos". Les heures de travail sont longues, mais leurs conditions générales d'internement étaient étonnamment bonnes. Les nazis ne les affamaient pas à dessein - comme cela était le cas des prisonniers civils et militaires d'origine slave dans les camps d'extermination. Néanmoins, la plupart des prisonniers de guerre morts durant leur internement l'ont été par des maladies liées à leur épuisement progressif.

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Les prisonniers russes sont maltraités Prisonniers d'un stalag bientôt libérés

Les prisonniers de guerre russes auront droit à un tout autre traitement. Le caractère racial de l'idéologie nazie les considère comme des sous-hommes qui ne doivent leur existence physique que par leur travail servile pour le Reich. Les Russes seront chargés des plus durs labeurs, et auront droit à un encadrement brutal couplé d'un régime "d'inanition" qui existe déjà dans les camps de concentration. Ils sont utilisés dans tout le Reich, sauf dans l'Ouest de l'Europe. Leurs pertes en captivité seront énormes: sur chaque centaine de prisonniers russes utilisés comme main-d'œuvre servile, seulement trois survivront. La majorité des camps de prisonniers en Europe ont bénéficié de bonnes conditions de détention durant plus de deux ans. Les détenus sont parvenus à se débrouiller pour occuper leurs moments de repos; la captivité peut souvent être un excellent stimuli créatif pour ceux qui veulent rester mentalement en vie. Les Allemands permettent à leurs prisonniers de bricoler, de jardiner, de monter des pièces de théâtre, etc. Durant l'été 1942, les prisonniers britanniques du camp de Lamsdorf étaient les mieux organisés. Le camp disposait de nombreux colis de la Croix rouge – incluant des vêtements, de la nourriture et même du tabac – qui arrivaient régulièrement. Les soins médicaux restaient adéquats. Mais, ce n'était pas toujours aussi rose dans beaucoup de ces camps.

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En Extrême-Orient

Dans la zone Asie-Pacifique, le traitement des prisonniers de guerre occidentaux par le Japon fut très brutal. La raison est que la tradition militaire japonaise a toujours considéré la capture comme une faute grave. Pour elle, le soldat doit se battre jusqu'au bout, quitte à se sacrifier. Les règlements émis par le ministère japonais de la Guerre en Janvier 1942 confirment cette tradition qui a pour origine le culte du bushido: tout soldat japonais qui deviendra prisonnier de guerre sera passible de la peine capitale. Non seulement peu d'entre eux ont été capturés, mais ils ne firent pas de cadeaux à leurs captifs. Selon eux, comme les prisonniers occidentaux étaient mieux morts que vivants, il leur importait peu de s'assurer de leurs conditions de détention. Les autorités japonaises n'ont presque jamais informé les organisations internationales quant au sort des prisonniers qu'ils détenaient. Elles négligent souvent de traiter les blessés, et préfèrent les achever. Les punitions corporelles sont fréquentes: le fautif étant passé à tabac par des tiges de bambou jusqu'à l'inconscience. Les conditions sanitaires étaient épouvantables, car les prisonniers subissaient les caprices de la météo – surtout durant la mousson. Beaucoup de prisonniers moururent de la dysenterie, de la malaria, et de la fièvre jaune. D'autres ont suffoqué durant les grandes chaleurs tropicales. Les Japonais font travailler leurs prisonniers sur les réseaux routiers et ferroviaires de Malaisie et de Birmanie. Ils récompensent ceux qui travaillent le plus en améliorant leurs rations alimentaires et en leur donnant accès à des remèdes et vaccins.

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Camp de prisonniers alliés à Bogor Prisonniers britanniques relâchés à Rangoon en 1945

En cas de nonchalance de la part de certains prisonniers, le commandant du camp leur infligeait des mauvais traitements. Les fortes têtes étaient soi mis "au trou" – fosse individuelle dans laquelle le prisonnier devait se tenir debout avec les mains liées dans le dos – ou assis de force dans des cuves de tôles de quatre pieds par quatre, mais liées et dos courbé jusqu'à 72 heures. Alors que le prisonnier de guerre européen pouvait recevoir des colis de la Croix rouge, il n'en était pas de même pour ceux détenus en Asie. Fait à noter, le Japon a signé mais n'a pas ratifié la Convention de Genève; il n'a jamais légalement été lié par les clauses de cette dernière. Peu avant que le Japon entre en guerre, le gouvernement Tojo déclare qu'il ne se contentera que d'appliquer certaines clauses mutatis mutandis sous supervision des organismes internationaux. Ce ne fut pas le cas. Lorsque l'Agence d'information internationale ouvre un bureau à Tokyo, elle est suspectée d'espionnage pour le compte des Alliés; l'activité de ses délégués n'est que tolérée. Peu d'entre eux ont eu les permissions écrites nécessaires pour visiter des camps. Les délégués des pays neutres n'ont jamais été avisés quant au nombre de camps, leur lieu, ainsi que la liste complète des prisonniers internés.

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En URSS

La Russie applique les lois de La Haye (l'ancêtre de la Convention de Genève) depuis 1907. Ces lois stipulent que les pays belligérants doivent créer un bureau d'information international sur le sort de leurs prisonniers. Cependant, l'URSS n'était pas d'humeur à collaborer à la suite de l'invasion allemande de Juin 1941. Le gouvernement soviétique n'envoie aucune information à Berlin quant au sort des prisonniers de guerre allemands, et n'autorisera aucune délégation de neutres pour visiter les camps. La réponse du Reich sera de permettre aux délégués de l'Agence internationale de visiter tous les camps de prisonniers alliés – sauf ceux qui détiennent les prisonniers russes.

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Prisonniers allemands paradés dans une ville russe Des prisonniers attendent d'être internés

Les Soviétiques ne ménagent pas leurs prisonniers allemands. Ils sont souvent paradés dans les grandes villes, ce qui permet à la population de donner un visage à l'envahisseur ennemi. Les prisonniers sont souvent hués, couverts de crachats et d'immondices par une population en colère; mais, les soldats soviétiques ne permettent pas à cette dernière de leur infliger des sévices corporels. Ils sont groupés et gardés dans des champs qui sont en fait des lieux de transit en attendant d'être expédiés par rail dans des camps situés beaucoup plus à l'Est. Souvent, la pénurie de trains et de camions exigeait la construction de camps de fortune où les soldats ennemis étaient détenus dans d'affreuses conditions hygiéniques. Là-encore, de nombreux prisonniers moururent non pas à cause de cruautés gratuites, mais à cause de la pénurie généralisée de nourriture et de soins médicaux, ainsi que par la rigueur de l'hiver russe. Après la bataille de Stalingrad, l'Armée rouge n'avait pas de camions pour amener le très grand nombre de prisonniers vers des lieux de transit ou d'internement. Les prisonniers allemands durent marcher dans la neige et le froid; environ 31,000 d'entre eux moururent d'hypothermie et d'épuisement en une semaine, et les autres furent mis aux travaux forcés. Tout comme dans les autres pays belligérants, l'URSS utilise la force de travail de leurs prisonniers ennemis dans le cadre de leur économie de guerre. Ils ouvrent des routes dans la taïga, réparent des voies ferrées, "testent" des zones minées, réparent des ponts, et travaillent dans les mines. L'étendue du territoire soviétique décourageait les tentatives d'évasion, et très peu d'évadés ont pu retourner en Allemagne. Selon un prisonnier allemand de l'époque, on peut toujours réussir à sortir du petit sac, mais on ne parvient rarement à sortir du grand sac… Bien que les Soviétiques font durement travailler leurs prisonniers de guerre, ils commettent rarement de gratuités. La pression psychologique et surtout alimentaire était suffisante pour assurer l'obéissance: qui ne travaille pas, ne mange pas… Il s'agit d'une technique efficace qui avait fait ses preuves dans les goulags de l'entre-deux guerres. Le froid intense obligeait les prisonniers à bouger pour se réchauffer, ce qui leur évitait de se transformer en statues de glace.L'attitude des militaires soviétiques à l'égard de leur ennemi germanique était rude, mais presque humaine – du moins jusqu'en 1944. Les prisonniers allemands pouvaient se féliciter de recevoir leur ration de pain quotidien et quelques pommes de terre (ci-contre), mais ils haïssaient la "soupe" servie par les cuistots russes. L'humeur soviétique à leur égard va changer à la suite des nouvelles sur les massacres de Kiev et de Biélorussie. La propagande stalinienne va associer l'exhortation du patriotisme à l'élimination des soldats ennemis: le mot d'ordre est de tuer les Allemands. Nous ne pouvons pas permettre à ces limaces vertes de brutaliser et souiller tout ce qui est russe. Tuez ces salauds et enterrez-les profondément, sinon ils se répandront partout sur notre terre sacrée… Inutile de dire qu'avec de telles paroles martelées, radiodiffusées par de nombreux aboyeurs officiels, les exécutions de prisonniers et autres excès de brutalité seront fréquents.L'Armée rouge applique une directive pour éliminer physiquement tout cadre nazi captif. Elle ne fera pas de quartier pour les prisonniers appartenant aux Waffen S.S; ces derniers seront abattus sommairement dès qu'ils seront identifiés comme tels. Elle sera tout à fait impitoyable à l'égard des auxiliaires russes de l'armée allemande – l'armée de Vlassov – ainsi que les Ukrainiens renégats utilisés comme gardiens ou mitrailleurs de prisonniers soviétiques dans des camps allemands mal gérés. Et que dire du sort que subiront certaines tribus cosaques et tatares qui ont pris les armes contre l'autorité de Moscou – et cela bien avant l'entrée en guerre de l'URSS.

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Aux États-Unis

L'armée américaine fait ses premiers prisonniers de guerre dans le Pacifique, durant la campagne des Salomons; ces derniers sont plutôt rares. La reprise de l'île de Toulagi ne donna que quelques prisonniers japonais – le petit groupe de fusiliers-marins ayant préféré mourir plutôt que de se rendre. A Guadalcanal, un certain nombre d'ouvriers coréens affairés à construire une piste d'atterrissage pour les Japonais a été surpris par l'arrivée des Marines US et s'est rapidement rendu. Six mois plus tard, les cages américaines détiennent 5000 soldats japonais affamés et malades et qui seront évacués par mer vers un camp de prisonniers dûment aménagé.La capitulation des forces de l'Axe de Tunisie en Mai 1943 apportera un lot important de prisonniers de guerre allemands et italiens aux États-Unis. En Juillet, le général Von Arnim rend les 275,000 hommes sous son commandement aux Alliés. Pour éviter de les voir croupir dans leurs cages infectes à Oran, le gouvernement américain opte de les interner en Amérique. Comme il y a pénurie de transports de troupes, les cargos qui reviennent d'Angleterre vide de fret sont routés sur les ports algériens et tunisiens pour embarquer les prisonniers avant de retourner aux États-Unis.

Un mois plus tard, un premier contingent de prisonniers débarque au port de Norfolk, en Virginie. Ils sont acheminés par le rail dans quatre camps d'internement que les Américains ont aménagé au Mississippi. Les officiers sont internés au camp Clinton. Il est plutôt modeste, mais a la particularité d'héberger 25 généraux, quelques centaines de colonels et de majors. Le général Von Arnim a sa propre baraque spécialement aménagée et climatisée, avec voiture et chauffeur; son seul souci d'évasion est d'aller, seul, au cinéma dans la ville de Jackson. Inutile de dire que les conditions de détention sont infiniment supérieures à celles qui existent pour les officiers prisonniers de guerre en Europe et en Asie. Les sous-officiers et soldats sont acheminés au camp McCain près de Grenada, au camp Como sur le delta du Mississippi, et au camp Shelby près de Hattiesburg. Ultérieurement, d'autres contingents de prisonniers germano-italiens seront internés dans le camp Swift, situé au Texas.

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Le camp Shelby – Corvée de couture avec un toit sur la tête

Ces grands camps sont presque des petites villes. Bien qu'ils soient entourés de fossés, de clôtures et de miradors armés, ils possèdent tous les services médicaux, bibliothèques, écoles pour apprendre l'anglais, et bien sûr des cinémas. La prévôté est omniprésente avec ses patrouilles motorisées. Les Américains appliquent les clauses de la Convention de Genève et fournissent toute la nourriture, vêtements et soins médicaux à leurs prisonniers allemands et italiens. Les délégués neutres de l'Agence internationale n'ont rien à redire quant aux conditions de détention dans les camps de prisonniers.Les prisonniers de guerre sont logés dans des baraquements conçus pour 50 hommes. Il y a un réfectoire pour chaque groupe de cinq baraques, avec cuisiniers, serveurs, et une nourriture fournie par l'US Army mais préparée par des cuisiniers allemands. Les captifs mangent mieux que s'ils étaient au front. Le déjeuner typique est composé de céréales, de rôties avec confitures ou miel, du café sucré et du lait. Le dîner comprend des repas à base de steak ou de rôtis de porc avec salade de patates et d'eau glacée. Le souper est plus frugal; soit une purée de carottes ou des œufs pochés servis avec du café et du pain. Le soir, les détenus peuvent acheter un peu de bière au réfectoire, avant le couvre-feu.

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Les différents uniformes allemands et italiens – La tenue de prisonnier de guerre aux USA

Les détenus étaient autorisés à porter leurs uniformes uniquement pour des raisons cérémoniales – comme les décès de codétenus et durant certains jours fériés dans leur pays. Les uniformes originaux des prisonniers n'étaient pas des tenues quotidiennes très pratiques à cause de leur usure. Les autorités carcérales américaines leur fournissaient des tenues de travail bleues ou kakis, dont les pantalons avaient les lettres PW (prisoner of war) peinturées sur chaque jambe et dans le dos. Les détenus étaient autorisés à former des équipes sportives pour pratiquer des activités aussi diverses que le volley-ball, le soccer, et les fers… Au camp Shelby, les prisonniers ont leur propre journal et il le distribue dans les trois autres camps. Pour l'US Army, ce traitement des prisonniers a fait en sorte que peu d'entre eux ont songé à s'évader. La très grande majorité a préféré attendre bien sagement la fin de la guerre. A leur libération, les prisonniers de guerre germano-italiens recevront un petit sac de vivres et un peu d'argent américain pour assurer leur subsistance initiale à leur retour en Europe. Fait à noter, une partie des prisonniers germano-italiens resta dans les camps pour continuer à travailler. Le président Truman explique que le Texas et le Mississippi ont une pénurie de main-d'œuvre et que les prisonniers de guerre doivent besogner en attendant le retour des soldats d'outre-mer. La plupart des prisonniers sont rapatriés, mais quelques centaines ne le seront qu'à l'automne 1946

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S'évader...

Les pays signataires de la Convention de Genève reconnaissent le droit et même le devoir de tout prisonnier de guerre de s'évader. Bien sûr, cette convention reconnaît également que les autorités carcérales qui gardent les prisonniers peuvent utiliser tous les moyens requis pour empêcher l'évasion. Durant la Seconde Guerre mondiale, il y aura des cas d'évasion chez tous les belligérants et dans tous les théâtres d'opération. Cependant, une évasion réussie ne s'improvise pas, car elle doit être préparée pour maximaliser ses chances de réussite.

Les filières d'évasion

Une des premières activités clandestines des Alliés en Europe occupée fut d'organiser des filières d'évasion – ou Escape Rooms – pour permettre aux prisonniers de guerre de s'évader avec succès vers des pays neutres ou en Angleterre. Après la conquête de l'Europe occidentale, le gouvernement britannique demande au S.O.E de les organiser en France et aux Pays-Bas. Fait à noter, la Suisse interdit l'accès de son territoire à toute filière d'évasion. Les agents du S.O.E établissent des bureaux de "réception" au Portugal et en Espagne, ainsi qu'en Suède; ils ont pour fonction de coordonner la prise en charge des évadés et à organiser leur transfert et/ou leur rapatriement. Dans les pays occupés, la tâche la plus ardue du S.O.E sera d'établir et de maintenir des liens avec les cellules de résistants. Les cellules et réseaux de résistance sont difficiles à trouver; elles sont souvent vulnérables à l'infiltration. De ce fait, plusieurs agents britanniques seront capturés lors de la destruction d'un réseau, et périront dans les geôles des S.S et de la Gestapo.La chaîne d'étapes et d'intermédiaires que doit franchir un ou plusieurs prisonniers de guerre évadés en France ressemble à l'exemple suivant:

  1. Un petit groupe de prisonniers s'échappe d'une cage ou d'un camp de prisonniers. Il se fractionne en deux segments pour éviter une capture prématurée. Les prisonniers se cachent chez des civils français ou dans une ferme. Un premier contact timide est établi avec une cellule de résistance. Les prisonniers sont amenés dans des lieus jugés plus sûrs. La cellule ou le réseau de résistant avise Londres d'un "pick-up" à faire. Un ou des agents du S.O.E prennent contact avec le réseau. Les prisonniers sont amenés d'un réseau à l'autre jusqu'à la frontière espagnole. En Espagne, les agents du S.O.E les acheminent à des points de rembarquement.

De nombreux aviateurs alliés abattus en Europe occidentale ont évité la capture grâce à l'action de ces filières. Cependant, leur succès dépendaient toujours de la fiabilité et de la solidité du réseau de résistance avec lequel elles traitaient. Rien ne remuait plus mal l'estomac des agents du S.O.E que de savoir s'ils avaient ou non réussi leurs rendez-vous clandestins avec le "French underground" ou le "Dutch underground"…

S'évader d'un camp est très bien, encore faut-il savoir où aller. La grande majorité des prisonniers de guerre alliés passera la plus grande partie du conflit dans la captivité. Ces derniers acceptent leur sort car ils connaissent les dangers liés aux tentatives d'évasion. Certes, il était difficile de dissuader un ou des individus d'essayer de s'évader. Plusieurs ont réussi leurs tentatives individuelles; mais la plupart ont échoué – certains d'entre eux ont même été abattus. La propension de s'évader à tout prix relève plutôt du mythe que de la réalité; ce qui n'empêche pas que les détenus de plusieurs camps de prisonniers se sont organisés pour faire évader un certain nombre de leurs camarades plutôt "pro-actifs". Au niveau psychologique, songer à s'évader permet au prisonnier – lire ici à certains profils de prisonniers – de se sentir en vie, et de croire qu'il peut faire quelque chose pour améliorer son sort et compliquer celui de son ennemi.

Aux États-Unis

Les conditions de détention des prisonniers de guerre germano-italiens aux États-Unis sont supérieures à celle des pays belligérants durant la guerre. Mais le travail est dur, le soleil brûlant, et le mal du pays reste très présent. Plusieurs détenus allemands réussissent à fausser compagnie à leurs gardiens dans les champs de coton où ils travaillent; seulement trois d'entre eux réussiront à passer au Mexique. Le camp Clinton connaît une tentative d'évasion en 1944. Les prisonniers ont creusé un tunnel de 178 pieds de long pour faire évader 30 des leurs. Cependant, la plupart d'entre eux (qui ont appris à parler l'anglais) seront repris en moins d'une semaine à cause de leurs vêtements, de leur comportement, et de leur accent. Ils ont été repris dans la ville de Belzoni. Interrogés par la prévôtés, les prisonniers disent qu'ils s'ennuyaient trop dans le camp pour y rester… Ailleurs, les turbulences dans les camps sont demeurées minimales et elles n'ont pas obligé les prévôts (appelés MP) à tirer pour tuer.

En Angleterre

Les conditions de détention des prisonniers de guerre germano-italiens ne sont pas aussi bonnes qu'aux États-Unis, mais les camps gérés par les Britanniques sont bien organisés. La nourriture y est moins bonne qu'en Amérique, mais pour le reste, les détenus reçoivent le même genre d'encadrement et de traitement. Cependant, s'évader d'Angleterre pose problème, car l'insularité du pays permet aux Britanniques de mieux anticiper les gestes et initiatives posés par des évadés. C'est encore pire que de s'évader du rocher d'Alcatraz... Les routes, voies ferrées, et surtout les ports sont particulièrement surveillés. Les cargos neutres amarrés sont régulièrement fouillés. Les communications radio sont épiées. Des destroyers et hydravions patrouillent les côtes. L'Allemagne nazie n'a pas organisé de filières d'évasion en sol anglais, bien qu'elle ait réussi à débarquer et rembarquer certains agents de l'Abwehr par des submersibles. Les agents allemands demeurent plutôt discrets, car la complicité locale est inexistante. Il sera très difficile sinon impossible pour les prisonniers germano-italiens d'organiser une grande tentative d'évasion à partir des îles britanniques. Néanmoins, une douzaine de prisonniers allemands parviendra à rallier un port hollandais sur un petit caboteur en 1943.

Au Canada

Durant la guerre, le Canada est devenu un lieu d'internement pour de nombreux prisonniers de guerre germano-italiens. Ottawa répondait à une requête des Britanniques. Tout comme en Angleterre, le gouvernement canadien a classé les prisonniers selon leur degré de dangerosité et va les disperser dans plusieurs provinces. Un premier lot de prisonners débarque à Halifax en Juin 1940 et sera interné au camp de Kananasis dans les Rocheuses. Au Québec, la petite ville de Farnham en Estrie va loger ses premiers prisonniers allemands à partir d'Octobre 1940. Des officiers de renseignements militaires d’Ottawa étaient en charge de trouver des réseaux nazis au sein des prisonniers. Sur 1098 prisonniers allemands répertoriés au Québec, Farnham comptait environ 200 prisonniers, surtout des officiers. Le camp spécial de Farnham n’était pas un endroit de salubrité exemplaire pour ces nouveaux occupants. Il y aura de nombreuses plaintes faites par les prisonniers au Consul suisse et à la Croix Rouge, si bien que les aménagements seront améliorés. Le camp de Farnham fermera ses portes en 1946. Un petit camp de transit sera également aménagé à Sherbrooke le long de la rivière St-François tout près du village de Lennoxville.

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Baraques du camp de Farnham L'évasion de Von Werra

Peu à peu, les camps d'internement canadiens vont également loger des ressortissants italiens et japonais emprisonnés en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Les prisonniers de guerre étaient astreints à certains travaux forcés dits d'utilité publique. Le camp de Bomanville en Ontario va loger environ 800 officiers allemands, dont le capitaine Otto Kretchmer et le général Von Ravenstein. Cependant, un prisonnier allemand récalcitrant, le pilote Von Werra, n'y sera pas logé car il réussira à s'évader en plein hiver du train qui le conduisait à Bomanville (clip ci-haut). Werra réussira à traverser le lac Ontario et à rejoindre les États-Unis, alors encore neutre - puis à revenir en Allemagne!

En Allemagne

Les autorités du Reich ont élaboré un imposant système de camps de prisonniers qui s'est incorporé à celui de ses camps de concentration. Le système carcéral allemand a connu son lot de tentatives d'évasions individuelles réussies ou non, ses coupeurs de barbelés, ses creuseurs de tunnels, etc. Généralement, il était plus difficile de s'évader d'un camp de prisonniers situé en Allemagne qu'en territoire occupé – et cela autant à l'Ouest qu'à l'Est. Il était encore plus difficile pour le S.O.E britannique d'étendre les mailles de ses filières d'évasion en territoire allemand, surtout à cause de la distance et de l'inexistence de réseaux de résistants antinazis allemands. En Allemagne, les prisonniers évadés avaient le même handicap que leurs alter-ego allemands en Angleterre: l'absence de complicité locale. L'allure d'un étranger dans un bled où tout le monde se connaît éveille rapidement des soupçons – et le prisonnier se retrouve rapidement pensionnaire de son stalag ou, pis encore, d'un camp spécial pour fortes têtes géré par la Gestapo. Les Allemands font ce qu'ils peuvent pour s'assurer de la docilité de leurs prisonniers de guerre. Ils désignent un sous-officier ennemi (ou un officier dans le cas des oflags) le plus haut en grade en lui donnant la "responsabilité" de la bonne conduite de ses camarades – et de leur présence matinale à l'appel devant leurs baraquements:

  S'il y a nonchalance ou turbulence, le-dit sous-officier ou officier désigné est gardé en incarcération comme otage et peut subir de mauvais traitements. Cette politique a partiellement démotivé plusieurs prisonniers de s'évader; mais, elle ne sera pas un bon instrument de dissuasion

 Les fortes têtes sont mis au fers dans le bloc carcéral et privé de lumière et de nourriture durant plusieurs jours – ce qui est suffisant pour les calmer. Mais, cette mesure ne sera pas encore suffisante pour maintenir l'ordre dans de nombreux camps.Le meilleur moyen de s'assurer l'obéissance des prisonniers dans un camp d'internement a été d'instituer la punition collective – utilisée généreusement par les geôliers japonais et soviétiques – pour leur enlever toute idée de s'évader. Il s'agit d'un truc simple et qui fonctionne: tout écart de conduite de la part d'un seul prisonnier entraînera de mesures contre tous les autres détenus. Pour l'administrateur allemand de camp (appelé souvent le "kommandant"), cette mesure permet d'appliquer une variété de sanctions:

  1. Réduire le temps que les détenus passent à l'extérieur de leurs baraquements. Retenir les colis de la Croix-rouge destinés aux prisonniers. Espacer les périodes de repas, et en réduisant la quantité de nourriture. Garder les prisonniers alignés durant des heures sous la pluie ou le soleil.

Cette mesure a été très efficace pour réduire le nombre de tentatives d'évasions individuelles, mais elle aura un effet pervers: encourager les détenus de certains camps à s'organiser pour s'évader en groupes. C'est encore une preuve qu'une action disciplinaire peut avoir parfois, sur certains profils de prisonniers, un effet contraire à celui anticipé par ses geôliers: galvaniser leur désir de s'évader au lieu d'accepter leur condition de captifs.

Une évasion réussie

Le Stalag Luft 3 était situé en Haute-Silésie, à 100 milles au nord-est de Berlin. Ce grand camp a été construit en 1942 et a reçu ses premiers prisonniers à la fin Avril. Ses détenus sont des Britanniques et des Américains. En 1943, il engrange des aviateurs de toutes les forces aériennes alliées et, malgré leurs récidives, ceux-ci sont bien traités par les Allemands. En 1943, il est bordé par trois autres camps; l'un d'entre eux, le Stalag Luft 3C, détient des prisonniers russes.

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Le Stalag Luft 3 hébergera des aviateurs alliés jusqu'en Avril 1945

Ce camp de prisonniers a été construit pour interner des officiers et sous-officiers qui avaient tous des antécédents d'évasion dans d'autres camps. Il est géré par la Luftwaffe, mais est créé à un moment où la querelle sur la gestion des camps est à son degré le plus élevé entre Goering et Himmler. Ce dernier n'apprécie pas la "mollesse" de la Luftwaffe dans l'administration de ses camps, surtout que le Stalag Luft 3 abrite des prisonniers récidivistes. L'autre particularité du Stalag Luft 3 c'est qu'il sera le sujet d'un film américain intitulé La grande évasion, produit par John Sturges en 1962. La réalité et la fiction vont se combiner pour illustrer l'évasion la plus embarrassante et la plus connue de la guerre.

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Le kommandant Lindeiner-Wildau l'acteur qui l'incarne Prisonniers fêtant le 4 Juillet

Bien qu'il s'agissait d'un camp pour officiers, le Stalag Luft 3 n'était pas considéré comme un oflag (offizier lager) comme les autres, mais comme une "cage pour sauterelles". Il était commandé par l'oberst Von Lindeiner-Wildau. Cet officier de carrière d'aviation avait la réputation d'être un très bon administrateur qui connaît bien les problèmes des camps de prisonniers. Il était reconnu pour sa gestion humaine, et inspirait le respect à la fois de son personnel et de ses prisonniers. Dans son film La grande évasion, le réalisateur Sturges choisit l'acteur allemand Hannes Messemer pour incarner ce kommandant (ci-haut au centre). Von Lindeiner-Wildau sait que s'il réussit à faire avorter toute tentative d'évasion de la part de ses prisonniers récidivistes, ses efforts seront reconnus par Goering. En effet, le Reichsmarshall voulait prouver à Himmler que la Luftwaffe pouvait gérer des camps de prisonniers aussi efficacement que les S.S. L'OKL – soit le Haut commandement de la Luftwaffe – espérait que les fortes têtes détenues dans ce seul camp serviraient la propagande du Reich. Celle-ci désirait dissuader les prisonniers de guerre des autres camps de s'évader.  Les conditions de détention dans le Stalag Luft 3 étaient généralement bonnes, malgré des pénuries occasionnelles en vivres. Des corvées de travail sont organisées dans les fermes et boisés situés à quelques kilomètres du camp; le travail est parfois pénible mais ne fait pas flancher le moral des détenus. Fait à noter, la plus grande souffrance endurée par les prisonniers a été le froid hivernal de 1943-44 – un élément que, de l'avis des ex-détenus, le réalisateur Sturges n'a pas illustré dans son film hollywoodien. Durant l'année 1943, le Stalag Luft 3 connaît plusieurs tentatives d'évasion qui ont avortées, à la fois par la maladresse de évadés et la clairvoyance de leurs geôliers (ci-bas).

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Euh oupps... De nouveaux prisonniers pour le Stalag Luft 3

La Luftwaffe a entraîné un certain nombre de ses gardiens de camps dans des techniques de détection d'évasion. Ils portent le nom de "furets". Ceux-ci peuvent inspecter en tout temps les enceintes de détenus et y faire des fouilles à toute heure du jour ou de la nuit. Ils sont munis de détecteurs métalliques pour prendre des échantillons de sol sous les baraquements. Lorsque du sable est trouvé, cela leur indique que les détenus essaient de creuser un tunnel. Les furets ont développé de bonnes techniques d'interrogatoires sans que la force physique soit nécessaire. Leur but est d'exercer une pression psychologique sur les leaders des prisonniers afin de contrecarrer leurs plans – et ça réussit parfois. Le furet plus perspicace était un caporal du nom de Greise. En Mai 1943, son esprit d'observation fait avorter une tentative d'évasion en découvrant les travaux d'un tunnel. Cette découverte flatte l'orgueil du kommandant Von Lindeiner-Wildau, mais démoralise les prisonniers qui voient s'évanouir leurs projets de s'évader – du moins pour plusieurs mois.Malgré cet échec, le leadership des détenus groupé autour du major Roger Bushell (que Sturges fait incarner sous le nom de Bartlett) envisage de préparer une autre grande tentative d'évasion. Elle s'organisera durant le pénible automne-hiver 1943-44. Tout est minutieusement organisé pour creuser un nouveau tunnel. Celui-ci fera 111 mètres de long par 10 mètres de profondeur, et aura même un éclairage électrique (ci-bas).

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Un petit tunnel éclairé Un ventilateur improvisé pour le tunnel des évadés

Plusieurs prisonniers s'affairent à le creuser malgré le gel et la pluie. D'autres confectionnent des vêtements et des faux papiers avec une ingéniosité remarquable. Le seul problème important est de cacher et disperser l'énorme quantité de terre déblayée par le creusage du tunnel; étonnamment, le travail se fait sans que les Allemands soient inquiétés. En fait, sans relâcher leur garde, les Allemands avaient d'autres chats à fouetter que les seules têtes fortes du camp principal. Au printemps 1944, la population des trois camps composant le Stalag Luft 3 atteint 10,494 aviateurs prisonniers de 13 nationalités; cela exige un grand effort d'encadrement de la part des geôliers de Von Lindeiner-Wildau. Affairés à gérer le stalag, les Allemands seront moins attentifs aux creuseurs du nouveau tunnel. Dans la nuit du 24 Mars 1944, plus de 230 prisonniers se préparent à franchir le tunnel par petits groupes. L'opération se passe bien jusqu'au moment où l'alarme est donnée. Les baraques suspectes sont cernées et les prisonniers, valises à la main, se font grouper, mains en l'air, à l'extérieur. Les miradors éclairent partout. Quant aux évadés, 80 d'entre eux parviennent à sortir du camp. Sur ce nombre, 4 sont repris immédiatement à la sortie du tunnel, et les 76 autres se dispersent dans la nature. Une grande chasse à l'homme débute dans toute l'Allemagne, mobilisant les effectifs de 7 services. Finalement, trois prisonniers parviendront à réussir leur évasion – dont un via une filière d'évasion du S.O.E en France – et trois autres seront abattus. Les 70 qui restent sont repris, et 50 d'entre eux vont être fusillés sous l'ordre de la Gestapo. Les survivants retourneront épuisés et dépités au Stalag Luft 3.

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Ces responsables sont condamnés à mort après l'exécution des 50 évadés Site du Stalag Luft 3

Cette évasion fut un coup dur pour la crédibilité de l'OKL dans sa gestion des camps de prisonniers, ainsi que pour Von Lindeiner-Wildau. Ce dernier est arrêté et remplacé par son adjoint, l'oberst Braune, qui apprend avec horreur le sort des 50 évadés. Quant aux bourreaux, 18 d'entre eux seront arrêtés par les Britanniques en 1947. Sur ce nombre, 13 sont condamnés à mort par un tribunal militaire à Hambourg, et les autres emprisonnés à perpétuité. La "réussite" de cette évasion tient beaucoup plus du mythe hollywoodien que de la réalité historique. L'évasion des 76 prisonniers du Stalag Luft 3 a certainement causé certains embarras aux polices allemandes, mais elle a été sans conséquence réelle sur le plan militaire. Elle n'aura été qu'une valeur de symbole, pour affirmer la volonté que peut avoir (lire ici "doit avoir") tout prisonnier de guerre de refuser la captivité et la servitude – mais à quel prix.

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Seconde Guerre mondiale

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