Jan Smuts

Premier ministre

1870-1950

Avocat et officier volontaire sud-africain qui a été le premier ministre de l'Afrique du Sud durant la Seconde Guerre mondiale.

Né à Riebeek dans la colonie du Cap, Smuts eut une bonne éducation primaire et secondaire et est accepté au Collège de Victoria. Smuts est à la fois studieux, sans vie sociale, se tenant volontairement à l’écart des autres étudiants. Autodidacte, il apprit le néerlandais sans recourir à un professeur. Il fit de même avec l’allemand, puis le grec ancien, afin d’étudier les lettres classiques dans le texte. Le dimanche, il ne manquait aucun service religieux, lisait la Bible aux enfants métis et effectuait de très longues promenades et randonnées solitaires à travers le veld sud-africain. Il finit cependant par sortir de sa réserve et commença à écrire dans le magazine du collège et à participer à des débats politiques. Il devint ainsi le président de la société de débat du collège. C’est dans ces conditions, en 1888, qu’il fut amené à écrire et prononcer le discours de bienvenue à Cecil Rhodes, en visite dans cet établissement et, à l’époque, potentiel premier ministre de la colonie. Smuts rédigea un discours sur le panafricanisme proche des idéaux de Rhodes, partisan de l’union africaine sous l’égide du Royaume-Uni. Âgé de 21 ans, il obtint alors une bourse d’études pour étudier le droit au Christ’s College de l’université de Cambridge en Angleterre. À Cambridge, plus âgé de deux à trois ans que ses condisciples, il est encore isolé. Isolement accentué par ses origines sociales et culturelles. Il vivait de plus dans des conditions modestes. Politiquement, il commence à s’engager du côté des Unionistes britanniques et de la politique d’expansion économique et territoriale. Il rejoint alors l’Afrikaner Bond, partisan de l’unité sud-africaine, où il rencontre Jan Hofmeyr.Ses positions anciennes libérales pro-Rhodes et pro-britannique ne pouvaient rencontrer aucun écho dans la rude et conservatrice république boer. Mais pragmatique et animé d’un instinct politique hors du commun, il parvient assez rapidement à se faire adopter par le monde politique du Transvaal avec un discours diamétralement opposé à celui qu’il tenait au Cap. Ainsi, avec la foi des nouveaux convertis, ses chroniques dans la presse afrikaans sont radicalement anti-britanniques dont il conspue l’impérialisme. Il parcourt alors tout le pays avec un discours virulent appelant à la résistance contre les diktats britanniques. En 1898, Paul Kruger est élu une troisième fois à la présidence du pays contre le chef de la Cour de justice, John Gilbert Kotzé. Son conservatisme politique est alors à l’opposé du libéralisme de Smuts, outré par les libertés que Kruger prend notamment par rapport à la séparation des pouvoirs.

Le 11 octobre 1899, débute la deuxième Guerre des Boers, entre le Transvaal et l’État libre d'Orange d’une part et le Royaume-Uni d’autre part. Smuts est alors le bras droit de Kruger à Pretoria, écrivant les discours, diffusant la propagande, organisant la logistique et maintenant le contact avec les ambassades du pays en Europe. Smuts combattit aux côtés de De La Rey, attaquant et harcelant par petits groupes les arrières britanniques. Tels des piqûres de guêpe, ils parvenaient à affaiblir leur adversaire. La paix revenue, Smuts reprend son métier d’avocat, l’activité où en fait il excellait le moins. Il n’était pas aimé par les britanniques alors que de nombreux afrikaners lui reprochaient d’avoir empêché une lutte à mort contre l’occupant ou à l’inverse d’avoir prolongé la guerre après la chute de Prétoria. En janvier 1905, le général Louis Botha, Jan Smuts et plusieurs anciens généraux boers constituèrent un parti pour unir les Afrikaners et baptisé « Het Volk » (le peuple). L’objectif est d’obtenir un gouvernement autonome et la constitution d’un état sud-africain. Ses longs séjours en Europe durant la Première Guerre mondiale l’avaient déconnecté de ses concitoyens. Ceux-ci n’aspiraient pas aux velléités internationalistes de Smuts mais étaient dans l’ensemble assez isolationnistes. Alors que Smuts avait de grandes ambitions internationales pour l’Afrique du Sud, ses concitoyens blancs voulaient au contraire que leur gouvernement se préoccupe non des affaires du monde mais des problèmes internes à l’Afrique du Sud. Durant les années 1930, Smuts qui perçoit les dangers du nazisme en Europe pense néanmoins que la guerre peut être évitée. Il a confiance en la Société des Nations et croit que le nazisme peut être contenu et combattu par une révision du traité de Versailles dont il a toujours contesté la dureté vis-à-vis de l'Allemagne. Il pousse la Grande-Bretagne à mener une telle politique et à réclamer la révision du traité tout en apportant des garanties à la France mais à la suite de l'Anschluss, Smuts révise sa position et estime que la guerre est de plus en plus inévitable. Pour Smuts, le troisième Reich est une menace pour la civilisation occidentale, pour le Commonwealth et pour l'Union d'autant plus que le pays a un mandat sur le Sud-Ouest africain, une ancienne colonie allemande. Quand la Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Allemagne le 1er septembre 1939, Smuts est convaincu que l'Union n'a ainsi pas d'autres alternatives que d'entrer elle aussi en guerre. Mais Hertzog est d'un autre avis et refuse de s'aligner sur la Grande-Bretagne et opte pour la neutralité de l'Afrique du Sud dans le conflit européen. Il essaye d'obtenir de nouvelles élections pour que les électeurs puissent donner leur avis mais le gouverneur refuse. La question est finalement tranchée au parlement. Le vote a lieu le 4 septembre 1939. Hertzog reçoit le soutien du parti national mais avec une majorité de 80 voix contre 67, la chambre suit la position de Smuts pour l'entrée en guerre de l'Union de l'Afrique du Sud au côté de la Grande-Bretagne. Hertzog défait, il démissionne de sa fonction de premier ministre et de sa position de chef du parti uni. Les cinq anciens ministres issus du parti national (Nicolaas Havenga, Oswald Pirow, Henry Fagan, Jan Kemp et A.P.J Fourie) démissionnent également et rejoignent Malan sur les bancs de l'opposition parlementaire. Le 6 septembre 1939, Jan Smuts, élu nouveau chef du parti uni, devient premier ministre et forme un nouveau gouvernement dans lequel il est aussi ministre de la Défense et Commandant Suprême de l'armée de l'Union.

Au début de la guerre, Smuts doit déterminer l'étendue des ressources militaires et industriels dont il dispose et neutraliser son opposition interne particulièrement forte et organisée. Le plus grand défi qu'il doit relever dans ce cadre est l'émergence de la Ossewabrandwag (la sentinelle des chars à bœufs), une organisation para-militaire afrikaner, hostile à la guerre et dont le but est de saper l'effort de guerre par des actes de sabotage. L''Afrique du Sud devient ainsi une importante source d'approvisionnement pour les Alliés en Afrique et au Moyen-Orient. Elle produit notamment cinq millions de grenades à main, deux millions d'obus de mortier, dix millions de paires de chaussures et six millions de paires de bottes de cuir, prélude à l'expansion industrielle que connait le pays après la guerre. L'une des responsabilités qui incombent à Smuts est de sécuriser la route maritime autour du Cap pour contrôler l'accès à l'Abyssinie italienne. Il engage très rapidement les forces sud-africaines, dont la South African Air Force, en Somalie italienne et en Abyssinie où les troupes sud-africaines investissent Addis-Abeba. Pour Smuts, une victoire des forces alliées au Moyen-Orient est particulièrement vitale et constitue un enjeu majeur pour la suite de la guerre. Membre du cabinet de guerre britannique, il est toujours en contact étroit avec Winston Churchill et se rend régulièrement à Londres. Le 28 mai 1941, Smuts est promu Field Marshal de l'armée britannique. Comme il s'y attendait, l'année 1941 est le point tournant de la guerre. Smuts engage les forces sud-africaines dans les combats en Égypte et en Libye (bataille d’El-Alamein en septembre 1942). Présent sur le front en Europe, il doit confier à Jan Hendrik Hofmeyr, son ministre des Finances, le soin de gérer les affaires courantes en Afrique du Sud où le parti uni remporte notamment les élections générales de 1943. Pour Smuts, sa victoire électorale de 1943 et la déroute des partisans de l'Ossewabrandwag, est la preuve d'un soutien durable des électeurs sud-africains à sa politique et à sa vision d'une Afrique du Sud loyaliste vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Dans un discours prononcé devant le Parlement britannique, le 25 novembre, il déclare que la responsabilité de la paix mondiale repose sur trois grandes puissances (les États-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne), elle-seules ayant la capacité de l'imposer et fait des suggestions pour mettre en place une organisation plus efficace du Commonwealth. Mais dans le courant de l'année 1944, il s'inquiète de la montée en puissance de l'Union soviétique et de son avancée rapide dans l'est de l'Europe face aux troupes allemandes déconfites. Il insiste auprès des commandants des forces d'invasion anglo-américaine pour engager leurs forces en Europe centrale et orientale via les Balkans et Trieste pour enrayer l'avancée des soviétiques.

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