Emmanuel d'Astier de la Vigerie

Écrivain et journaliste

1900-1969

Activiste de gauche qui a fondé le mouvement de résistance Libération-Sud ainsi que le journal Libération.

Né à Paris d'une famille d'aristocrates aisée. Il fait ses études secondaires puis s'intéresse au journalisme malgré le fait qu'il est diplômé de l'École navale, ce qui est interprété comme une sorte de trahison familiale, une volonté de rompre avec son milieu d'origine. D'Astier entre à l'hebdomadaire Marianne. Il effectue divers reportages en Allemagne et en Espagne pour les magazines Vu et Lu. Même s'il était membre de l'Action française, ses affinités politiques s'orientent surtout vers la gauche.

Lorsque la guerre éclate, d'Astier est mobilisé au Centre maritime de renseignements de Lorient. En Juin 1940, il rejoint le 5ème Bureau qui s'est replié à Port-Vendres. Après la débâcle, il est démobilisé à Marseille le 11 Juillet. Il choisit d'emblée de lutter contre Vichy et l'occupant et se met aussitôt à la recherche d'hommes et de femmes qui pensent comme lui. Dès septembre, il fonde à Cannes le mouvement La Dernière Colonne, qui se destine au sabotage. Par la suite, il se rend à Clermond-Ferrand et se joint à l'équipe de rédaction du journal La Montagne. Lorsque le mouvement La Dernière Colonne est neutralisé suite à des arrestations, d'Astier entre dans la clandestinité sous le pseudonyme de "Bernard". Il crée le réseau Libération en Juin 1941 avec Jean Cavaillès. Ce réseau deviendra, avec Combat et Franc-Tireur, l'un des trois plus importants mouvements de résistance de la zone sud. Libération recrute le plus souvent ses membres dans les milieux syndicaux (CGT) et socialistes. À la tête du mouvement, il fait paraître affiches, tracts. En juillet, paraît le premier numéro du journal Libération. En Janvier 1942, une liaison est établie avec Londres par Yvon Morandat, représentant du général de Gaulle, puis par Jean Moulin qu'Emmanuel d'Astier rencontre pour la première fois. En Mars, a lieu à Avignon la première réunion des responsables des journaux Libération, Combat et Franc-Tireur, sous la présidence de Jean Moulin. Dans la nuit du 19 au 20 Avril, il profite de la mission de Peter Churchill pour embarquer sur le sous-marin P42 Unbroken pour aller à Londres. Il rencontre le général de Gaulle, début Mai. Il l'appellera plus tard "le Symbole". Celui-ci l'envoie en juin en mission à Washington. Il est chargé de négocier auprès de Roosevelt la reconnaissance de la France libre. Dans le courant du mois de Juillet, il rentre en France à bord d'un chalutier, avec le titre de chargé de mission de 1re classe, équivalent au grade de lieutenant-colonel. Il se rend pour un deuxième voyage à Londres avec Henri Frenay, en Novembre 1942, puis regagne la France. Il est désigné pour siéger au Comité de Coordination des Mouvements de Résistance. En Janvier 1943, le CCMR devient le Directoire des Mouvements unis de la Résistance (MUR), dont il devient le Commissaire aux affaires politiques. En avril, il repart pour Londres mais rentre en France en Juillet, après l'arrestation de Jean Moulin. En Octobre, il retourne à Londres. Fait à noter, d'Astier écrit une chanson intitulée La complainte du partisan, interprétée par Anna Marly. Celle-ci sera reprise en anglais en 1969 sous le titre The Partisan, par Leonard Cohen

Remarque importante de d'Astier sur la nature du résistant ( 1969 )

En Novembre 1943, d'Astier est à Alger avec de Gaulle. Le 9 Novembre, ce dernier le nomme Commissaire à l'Intérieur du Comité français de la Libération nationale (CFLN). Emmanuel d'Astier est membre du COMIDAC, Comité d'Action en France, institué en Septembre 1943. Il occupe ce poste jusqu'au 9 Septembre 1944. Son travail consiste à définir la stratégie et les crédits affectés à l'action de la résistance métropolitaine. En Janvier 1944, il rencontre Churchill à Marrakech pour lui demander des armes pour la Résistance. Un Gouvernement provisoire de la République française est créé, en Juin 1944. Il en devient ministre de l'Intérieur en Août, après son retour en France, ce qui lu vaut, soudainement, d'être bien considéré par sa famille…. À la suite d'un désaccord avec le général de Gaulle, il quitte ses fonctions le 10 Septembre après avoir refusé le poste d'ambassadeur à Washington. À partir du 20 Août, il transforme le journal Libération en quotidien; ce journal survivra jusqu'en 1964.

Après la guerre, d'Astier est fait Compagnon de la Libération par de Gaulle. Ce curieux homme demeurera toujours aussi cinglant, cynique et gauchisant, à la différence de ses frères François et Henri; il est élu député progressiste de l'Ile-et-Vilaine en 1945, et le restera jusqu'en 1958. Ce gaulliste de gauche fera partie de la présidence du Mouvement de la Paix et du Conseil mondial de la paix dans les années 1950 et à ce titre reçoit le Prix Lénine pour la paix en 1958. En 1952, il s'oppose à la ratification de la CED et, en 1957, il s'oppose au traité de Rome. Toutefois, en 1956, se différenciant des communistes par son neutralisme, il condamne l'intervention soviétique en Hongrie. Il condamne également l'expédition franco-britannique de Suez. Il n'en demeure pas moins un conseiller prisé par de Gaulle pour les Affaires soviétiques à la fin des années 1950 et début des années 1960. Malgré des divergences mineures, d'Astier s'exprimera toujours librement tout en maintenant une attitude de respect à l'égard du général de Gaulle. Pour preuve, son commentaire sur la nature du résistant dans le documentaire Le chagrin et la pitié réalisé par Marcel Ophuls (ci-haut).

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Ó Sites JPA,2013