L'Inde et la guerre
La guerre est aux portes de l'Inde. L'île-forteresse de Singapour est tombée. La Birmanie est occupée. les Indiens ne réagissent pas à ces événements par une riposte militaire, mais par une intensification de la lutte politique qui va rapidement prendre des allures de crise. La dernière chose que l'Angleterre souhaitait en 1942 était de se retrouver avec le problème indien en pleine guerre. Les défaites successives de l'Angleterre électrisent la population indienne qui croit que tout est désormais possible, y compris l'indépendance nationale. Les ressortissants britanniques qui habitent l'Inde réalisent que la crise militaire n'est pas un enjeu de vie ou de mort pour la population du sous-continent, mais plutôt une opportunité teintée d'incertitudes. Le désastre de Singapour signifie de facto la fin de l'Empire britannique. La nouvelle de ce désastre se répand vite car les journaux indiens sont très peu censurés. Les élites et les politiciens indiens sont non seulement en mesure de jauger les capacités militaires réelles des Japonais mais également les leurs. L'entrée en guerre verra le développement d'une véritable armée nationale combattant aux côtés des Alliés. L'Inde se battra en Afrique orientale, en Afrique du Nord, en Italie et en Europe. Elle contribuera à approvisionner la Chine et boutera les Japonais hors de ses frontières orientales. Simultanément, la situation politique de l'Inde va évoluer rapidement, car le sous-continent peuplé de 320 millions d'habitants cesse d'être un spectateur colonisé et soumis. Il deviendra un acteur incontournable.
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Indiens et Anglais
Au début de la guerre, les Britanniques ne sont pas dupes: Ils savent déjà que leur rôle politique s'achève en Inde. A partir de l'automne 1941, la menace d'une extension du conflit en zone Asie-Pacifique va produire deux événements insoupçonnés en Inde: le dégel des clivages sociaux entre Anglais et Indiens et celui des clivages sociaux entre Indiens eux-mêmes. Ces barrières sociales devenaient de plus en plus controversées. Les vieilles barrières de caste sont remises en question, ouvertement — du moins dans les grandes villes. Anglais et Indiens se côtoient plus fréquemment qu'auparavant, en dépit de leurs divergences politiques. Est-ce une nécessité imposée par la guerre? A partir de 1942, la guerre va catalyser le débat politique contre la présence britannique. elle solidifie l'armature du nationalisme hindou et secoue celui des musulmans. Dès lors, les autorités britanniques fragilisées par leurs revers militaires deviennent peu motivées à arbitrer les problèmes de l'Inde. Mais la guerre est là, toute proche...
Préambule historique
Au début du conflit sino-japonais, presque toute l'Asie était dominée par les Européens, à l'exception de l'Iran et la Thailande. L'Inde est sous la domination britannique depuis 150 ans, conquise entre 1757 et 1820. Fait à noter, la conquête de l'Inde n'a pas été rapide et brutale, mais graduelle. Une compagnie anglaise, la East India Company, commerçait déjà avec le sous-continent depuis 1790. par le biais de ses transactions et magouilles, elle a réussi à s'ingérer dans les affaires politiques de plusieurs régions indiennes, ce qui précipite la chute de l'empire Moghol. L'anarchie va fragiliser plusieurs États indiens. Entretemps, Londres envoie des militaires et des fonctionnaires pour protéger les "responsabilités politiques" de la East India Company; de ce fait, l'Angleterre se retrouve rapidement à la tête d'un empire avec le minimum d'effort pour mettre la main dessus.
L'Inde et ses régions
Cet empire a été sécurisé non pas par les forces britanniques elles-mêmes, mais par une politique fort habilement menée qui vise à favoriser certaines régions de l'Inde aux dépends de d'autres: diviser pour régner. Les Brits importent non seulement la force militaire mais aussi leur savoir-faire administratif et économique, ainsi que leur esprit législatif. Ils purent à leur grande surprise constater rapidement leur autorité à cause de l'incapacité des régions indiennes non seulement de se gouverner elles-mêmes mais aussi de refouler de nouveaux envahisseurs. De surcroît, la politique coloniale britannique repose sur le "indirect rule", c'est-à-dire l'application indirecte de son autorité via l'institution du Raj – le pouvoir des maharajas régionaux. L'administration britannique s'occupe des questions de défense, de commerce et des lois, et laisse aux rajas (petits patrons régionaux) le soin de gérer eux-mêmes leurs affaires ponctuelles, sans se mêler des questions sociales et religieuses.
Le drapeau du vice-royaume des Indes, entre 1879 et 1945
L'indirect rule est particulièrement apprécié en Inde et, à l'exception des Marathas et des Sikhs qui seront réprimés, l'Angleterre n'aura que très peu de problèmes parce qu'il n'y a pas de résistances populaires importantes à écraser. Au XIXème siècle, le pouvoir britannique reposera sur la volonté d'une majorité d'Indiens qui acceptent la bienveillance de leurs conquérants. Seule ombre au tableau, les tentations d'évangélistes irresponsables qui ont fâché les Indiens (et qui avaient conduit à la révolte de 1857); mais, à la suite de cet incident, l'administration coloniale a constaté les avantages à ne pas vouloir "voler les âmes" des Indiens en intervenant dans leur vie spirituelle...
La révolte de 1857 coûta la vie à 8000 Britanniques
La gestion de l'Inde restera la même jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, car les Brits n'ont pas l'habitude de changer une recette qui marche bien. Ils ont non seulement établi une fonction publique anglaise impeccable, mais engagé et formé de nombreux fonctionnaires indiens. Grâce à ces fonctionnaires autochtones des années 20 et 30, l'Inde va se doter d'un instrument par lequel elle pourra proposer et appliquer des réformes constitutionnelles. Plusieurs familles aisées envoient leurs enfants étudier à Londres pour occuper un poste dans la bureaucratie indienne; ce sera le cas de Nehru et de ses fils. peu à peu, le nombre des fonctionnaires professionnels indiens s'accroit et va surpasser celui de leurs alte ego britanniques décroît. En 1940, il n'y a plus que 910 fonctionnaires britannique en poste dans tout le sous-continent.
Durant cette période, un mouvement national indien issue en grande partie de cette bureaucratie autochtone made in England veut définir l'identité politique indienne, ses choix politiques et ses priorités. Il sera le catalyseur qui va pousser l'Inde à sortir de sa sujétion et l'amener à son indépendance. En 1939, elle voit la guerre comme une opportunité. Au début de 1942, ce mouvement doit son essor à trois facteurs:
1- Les institutions libérales instaurées par le colonialisme britannique
2- Par l'action d'une personnalité marquante – Gandhi.
3- A l'idée que l'Inde se fait d'elle-même, suite aux victoires japonaises.
Il ne faut pas oublier que la domination britannique et sa prospérité économique ont engendré l'émergence d'une classe moyenne indienne bien instruite et qui parle l'anglais – la langue du colonisateur. Cette classe bénéficie des avantages reliés à fréquenter puis négocier avec le pouvoir colonial, au point où beaucoup d'Indiens s'int`grent très bien dans la culture britannique. Certains d'entre eux deviendront "plus Brits que les Brits". Cela ne veut pas toujours dire que les familles de cette classe moyenne ont été anglicisées. Les femmes restent le principal moteur contre l'assimilation culturelle et linguistique.
Le patriotisme indien
L'exemple le plus frappant d'occidentalisation sans assimilation est celui du Mahatma Gandhi. Le père de l'indépendance de l'Inde a toujours affirmé être un Hindou, qui mange indien, dont les ancètres étaient Hindous. Il s'habille de vêtements indiens et marche en sandales, alors qu'il était avocat: un homme influencé par le libéralisme anglais – prônant l'égalité des citoyens, une conscience individuelle, un socialisme non doctrinaire, et même l'égalité entre hommes et femmes. Toutes ses idées sont issues de la tradition britannique. Gandhi fait partie de cette classe moyenne qui a pris une importance politique considérable, au point où pour l'opinion internationale, elle est sera la seule à parler et à représenter le pays. Le patriote indien de l'époque monopolise à lui-seul le sentiment nationaliste des Indiens. Il est éloquent dans sa dénonciation de l'impérialisme britannique et utilise tous les moyens que lui permet la loi pour véhiculer ses idées politiques. Les nationalistes indiens vont se diviser en deux courants:
1- Les constitutionnels – qui jouent le jeu politique actuel pour obtenir des réformes.
2- Les révolutionnaires – qui veulent l'indépendance par tous les moyens.
Les deux courants reçoivent des appuis des radicaux britanniques d'Angleterre, et ces derniers seront des alliés précieux pour convaincre les patriotes indiens de réaliser leur indépendance, mais par le biais d'une approche constitutionnelle et modérée. Peu avant la guerre, ces derniers abandonnent toute idée de terrorisme et optent pour une approche graduelle mais ferme de leurs objectifs. L'instrument politique du mouvement national est le Congrès national indien, dirigé par Gandhi. C'est lui qui sera l'inspiration morale et têtue du nationalisme indien, et sera aussi déterminé que pragmatique. Durant plus de 30 ans, il fait passer ses idées simples par une approche non-violente et, au besoin, par la désobéissance civile.
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Gandhi est un chef visionnaire et charismatique – L'Inde de l'entre-deux guerres
En 1930, le souci des Britanniques était de préparer l'Inde à l'autodétermination. L'Angleterre de l'entre-deux guerres est en pleine crise économique et manque de ressources financières et matérielles, de même que de volonté politique pour défendre elle-même le sous-continent dans l'hypothèse d'une attaque japonaise. A Londres, l'autodétermination est dénoncée par une partie de la députation des Communes qui y voit une perte de prestige, tandis qu'à Delhi, une partie de la classe moyenne indienne occidentalisée croit qu'un retrait britannique anticipé conduirait l'Inde au chaos. en 1936, les nationalistes indiens exigent que l'Inde devienne un dominion exerçant la majorité des pouvoirs. Ils n'obtiennent de Londres qu'une participation démocratique de la députation indienne dans le gouvernement colonial à Delhi. Quand le Japon attaque la Chine en 1937, les Britanniques sont inquiets et donnent des pouvoirs aux députés et ministres indiens, autant dans le gouvernement central que dans les provinces. Cependant, les Brits conservent leur pleine autorité en matière de défense et de politique étrangère.
L'entrée en guerre
Lorsque l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne, l'Inde entre également dans le conflit. Pourtant, les Indiens n'ont aucun grief contre les Allemands, et les leaders nationalistes ne se gênent pas pour l'affirmer à la presse. Bien que Nehru ait dénoncé la politique d'apaisement de Chamberlain au Congrès national, tout comme les excès du nazisme, il condamne l'entrée en guerre de l'Angleterre. Les chefs nationalistes plus conservateurs se montrent indifférents parce qu'ils de méfient des Brits et de leur propagande. Fait à noter, l'autorité coloniale n'a pas consulté la population indienne pour mettre le pays en état de guerre. Les Indiens se demandent comment les Britanniques peuvent penser les convaincre de participer à une guerre pour sauver la démocratie en ignorant leur avis d'une manière aussi anti-démocratique.
En guise de protestation, le Parti du Congrès quitte le gouvernement colonial et se retire de l'administration de huit ministères régionaux. Malgré ce geste d'éclat rapporté par la presse internationale, l'Inde ne protestera pas activement contre les agressions allemandes en Europe. Elle va entraîner quelques divisions de Punjabis que les Brits envoient en Afrique du Nord et dont, paradoxalement, leurs exploits ravissent les nationalistes indiens. En gros, cette nouvelle guerre n'intéresse pas les Indiens – à l'exception de l'État du Punjab qui va fournir la majorité des volontaires. L'autorité coloniale s'inquiète de cette indifférence de la part d'une population qui se croit ni alarmée ni menacée. Il faudra attendre les attaques japonaises et la chute de Singapour pour susciter l'inquiétude des Indiens.
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Le choc de la guerre
La réaction de l'Inde devant la conquête de la Malaisie, l'occupation de la Birmanie et la chute de Singapour n'a pas été marquée par une mobilisation, mais une recrudescence de la crise politique entre l'autorité coloniale et le Parti du Congrès. Pour les Britanniques, la déroute de leurs arnées les placent dans un état d'incertitude, d'autant plus que les nouvelles provenant de l'Asie du Sud-Est se répandent rapidement. A Delhi, la capitale indienne, la vie suit son cours normal. Il y a un va-et-vient constant d'uniformes et de véhicules militaires parmi la foule. Les quelques renforts britanniques ne font pas de cas du racisme de l'administration coloniale. Ils parviennent à établir de bons contacts avec les Indiens des grandes villes jusqu'au début de 1942. Le climat va se détériorer au fur et à mesure que l'effervescence nationaliste va progresser dans le sous-continent.
Hindous et Musulmans
En 1942, la crise indo-musulmane est au coeur de la lutte nationaliste. C'est la pierre angulaire de tous les problèmes politiques du sous-continent durant la Seconde Guerre mondiale. Hindous et Musulmans s'entendent sur une revendication fondamentale: Les Britanniques doivent partir. Mais, ils divergent sur le type d'État-nation à construire:
a) Les Hindous veulent une Inde unifiée dans un système fédéral.
b) Les Musulmans veulent leur propre État unitaire: le Pakistan.
Le rapport de force démographique favorise les Hindous car ces derniers constituent la majorité de la population indienne. La minorité musulmane n'est concentrée que dans quelques régions. de surcrît, les activistes nationalistes hindous sont à la fois plus actifs et mieux éduqués que leurs vis-à-vis musulmans. Historiquement, les Hindous et les Musulmans indiens (les futurs Pakistanais) proviennent de la même souche culturelle et linguistique – soit L'Hindoustani – une langue proche du sanskrit et qui donna naissance à deux autres langues: l'Hindi, parlée par la majorité hindoue, et l'Ourdou, parlée par les Musulmans indiens. Les deux langues se ressemblent, mais pas assez pour être un outil de rapprochement. Lorsque les Hindous lancent leurs cris de ralliement pour l'indépendance nationale, ils croient que les nationalistes musulmans vont les appuyer; en fait, la plupart d'entre eux les rejoignent. Les activistes musulmans acceptent d'évoluer dans les structures hindoues, car celles-ci sont mieux organisées pour faire de la lutte politique. Mais au fur et à mesure que les années passent, ils sont convaincus que l'indépendance de l'Inde risque de se faire à leurs dépends. Dès lors, deux nationalismes prennent forme et se précisent, devant les yeux inquiets des Britanniques. Les activistes des deux camps posent les vraies questions sans se gêner, alors que l'Inde est en guerre contre les pays de l'Axe:
1. Est-il possible que les Hindous et Musulmans puissent cohabiter dans le même espace étatique?
2. Est-il possible que les Hindous et Musulmans puissent se concerter sur un plan conjoint?
3. Serait-il profitable de créer deux États? L'un pour les Hindous et l'autre pour les Musulmans?
L'idée que l'indépendance produirait deux États va prendre un certain temps avant de prendre racine en Inde. La question tourne au vinaigre rapidement, à savoir si la minorité musulmane a "le droit" de se séparer de l'État envisagé par la majorité hindoue. Il faut signaler que les Hindous et Musulmans ont cohabité dans me même espace territorial depuis des siècles. est-ce que la seule différence religieuse serait suffisante pour les transformer en adversaires irréconciliables? La majorité des Musulmans le croient, et pour trois raisons:
a. Il n'existait pas de vouloir-vivre collectif entre les Hindous et Musulmans
b. Les deux communautés ont évolué séparément et les liens qui les unissent sont artificiels: créés par l'administration coloniale
c. Chaque communauté a son sytème légal, ses coutumes, sa littérature, sa tenue verstimentaire, sa nourriture, et son code de bienséance.
Il est vrai que des liens partiels réels ont été établis à cause du commerce et de langues voisines. Cependant, la fraternisation de longue durée est rare: pas question d'harmoniser les deux communautés. La communauté musulmane a toujours été perçue comme rétrograde, pour trois raisons:
1. Durant l'administration britannique, les Musulmans n'ont pas su tirer profit des mêmes avantages que les Hindous pour faire évoluer leurs communautés. Les outils sont là, mais ils n'en profitent pas. L'héritage historique et psychologique déprimant qui a suivi la chute du pouvoir moghol les cantonnent dans une attitude de perdants et d'éternels insatisfaits.
>2. L'Islam de cette époque s'oppose à l'éducation moderne, et les Musulmans suivent cette directive religieuse plus à la lettre que les Hindous. La simplicité de la démarche musulmane conditionne leur tempérament agressif en politique, ce qui la rend anthipatique aux Britanniques. Ces derniers sont plus attirés et mystifiés par la subtilité du caractère hindou.
2. Les institutions islamiques en Inde sont inadéquates pour s'ajuster aux défis de l'ère moderne. Les Musulmans indiens sont majoritairement tournés vers le passé et leurs activistes dépassés par les événements.
Cette réalité va illuster la problématique suivante. Les nationalistes hindous ont besoin de l'appui de leurs homologues musulmans. Ils croient que les Musulmans exagèrent les clivages communautaires. les Hindous affirment que les générations précédentes ne vivaient pas une telle ségrégation de fait. Certes, la plupart des Hindous admettent que les relations ne sont pas très bonnes entre les deux communautés; mais, ils affirment que cela est dû aux pratiques de l'administration coloniale britannique qui cherche à les diviser pour imposer sa loi en Inde. les Hindous croient également que les différences sont beaucoup plus de nature économique que politique. Ils mettent le salut du nouvel État en devenir dans l'ouverture aux capitaux étrangers. La politique économique deviendra, selon eux, le moyen le plus efficace pour harmoniser les deux communautés. Mais il fallait, pour ce faire, quitter l'Empire britannique et réaliser l'indépendance.
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Jinnah et Gandhi à Londres — Manifestation de la Lighe musulmane
En 1942, la guerre entre les alliés et le Japon va déteriorer les relations entre Hindous et Musulmans. Alors que les Hindous essaient de faire surnager le Parti du Congrès, les Musulmans fondent la Ligue musulmane dirigée par Mohamed Jinnah pour mobiliser ses partisans. Cette organisation essaie d'offrir l'alternative d'un État unitaire aux Musulmans et les incités à abandonner le Parti du Congrès, perçu comme pro-hindou. Les Musulmans organisent des manifestations, dont certaines ont une allure para-militaire. Ils menacent les autorités britanniques de guerre civile si Londres cède devant les Hindous.
La mission Cripps
Devant une situation politique dangereuse, le gouvernement d'union nationale sous Churchill n'a qu'un seul mot d'ordre en Inde: calmer le jeu. Quelque chose devait être entrepris pour réduire les tensions sociales, tout en préparant les défenses de l'Inde contre les Japonais. C'est à ce moment où Churchill a l'idée d'envoyer un plénipotentiaire, Stafford Cripps, à Delhi pour tenter d'amadouer le Parti du Congrès. Cripps est un travailliste et avocat très convaincu que la seule voie pour l'Inde était un "gouvernement adéquat", en échange d'une participation plus active des Indiens dans l'effort de guerre britannique. Cependant, sa mission ne fait pas l'affaire des conservateurs londoniens qui ne croient pas que les Indiens vont se laisser convaincre par sa belle prose autonomiste.Le Foreign Office et les nationalistes indiens savent que le seul prix à payer pour une participation soutenue est l'indépendance – avec pour corollaire une révolte musulmane et peut-être une partition du sous-continent. qui plus est, une grande partie de la population hindoue ne veut pas guerroyer contre le Japon à ses portes.
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Cripps rencontre Jinnah — Cripps est la dernière carte diplomatique à jouer en Inde
Cripps rencontre Gandhi et des cadres du Parti du Congrès. Il propose d'abolir l'administration coloniale à la fin de la guerre et la remplacer par une assemblée constituante qui aura toute la liberté d'écrire une constitution. Cripps souhaite que l'Inde reste dans le Commonwealth et combatte les Japonais. Cette fois, les Indiens ont fait leurs classes: ils savent que les Brits sont en position de faiblesse et qu'ils ne cherchent qu'à gagner du temps. Gandhi exige l'indépendance nationale comme pré-requis pour poursuivre les négociations. Devant le refus de Cripps, les nationalistes rompent les négociations – surtout lorsque Gandhi apprend que l'offre de Cripps incluait une proposition de sécession aux régions musulmanes, une chose impensable pour la majorité hindoue. Aux États-Unis, l'administration Roosevelt s'inquiète de la situation indienne et propose sa médiation pour épauler celle de Cripps, mais sans succès. Les Américains craignent que l'Inde se retire de la guerre avec pour résultat de perdre les bases essentielles pour aider la Chine et contenir l'expansion japonaise. Très peu d'Américains de cette époque connaissent la complexité de la société indienne et/ou des motivations du gouvernement britannique. Ces derniers voient les problèmes de l'Inde avec le prisme de leur propre guerre d'indépendance de 1776, et ils appuient fortement le mouvement national indien. Roosevelt l'a d'ailleurs fait savoir à Churchill durant la conférence d'Argentia: there is no way that a nation of 350 millions can be ruled for ever by a tiny European nation located on the other side of the world... Roosevelt est lui-aussi embarassé par le fait qu'une guerre menée au nom de la démocratie doive s'accomoder du colonialisme britannique en Inde.
Lorsque Cripps quitte Delhi en Avril 1942, le mot d'ordre de Gabdhi est très clair à l'égard des Brits: quit India! L'administration coloniale est outrée et affirme qu'elle ne peut tout de même pas quitter l'Inde sur ses chapeaux de roue en pleine guerre mondiale sans préparer des "arrangements" visant au "transfert ordonné" de l'autorité britannique. Selon Churchill, les Indiens devront patienter jusqu'à la fin de la guerre pour que la proposition de Cripps soit appliquée. Les nationalistes indiens font savoir à Churchill qu'ile ne veulent rien savoir de Cripps mais ils ne peuvent plus compter sur l'appui des députés libéraux et travaillistes pour les épauler contre Churchill, car ceux-ci doivent faire face à des problèmes domestiques liés à l'économie de guerre britannique.
Une guerre de nerfs
Au milieu de 1942, le Parti du Congrèes est le mieux expérimenté pour affronter l'administration coloniale britannique – même hors du gouvernement de Delhi. Grâce à Gandhi, cete formation politique passe de l,agitation patiente à l'action directe. Gandhi et ses militants parcourent l'Inde dans de graands ralliements d'information portant sur la situation du sous-continent et de la guerre, ainsi que la promotion de l'indépendance. il invite ouvertement les citoyens à ne plus appuyer le gouvernement central par le biais de gestes précis et non-violents. Le but recherché était de paralyser l'activité gouvernementale et d'obliger les Brits à quitter l'Inde. Durant l'automne 1942, une partie de l'armée indienne enregistre une augmentation de son taux de désertions mensuelles. La police constate aussi des désertions et des défauts de rapports d'infraction. Les travailleurs des grandes villes sont invités à se mettre en grève; et les fonctionnaires fédéraux et provinciaux sont invités à en faire autant. Gandhi se livre à une véritable guerre de nerfs contre une administration coloniale résolue à garder son calme pour ne pas provoquer de soulèvement. La situation militaire n'a pas assez évoluée après Midway pour permettre aux Britanniques de réprimer les nationalistes indiens. Pas question pour Delhi d'aggraver la situation en ouvrant une sorte de front intérieur alors que les Japonais sont aux portes de l'Inde. L'adversaire principal de Gandhi est Lord Linithgow. Cet agronome devenu diplomate avec des états de service très ordinaires n'a aucun charisme pour rallier la population indienne. Il a été vice-roi des Indes durant les cinq dernières années, et ne se sent à l'aise que parmi ses fonctionnaires. Linithgow ne possèede pas l'imagination nécessaire pour gérer la conjoncture. Il avait eu pour tâche initiale de terminer la réalisation de la fédération indienne en 1936, mais la guerre le force à abandonner ce projet. Churchill constate que Linitgow ne sera pas un atout pour lui, car il n'a rien à proposer aux Indiens alors que Gandhi fait connaître ouvertement son agenda politique. Gandhi veut saisir sa chance en marquant un grand coup contre le vice-roi en organisant une manifestation massive à Bombay qui devait se terminer par une "révolter ouverte" dans des actions de grève. Linithgow fait arrêter Gandhi et 1300 militants du Parti du Congrès. Gandhi est incarcéré au palais de Aga Khan. Ainsi, l'administration coloniale réussit à neutraliser les activités politiques du Congrès durant toute la durée de la guerre. La plupart des cadres resteront en prison jusqu'en 1944. A son grand étonnement, la population indienne n'a pa manifesté son indignation en palaysant le pays. Ce que Linithgow ignore à ce moment-là, c'est que la neutralisation du parti de Gandhi va laisser le champ libre à l'agitation musulmane, qui elle sera violente.
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Lord Linithgow avec un maharajah — Une famine provoquée au Bengale
Lorsque les chefs du Congrès sont remis en libreté, ils constatent que les Musulmans ont occupé le vacuum politique ne consolidant leurs organisations. Ironiquement, la révolte souhaitée par Gandhi va débuter dans les régions qui formeront le futur Pakistan. Gandhi étant toujours en prison, l'administration coloniale peut priviliger une approche répressive. Cependant, l'année 1943 verra le rappel de Linithgow, suite à son incapacité de faire face aux troubles civils dans les régions musulmanes et, surtout, à la désastreuse famine du Bengale – la première depuis 35 ans. Cette famine avait été délibérément provoquée par son administration qui voulait créer une zone tampon entre la frontière birmane et le reste du pays, mais qui a provoqué l'exode et la mort de 90,000 personnes. Churchill scandalisé ne pouvait rester indifférent au sort de ces malheureux, puisque des photos prises à Calcutta (ci-haut à droite) arrivent sur son bureau: on y voit les rues jonchées de cadavres morts de faim. Linithgow n'a même pas daigné visiter cette ville martyre et a préféré "filer à l'anglaise". De retour à Londres, Linithgow ne sera pas accusé de crimes de guerre à la fin du conflit.
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L'Inde libre
Dans la politique indienne, il y avait une minorité de nationalistes qui veulent se battre avec l'aide du Japon pour réaliser l'indépendance de l'Inde. Il s'agit du mouvement Free India – ou Azad Hind – hâtivement improvisé par les autorités japonaises au lendemain de la défaite de Singapour. Il est composé d'auxiliaires indiens armés qui combattent aux côtés des troupes nippones. Ce mouvement ne sera prêt à entrer en action qu'en 1944. Free India est dirigé par Subhas Chandra Bose, un nationaliste bengali en qui le Japon voit l'homme-miracle de l'Asie. Cet ancien juge et membre du Parti du Congrès se voit comme l'homme du destin de son pays à venir. Les dirigeants japonais lui donnent sa chance de jouer un rôle hors de proportion compte tenu de la faiblesse des effectifs dont il dispose pour attaquer les Alliés. Il quitta le Congrèes national indien pour défendre la cause du nationalisme bengali. Bose n'a aucune préoccupation d'ordre éthique ou religieuse car il mise sur la force comme outil politique: donnez-moi votre sang et je vous donnerai la liberté politique. Inutile de dire qu'il se brouille rapidement avec Gandhi sur la question nationale. Bose croit que le meilleur moyen de mobiliser la masse populaire indienne est de la stimuler dans une aventure militaire. Il se rallie beaucoup d'Hindous et de Bengalis intransigeantsqui venlent en découdre avec l'administration coloniale à Delhi.
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La fanion de Free India – Gandhi va rompre avec Bose – Bose passe en revue un groupe de volontaires
Bose est arrêté par les Britanniques à Calcutta et interné jusqu'en 1943. A sa sortie de prison, il quitte l'Inde pour Kiel à bord d'un submersible allemand. Il rencontre les dirigeants nazis qui appuient son projet et devient trèes réceptif aux idées nazies comme outils d'action. Il quitte Kiel pour Tokyo ou il présente son projet èa l'État-major central japonais. Bose et son adjudant-traducteur japonais, Fujiwara, arrivent en Malaisie pour organiser le recrutement et le financement d'auxiliaires indiens internés dans les camps japonais depuis la chute de Singapour. Ils sont assistés par le capitaine Singh (un prisonnier cousin du maharajah du Palatia) – un prince du Punjab. Leurs efforts ne sont pas couronnés de succès car seul un petit nombre d'Indiens acceptent de prendre les armes contre les Britanniques. Les prisonniers indiens préfèrent attendre la fin des hostilités dans les camps d'internement plutôt que de trahir, àa ce moment, la cause alliée. Les Japonais arrêtent Singh et l'emprisonnent: la première phase de la collaboration indo-nippone s'est soldée par un échec.
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L'entraînement des volontaires – Bose présente un sabre à un officier
Ce manque de réceptivité de la part des prisonniers indiens s'explique par le mépris que les Japonais manifestent à l'égard des prisonniers de guerre. Nous savons que la culture nippone et le code du Bushido interdisent à leurs soldats de se constituer prisonniers. Pis encore, les geôliers nippons sont sidérés de voir que des Indiens sont disposés à renier leur serment de fidélité en acceptant de se battre à leurs côtés – ce qui leur apparaît militairement impensable: d'ou ce double mépris envers leurs nouveaux volontaires. Cela n'augure rien de bon pour les Japonais qui doivent composer avec des auxiliaires peu fiables qui, selon eux, seront prompts à rechigner et à déserter.
L'I.N.A
Berlin et Tokyo croient en Bose, mais pas le quartier-général japonais de Singapour. Néanmoins, les Japonais optent pour la poursuite de l'expérience. le 23 Octobre 1943, le mouvement Free India dirigé par Bose proclame le gouvernement provisoire indien à Singapour. Pour financer ses opérations, il va surtaxer les marchands indiens de la péninsule malaise par le biais de l'armée japonaise... Le plus grand handicap de Bose est qu'il manque d'administrateurs et de logisticiens pour prendre en charge ses volontaires. En conséquence, Tokyo ne reconnaît pas son gouvernement, mais cela n'empêche pas Tojo de l'inviter àa la Conférence de la Grande Asie tenue à Tokyo. Entretemps, 36,000 volontaires terminent leur entraînement de base et qui forment le noyau de l'Indian National Army (ou INA). Les Japonais décident de tester cette petite armée au combat. Bose n'en demande pas mieux. Son gouvernement provisioire est transféré en Birmanie en Janvier 1944.
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Bose et son gouvernement à Rangoon – Une patrouille de l'INA en Inde
L'INA fait partie des unités nippones qui vont attaquer Kohima et Imphal au printemps 1944 (voir dossier Opérations 1944). Bose veut à tout prix que l'INA soit la première à fouler le sol indien pour des raisons politiques et psychologiques. Il affirme qu'une invasion de l'Inde par les Japonais diviserait l'opinion publique au profit des Alliés. En revanche, l'arrivée de l'INA en Inde aurait peut-être l'effet inverse en produisant un ralliement autour de Bose. Cependant, les Japonais avaient leur propre agenda ainsi qu'un rôle différent pour l'INA. Celle-ci est fractionnée en groupe de 300 hommes pour servir de guides, d'agents de liaison et d'espions – chaque groupe étant placé sous le commandement d'un officier nippon. Une querelle éclate entre Bose et les officiers généraux japonais et elle aboutit à un compromis: 3 régiments de l'INA (de 2000 hommes chacun) agiront comme combattants, et le reste servira d'auxiliaires avancés sous les ordres d'unités japonaises; ces dernières se réservant le droit de gagner leur première victoire en Inde, à Imphal. L'adversaire que l'INA aura à affronter en Inde est la 14ème Armée du général Slims, et qui est composée de Britanniques et d'Indiens – à l'image de celle qui combat en Afrique du Nord. C,est une force hétérogène bien entraînée composés de bataillons anglais, indiens et népalais qui va combattre pour la première fois non seulement les Japonais, mais aussi contre d'autres Indiens. Cette 14ème Armée va encaisser le choc des attaques sur Imphal pour ensuite engluer les unités nipponnes en Mars 1944. Durant les combats qui sont parfois furieux, la performance de l'INA est médiocre. Un de ses rigéments échange des tirs avec des unités indiennes de Slims pour ensuite perdre tout cohésion et se disperser. Beaucoup d'hommes de l'INA sont capturés pendant que d'autres désertent. Les Japonais sont scandalisés par cet état de fait et vont fusiller plusieurs officiers indiens pour lâcheté. Les généraux japonais se rebiffent contre Bose. Ses hommes perdent toute envie de lutter contre leurs compatriotes et deviennent inutiles pour les Japonais. Bose reproche aux Japonais de ne pas avoir déployé l'INA devant Imphal – ce qui aurait eu pour effet de la faire massacrer dès le début de la bataille. L'aura de Bose disparait après quelques jours de combat. Ce dernier abandonne ses hommes en plein combat pour se réfugier au Bengale, mais il est ramené de force en Birmanie par des agents japonais. Un an et demi plus tard, Bose disparait dans un accident d'avion au large de Taiwan, le 18 Août 1945.
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Les officiers japonais ne peuvent blairer Bose – Soldats de l'INA déposant les armes
Les efforts de Bose visant à corrompre et soudoyer l'armée indienne pour l'envoyer dans une aventure triomphale à Delhi se sont soldés par un fiasco. Pourtant, Bose aurait pu faire placer une menace trèes grave sur l'administration coloniale si son plan avait été bien organisé. il ne faut pas oublier que le mouvement Free India a perturbé les fonctionnaires britanniques. Son échec a été acceuilli avec soulagement par les Alliés. Notons que les britanniques n'ont pas fait publiquement état des manigances et autres efforts subversifs de Bose, malgré le fait que la radio bengalaise diffusait ses discours. Cependant, l'opiniuon publique indienne a été surprise d'apprendre la défaite militaire de l'INA et la disparition de Bose. Quant aux soldats de l'INA faits prisonniers, ils ont été jugés au Fort Rouge par un tribunal militaire allié en 1946. Théoriquement, tous étaient murs pour le peloton d'exécution car aux yeux des Britanniques, la plupart d'entre eux avaient été des soldats de Sa Magesté avant de se porter volontaires pour Bose. Cependant, il était hors de question de les condamner à mort, parce qu'un tel jugement aurait été très mal vu en Inde, et cette maladresse aurait profité aux nationalistes indiens – et cela au moment où la position britannique devenait précaire dans le sous-continent. Les procès, présidés par des juges britanniques et des avocats indiens, ont non seulement réduit la peine des inculpés mais servis de virtine politique au Parti du Congrès, muselé par plusieurs années de répression. Presque tous les soldats de l'INA ont été relâchés avec interdiction de servir dans l'armée ou une organisation de sécurité – ce qui est en soi une grave punition, parce que la profession militaire est prestigieuse dans certaines région, et elle apporte un revenu garanti à la famille.
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La contribution militaire avec les Alliés
Le 4 Septembre 1939, le vice-roi Lininthgow déclare la guerre à l'Axe germano-italien sans consulter aucun leader politique indien. Un vif débat s'ensuit quant au rôle que devrait jouer les militaires indiens dans la conduite de cette nouvelle guerre mondiale. L'Inde a toujours été un allié traditionnel de l'Angleterre dans ses guerres passées, malgré une opposition farouche de plusieurs politiciens nationalistes. Pour ces derniers, l'entrée en guerre de l'Inde a été la goutte qui a fait déborder le vase de la tolérance à l'égard de Britanniques, et ils réclament l'indépendance politique en contrepartie de la participation à la guerre, en endossant pleinement le cri de Gandhi: quit India. L'Inde va déployer plusieurs milliers de soldats au sein de l'armée britannique. Ceux-ci combattent en Afrique orientale, en Afrique du Nord, en Sicile, en Italie et, bien sûr, près des frontières birmano-chinoises. Le seul point commun partagé par tous les soldats indiens est qu'ils ne connaissent pas exactement la cause qu'ils défendent. N'empêche que cette guerre leur permet d'oublier temporairement leurs soucis familiaux et régionaux. Ils ont accès à quelques journaux censurés et aux actualités cinématographiques pour savoir ce qui se passe dans leur pays. Bien entraînés et encadrés, les soldats indiens ont la certitude d'être dans le camp des vainqueurs, mais il demeure prudent – autant envers l'ennemi que devant les vexations de ses camarades du Commonwealth. Ils sont anxieux de sortir vivant de cette épreuve collective qu'est la guerre.
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Des Mahrattes au combat en Italie – Un Gurkha népalais armé de son kukri
Le problème linguistique
Bien que l'armée indienne ait été organisée par le colonisateur, la langue anglaise est de mise voir obligatoire dans la conduite au combat d'une grande unité. Cependant, les officiers britanniques et indiens doivent composer avec une réalité linguistique considérée comme embarassante. Les soldats indiens parlent le Punjabi, parfois le Pushtu, le Mahratte, Tengulu, Tamoul ou Malais, mais presque tous vont utiliser l'Ourdou comme langue commune pour faire un pied de nez à l'Anglais. Cependant, les doivent utiliser l'Anglais pour communiquer avec une autre unité non-indienne. Un autre problème relié aux divisions indiennes est l'écart qualitatif dans l'utilisation de la langue anglaise: certaines unités le parlent très mal... Les signaleurs indiens affectés aux unités en garnison près de Delhi parlent un meilleur anglais que les biffins de Liverpool et de Southampton. En revanche, l'Ourdou causera de vrais maux de tête aux signaleurs britanniques en Italie.
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Des Jawans embusqués à Derna – Deux mitrailleurs Sikhs
Pour le reste, la vie des soldats indiens ressemble en tout point à celle des autres soldats alliés; la troupe et les sous-officiers sont cantonnés soit dans des baraquements ou dans des tentes de groupe appelées tambus. Ils mangent leur khana dans les réfectoires de fortune appelés langar. Certaines ethnies se coiffent du casque britannique tandis que d'autres restent en turbans. Les divisions indiennes sont organisées entre 1938 et 1943 et comprennent à la fois des soldats réguliers et des volontaires. Leur durée de séjour en uniforme varie selon les unités et leur capacité opérationnelle: de nombreux soldats combattront durant toute la guerre, tandis que d'autres sont déployées pour des affectations de courte durée. Fait à noter, 60% des unités indiennes ne deviendront opérationnelles qu'en 1944. Au fur et à mesure que la guerre progresse, le War Office britannique établi des quartiers généraux mobiles pour les unités indiennes à Delhi, au Caire, à Tunis et en Italie. En Europe, la 5ème Division indienne aura son QG mobile dans le 21ème Groupe d'armées de Montgomery.
L'Éthiopie
Lorsque les forces italiennes basées en Ethiopie attaquent le Soudan au début de Juillet 1940, les Britanniques n'avaient que trois bataillons de réguliers plutôt âgés et une compagnie de chameliers soudanais commandés par le général Platt. Ce dernier redoutait de subir un nouveau Dunkerque et obtient des renforts de la 5ème Division indienne. le War Office ne voit aucune objection à l'envoi de troupes indiennes dans un théâtre secondaire, car il croit que les Italiens ne sont pas des adversaires très sérieux. Il donne le feu vert à l'envoi de la 4ème Division indienne en Afrique du Nord, et à deux brigades de la 5ème Division en Afrique orientale.
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Les Italiens passent à l'attaque au Soudan et en Somalie britannique
Ces unités sont commandées par le général Heath – un vétéran du Levy Corps de la Première Guerre mondiale et un ancien administrateur militaire de la Palestine. Il choisit ses subalternes indiens et britanniques avec soin et leur ordonne de faire un dernier entraînement réussi en rase campagne avant d'envoyer lesdites unités en Afrique. Les soldats indiens impliqués sont des Sikhs du 2ème Régiment punjabi, des Mahrattes du 5ème Régiment d'infanterie, des Balouches du 10ème Régiment, et des Brits de garnison en Inde. Tout ce beau monde est rapidement transféré dans deux brigades ad hoc administrés par le 1er Régiment Essex.
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Des soldats indiens échangent des plaisanteries avec des Britanniques – Gare aux traquenards...
Les deux brigades indiennes arrivent au Soudan sans encombre et renforcent les effectifs britanniques hâtivement replâtrés par le colonel Messervy. Au point de vue strictement militaire, Les soldats indiens excellent dans les opérations en petits groupes isolés contre les avant-postes italiens. Le soldat italien est loin de chez lui et a le mal du pays. Le soldat indien est également loin de chez lui mais n'est pas handicapé psychologiquement par l'isolement dans une zone de combat, et il va bien performer dans l'environnement abyssin. Ils réussissent à établir des contacts avec la guérilla éthiopienne qui opère entre les villes de Gallabat et Gondar. Les Indiens informent les Brits que la garnison italienne a encore des dents et que son moral est bon. Dans son QG de Khartoum, le général Heath (à gauche) a des doutes et promet un appui aérien. Le général Slims (à droite) attaque Gallabat avec ses soldats indiens dans la nuit du 6 Novembre 1940. Slims et ses Indiens constatent que les Italiens ont des dents... Bien que les chasseurs italiens CR-42 (voir armements) repoussent l'appui aérien britannique venu du Soudan, les Indiens encerclent un fortin dans un rude combat au corps-à-corps et obligent les Italiens à se rendre: 200 soldats éthiopiens dirigés par des officiers italiens deviennent les premiers prisonniers d'une unité indienne durant la Seconde Guerre mondiale.
Slims opte de ne pas exploiter sa victoire à cause de la présence active de la garnison italienne. Il a besoin d'un appui aérien pour tenir Gallabat. Cette fois, c'est au tour des Indiens d'endurer les coups des avions italiens. Durant les bombardements, Silms apprend que la ville de Metemma est à son tour attaquée par des doldats indiens – des PAthans commandés par un major britannique. Mais la résistance de l'armée italienne force ces Indiens à rester prudents. Slims veut ménager ses Indiens et abandonne Gallabat, mais il est sommé de s'expliquer devant Heath. Il dit à son supérieur qu'il est plus important de gagner la confiance des unités indiennes et de les roder au combat, et non pas de les sacrifier inutilement comme de la chair à cannon. Les officiers indiens apprécient ce message et témoigneront du respect à Slims. Il faudra plus de deux mois aux Indiens pour grignoter une portion significative aux Italiens. Mais l'expérience gagnée au feu sera payante ultérieurment.
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Des artilleurs sikhs nettoient des canons italiens capturés – Ça bataille fort à Keru
Au début de 1941, une sorte de ligne de front est établie entre Gallabat-Metemma-Wahni et Gondar. Suite à des actions agressive des Indiens avec de l'artillerie capturée, les Italiens dégarnissent leurs défenses et se replient en déroute vers Addis-Abéba. Les trois villes de la ligne sont évacuées. Entretemps, une brigade indienne est transférée au commandement soudanais de Messefvy, promu général. Les Indiens vont déminer certains secteurs dangereux. c'est durant ces opérations de déminage sur des chenillettes Bren Carriers (voir Armements) que la compétence d'un officier indien, le lieutenant Premindra Singh Bhagat, est officiellement reconnue pour avoir nettoyé 15 champs de mines totalisant 72 milles carrés dans des conditions parfois difficiles. Bhagat est décoré de la Victoria Cross – la première décernée à un soldat indien durant la Seconde Guerre mondiale.
Avant que ne s'écroule la ligne de front italienne en Éthiopie, le commandant en chef de l'armée britannique au Moyen-Orient, le général Wavell, avait pour objectif d'utiliser à la fois les forces soudanaises et indiennes, respectivement commandées par les généraux Platt et Heat, pour vaincre les Italiens en Afrique orientale. Deux pinces formées par une division de 18,000 soldats italiens. La progression des brigades indiennes est rapide et surprend le commandement italien qui décide d'évacuer la petite ville de Kassala. Elle est renforcée par l'arrivée de la 4ème Division indienne venue d'Égypte. Mais à Keru, les Italiens se resaississent et infligent les premières pertes importantes aux Indiens. La ténacité italienne est telle que cette division indienne aurait pu être clouée indéfiniment. Cependant,le général italien Fongoli est soucieux de la vie de ses hommes et opte pour une retraite nocturne discrète. Il faudra la prise de Barentu pour que les Indiens puissent pavoiser en Afrique orientale. Fongoli capitule et souligne la galanterie des officiers indiens qui acceptent la reddition de ses hommes. Ainsi, la 4ème Division indienne occupe toute la province d'Érythrée. Enfin, de bonnes nouvelles pour les journaux de Delhi... Par la suite, le village de Keren est un endroit fortifié (ci-bas) situé au sommet d'un plateau à 4300 pieds au-dessus du niveau de la mer. Il a été transformé en redoute italienne pour cadenasser toute progression vers Addis-Abeba. Keren ressemble beaucoup aux villages de montagne siciliens qui vont donner du fil à retordre aux Indiens et Britanniques. Il est flanqué de rivières à débit rapide et de crêtes montagneuses aux cols souvent difficiles d'accès – comme la crête de Cameron. Les Italiens ont établi une nouvelle ligne de défense au vieux fort Dologorodoc, et miné les ponceaux. Keren sera un autre test d'apprentissage pour les combats ultérieurs en Sicile et en Italie.
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Position italienne à Gallabat – Les Indiens ataquent
Les soldats indiens et britanniques progressent difficilement, car il y a très peu de "top soil" sur lequel marcher. Le sol est rocailleux et brise les semelles, tout en écorchant genoux et coudes... Les Italiens le savent et comprennent qu'ils peuvent briser l'attaque s'ils tiennent ce goulot montagneux, tout en espérant des renforts d'Addis-Abéba. Heath choisit d'attaquer la crête de Cameron qui domine le village de Keren, commandé par le général Frucia – un vétéran de la guerre civile espagnole. Le 5 Février 1941, un bataillon de Sikhs se faufile de nuit dans les cols minés, neutralisent les sentinelles italiennes, et parvient à prendre la crête ainsi que ses deux pics adjacents Les Italiens résistent et tuent 46 soldats indiens et en blessent 62 autres. Heath et son subalterne Savory sont étonnés de la résolution de leurs adversaires qui font replier les Indiens. Les éléments italiens sont des réguliers Bergsagliers, des Savoyards et des soldats alpins. Les Indiens se cramponnent sur les pentes et endurent des tirs de mortiers et de grenades. Les pics adjacents sont perdus le 10 Février, repris le 28, et de nouveau perdus le 15 Mars. La crête ne sera reprise que le 8 Avril dans de durs combats. Les bataillons indiens sont si amochés qu'ils doivent de nouveau se replier à Barentu pour lécher leurs plaies et se réorganiser. Heath comprend que Keren sera un long siège.
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La crête de Cameron est difficile à conserver – Indiens exténués au fort Dologorodoc
Le petit hameau est pilonné à l'artillerie et, à l'occasion, bombardé par des monomoteurs Hurri-Bomber et bimoteurs Beaufighter, afin de démoraliser les Italiens. Ceux-ci riposent avec les quelques mortiers lourds qui leur restent, et se permettent même de faire quelques coups de main nocturnes contre leurs assiégeants. Les soldats indiens les harcèlent sans cesse durant plus de 40 jours. Ce sera la situation alimentaire des Italiens qui va les faire flancher. Heath, Savory et Messervy l'attaque finale pour le 25 Mars. Les Italiens décrochent devant l'ampleur de l'effort aéroterrestre et se font mitrailler des airs par les Hurri-Bombers. Les soldats indiens du 10ème Régiment baloutche flanquent les derniers défenseurs italiens au fort Dologorodoc et se rendent maîtres de l'oasis de Zeban qui fournit l'eau aux Italiens. La bataille est gagnée. L'Érythrée passe sous contrôle britannique, grâce à la ténacité au combat des unités indiennes. Durant le bilan des opérations, les Britanniques avouent que les Italiens se sont bien battus. La bataille de Keren a coûté la vie à 2700 soldats indiens et à 1600 soldats britannique, de même que 3100 soldats italiens. Le général Savory, encore ébranlé par ses pertes, écrit ses impressions du moment avec une touche de mépris dans son journal: no enemy but the Italians would ever have allowed us to take the place because it was practically "inpregnable" and even with Italian defenders we suffered heavily, at times we wondered if we were ever to succeed... De son côté, Heath est duthyrambique et fier de la tenue au combat de ses unités indiennes. Plusieurs de ses soldats ont été décorés pour bravoure et leurs noms publiés dans les journaux alliés. L'un d'entre eux, le capitaine Subadar Richpal Ram, a reçu la Victoria Cross à titre posthume en repoussant six contre-attaques de Bergagliers italiens.
L'Afrique du Nord
Le contingent indien de l'armée britannique fait en entrée en Afrique du Nord au début de 1939. Il est de taille modeste et est affecté à des tâches de garnison en Irak et en Crête afin de participer à des exercices tactiques dans des conditions désertiques. Lorsque l'Italie attaque la Cyrénaique à la fin de 1940, le QG britannique au Caire va transférer deux divisions indiennes d'Irak pour renforcer ses défenses égyptiennes.
Les soldats indiens tiennent les crêtes de Ruweisat et de Deir el Shein
La 4ème Division indienne se distingue tout d'abord dans plusieurs combats d'arrière-garde comme ceux de Derna, Sidi Barani, Battleaxe et Crusader. Les unités indiennes sont très appréciées au combat à cause de la qualité de leur entraînement et, surtout, de leur moral imperméable à l'ennui. Les soldats indiens combattent également durant la bataille de Deir el Shein – une crête située au sud de la ville d'Alamein – ou une brigade va repousser deux assauts blindés allemands le 1er Juillet 1942 avec des moyens très insuffisants. Cette quasi-défaite indienne (700 morts et 265 prisonniers) a permis au général Auchinlek de ralentir les élans de Rommel vers la frontière égyptienne. Le nouveau maréchal allemand a été étonné de la résistance stoique des artilleurs indiens devant ses blindés qui les contournaient avec succès.
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Artilleurs indiens avec un petit canon allemand 37mm – Soldats indiens près de Tunis – Artilleurs près de Hamma
Quant à la 5ème Division indienne retranchée dans le "chaudron" de Tobouk, elle a fait preuve d'un grand courage en se mesurant aux unités allemandes et italiennes. Les bataillons jawans et sikhs font plusieurs tentatives sanglantes et infructueuses pour briser l'encerclement, et doivent être retirées du front. Les soldats indiens subiront également l'épreuve du feu durant la progression de la VIIIème Armée britannique vers la Tunisie. Fait à noter, les premiers bataillons alliés à se frayer un chemin dans Tripoli sont indiens.
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Le général Alexander inspecte un bataillon indien – Drapeau allemand pris à Tunis
Par la suite, ils participent aux combats le long de la Ligne Mareth sous les ordres du général Tucker – un parachutiste. Les soldats indiens deviennent plus acrimonieux à l'égard de leurs supérieurs britanniques car ils n'hésitent plus à les critiquer et à dénoncer certains plans d'attaque visant à les exposer inutilement au feu ennemi: il est insensé de faire le coup de feu contre les chars allemands avec nos seules carabines, martèle un colonel indien à Tucker durant la bataille de Hamma. Les artilleurs indiens serrent les dents et délogent les Allemands des crêtes sabloneuses qu'ils occupent, laissant ainsi le passage aux unités motorisées et blineés du Commonwealth. la 4ème Division indienne obtient de Montgomery une meilleure rotation de ses unités à l'arrière. En gros, les troupes indiennes performment en Tunisie avec la même bravoure qu'en Érythrée et Cyrénaique. Leurs bataillons de sapeurs et logisticiens ont aisément remplacé les Néo-Zélandais depuis la prise de Tripoli, surtout à cause de leur dévouement. Les officiers britanniques sont souvent omnubilés par la compétence des armuriers et mécaniciens indiens, alors que ces derniers deviennent indifférents à leur égard...
L'Italie
En Septembre 1943, les soldats indiens sont plus préoccupés par la situation politique et militaire de leur pays que par la guerre européenne. Les journaux censurés les informent de la présence menaçante des Japonais à la frontière indo-birmane. Plusieurs officiers indiens croient que les Japonais sont aux portes de Bombay... Mais ces préoccupations n'affectent pas le déploiement d'unités indiennes durant la campagne d'Italie. Les préparatifs de l'attaque alliée en Italie correpondent à une rotation d'effectifs dans les unités de l'armée indienne; celles qui ont le plus lourdement subies l'épreuve du feu sont rapidement retirées du service pour être transférées en Égypte et ensuite en Inde. D'autres divisions qui ont achevé leur période de formation ou de garnison – comme la 31ème Division d'infanteire basée à Téhéran – sont transférées en Tunisie pour se préparer à débarquer en Italie.
Les zones de combat des unités indiennes en Italie
Le fer de lance de l'armée indienne en Italie est la 8ème Division d'infanterie, organisée à partir d'une brigade indienne amochée durant la bataille d'Alamein. A l'aube du 11 Septembre 1943, six transports de troupe accostent au port de Tarente pour débarquer cette unité. Elle est commandée par un général britannique, Dudley Russell, et elle est composée de deux brigades indiennes (la 19ème et 21ème) commandées par des généraux indiens, et une autre anglo-saxonne (la 17ème) commandée par le général Boucher. On y retrouve le mélange habituel de soldats écossais, gurkhas, anglais, mahrattes, népalais, bengalis et sikhs. Cette division a de nombreux vétérans aguerris: des Sikhs qui ont combattus en Érythrée et des Mahrattes qui avaient faits des corps-à-corps en Cyrénaique. La 8ème Division dispose d'un armement et d'un matériel plus abondant et adéquat que celui des soldats indiens de 1940-41. Après avoir occupé Tarente et ses environs, la 8ème Division a pour rôle initial de servir d'arrière-garde à la VIIIème Armée de Montgomery qui progresse en Calabre. La progression motorisée se fait sans encombre durant les 140 premiers milles, sous les applaudissements des Italiens. Mais, celle-ci est ralentie par la topographie montagneuse qui se dessine au sud de Naples. Les Indiens ont de la chance de passer sur des routes déjà déminées et des ponts flottants déjà aménagés durant la progression anglo-américaine. Ils constatent également la réalité d'un pays appauvri et dévasté par les comabts avec un comportement de receuillement. La 8ème Division est affectée au 5ème Corps d'armée du général Allfrey. Elle va se scinder en deux tronçons inégaux: il tiers de ses effectifs bifurque en direction de la côte adriatique sur des routes de montagne mal entretenue et exposées aux tirs ennemis. Cependant, les villages sont presque toujours situés sur des crêtes qui permettent d'observer les vallées avoisinantes. Le reste de la division sera contentré devant les défenses du mont Cassino, avec les autres composantes multinationales de l'armée de Montgomery..
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Une progression initiale sans histoire – Le travail des ingénieurs indiens est tout trouvé
Les Allemands avaient aménagé une ligne défensive pour retarder l'avance ennemie: la Ligne Gustav, qui s'étend de l'Adriatique à partir de l'embouchure de la rivière Sangro jusqu'à la côte occidentale italienne. Les éléments de la 8ème Division reçoivent l'ordre d'attaquer un secteur situé dans la région de Termoli – l'un des points vulnérables de la défense allemande en Italie orientale. L'arrivée de l'hiver va gêner les soldats indiens dans leurs progressions. Après avoir connu la brousse et le sable, les Indiens découvrent la boue merdique et la neige sale. Les sapeurs et ingénieurs indiens s'évertuent à calfeutrer et réparer les routes, à désembourber les véhicules, tout en construisant des abris résistant aux intempéries. Les avancées sont épuisantes et se mesurent en heures plutôt qu'en milles. L'avance vers l'Adriatique est ralentie par de nombreux réfugiés italiens parmi lesquels se cachent des signaleurs allemands. Et l'ennemi, informé des mouvement de la division, n'est toujours pas au rendex-vous.
Trufilo et Atessa
Le premier combat des soldats indiens en Italie se déroule le 20 Octobre 1943, lorsqu'ils traversent la rivière Biferno pour occuper les hauteurs voisines. Il n'y a que quelques échanges sporatiques, sans plus. Tout l'effectif d'une brigade indienne relève une brigade britannique dans la ville de Larino. Quelques jours plus tard, cette brigade indienne fait sa jonction avec la 1ère Division canadienne qui évolue sur sa droite en direction de la côte adriatique. Les Indiens occupent les monts Mitro et Montefalcone, et signalent aux Canadiens qu'ils auront à se frotter aux parachutistes allemands. Ces derniers avaient fortifié ces deux villages pour bloquer la route aux Indiens. Le général Russell ordonne le transfert temporaire d'une autre brigade indienne commandée par le général Dobree pour renforcer ses attaquants. L'attaque est lancée le 2 Novembre par une pluie verglaçante. L'artillerie pilonne les deux villages pour couvrir la progression. Les Allemands ont fait le hérisson et acceuillent leurs adversaires avec des slaves d'armes automatiques, de lancers de grenades et d'obus de mortier. Les Indiens découvent que chaque maison cache un sniper; il y a des traquenards partout et que les tirs ennemis sont bien dirigés. L'attaque indienne piétine devant cette résistance acharnée. Plusieurs soldats sont tués.
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Mortiers indiens devant Trufilo — Atessa en Novembre 1943
Quelques tentatives sont lancées pour flanquer ces villages, mais elles échouent. A ce moment, le sergent Dubedar Sawar Khan réalise que les Allemands sont plus exposés aux tirs à découvert que ses propres hommes. Il prend le risque d'ordonner un tir d'artillerie à quelques centaines de mètres devant sa position. Le risque est payant: Les Allemands martelés se replient précipitamment à la tombée de la nuit du 3 Novembre. Un régiment sikh essaie de profiter de ce décrochage allemand pour attaquer de nuit, mais deux de ses compagnies subissent des tirs croisés et doivent de replier. Les tirs peu nourris démontrent qu'il n'y avait que peu de défenseurs allemands. Le général Dobree ordonne un assaut massif pour le 4. Les tirs indiens sont si intenses qu'ils atteigent par erreur deux de leurs camions de munitions... Les Allemands plient bagage. Trufilo est prise. Pendant que cette bataille faisait rage, les ingénieurs indiens élargissent les routes menant à la rivière Trigno pour faciliter l'approvisionnement. Des ponceaux sont construits avec une telle rapidité que les logisticiens britanniques de Montgomery refusent d'admettre que ces travaux ont été effectués par des Indiens. Le 17 Novembre, Montgomery et Russell apprennent qu'un bataillon de Népalais a réussi à prendre le village d'Atessa durant une attaque crépusculaire ponctuée de nombreux corps-à-corps. Le major Morland-Hughes résument ses impressions dans son carnet: It was a nightmare trying to call the lads to heel and to point them in the right direction. They were having the time of their lives winkling fat Jerries out of barns and hotting up the less mobile ones with burst from their tommy-guns. All through the night I kept encoutering Jemadar Pitragh Pun (tué plus tard à Caldari) as he roved in the hunt with his revolver in one hand, a grenade in the other, and his kukry between his teeth.
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Gurkhas népalais à l'oeuvre avec leurs outils de travail
Les redoutes des Maiellas
Les deux brigades indiennes avaient réussi à dégager 33 milles carrés de territoire tenu par les Allemands sur la partie orientale de la Ligne Gustav. Elles devaient se mesurer à un obstacle plus coriace – une ligne de petits villages fortifiés situés au sommet des monts Maiella: San Maria, Mozzagrogna, Romagnoli et Andrioli. Ces hameaux à demi-évacués sont d'accès difficile, quoique reliés entre eux par des petits tunnels construits par les Allemands. Même les maisons sont transformées en redoutes bardées d'armes automatiques, elles-même reliées par de petits tunnels. Les approches de chaque village avaient été piégées par des mines bondissantes à enveloppes de bois impossibles à repérer avec des détecteurs de métal. Des bombes improvisées détonnées à distance sont posées sur les pistes pierreuses et étroites construites à flanc de montagne. C'était un formidable obstacle défensif à franchir pour tout fantassin. Et les parachusites allemands sont là pour rester...
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Les redoutes vous attendent...
Les soldats indiens élaborent des ruses pour tromper les Allemands sur l'endroit précis de leur attaque. De faux ordres radio sont transmis à de fausses unités pour entretenir la confusion. L'objectif principal des Indiens est de s'emparer de la route principale qui approvisionne les villages fortifiés pour affamer leurs défenseurs et les forcer à capituler – une leçon héritée de la bataille de Keren. L'arrivée du gel au sol facilite le transport des véhicules et de l'artillerie tractée. L'attaque débute le 20 Novembre à 4H00 du matin par un tir d'artilleurs britanniques. Une heure plus tard, une pluie pleine refroidit l'ardeur des Indiens qui n'osent pas attaquer des positions frontales si bien défendues. La pluie transforme les champs en bourbiers qui avalent les véhicules et paralyse toute attaque durant trois jours. Les ponts flottants indiens sont emportées par les crues éclair. Ce délai permet au maréchal Kesselring d'acheminer une division de grenadiers en renfort.
Les Indiens apprécient l'appui au sol des Hawker Typhoon
Le 25 Novembre, les redoutes de Maiellas sont bombardées par les avions d'attaque au sol Typhoon, au grand plaisir des soldats indiens. N'empêche, les attaquant sont quand même frappés par des obusiers allemands, mais en vain. Un régiment sikh ressère l'étau autour du village de Mozzagrogna. Ses artilleurs dénichent les chars allemands cachés dans les bosquets et les détruisent. Les Sikhs attaquent et neutralisent 21 nids de mitrailleuses, mais perdent 44 hommes. La progression indienne est inégale. Alors que certaines unités combattent à flanc de montagne, d'autres ont du mal à franchir le Sangro. Une compagnie sikh a presque été exterminée et une autre du Régiment Essex est passée près de subir le même sort. Néanmoins, la tête de pont indo-britannique est établie dans la soirée du 26, permettant à une brigade indienne de la franchir avec tous ses moyens
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Les combats sont durs à Mozzagrogna – Le village est pris
Un bataillon de Gurkhas réussit à s'inflitrer de nuit à Mozzagrogna. Un combat furieux s'ensuit par les soldats népalais sont à l'aise dans l'environnement nocturne. Ils nettoient les maisons une à une, mais les Allemands se battent bien et repoussent partiellement leurs attaquants. Des renforts anglo-saxons sont amenés pour terminer la prise du village. De leur côté, les Allemands sont renforcés par quelques chars et canons automoteurs tapis au square central du village. Un combat de rue incertain fait rage durant trois heures. Rien à faire: les Allemands s'accrochent. Finalement, le général Russell ordonne un pilonnage généran de Mozzagrogna suivi d'un raid aérien avant que les soldats indiens réussisent à prendre le village. Les Indiens peuvent alors évacuer leurs hommes blessés par balles, d'éclats et de gravats. Le 29 Novembre, une brigade indienne progresse vers Romagnoli. Ils sont acceuillis par des défenseurs survoltés qui tuent 90 Indiens en dix minutes de combat. Une attaque de flanc échoue également, avec 32 tués – dont une dizaine ont sauté sur des mines. Des avions Typhoon sont appelés en soutien et un major indien a réussi à les orienter du sol par radio. L'effet est dévastateur. Pendant le bombardement, du bétail réquisitionné a été amené dans les petits pâturages pour faire sauter les mines. Des combats presque hallucinants se déroulent dans le noir des tunnels qui ne sont illuminés que par le tir des armes automatiques et des grenades au phosphore. Le village est pris après une journée de combat.
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Échanges de tirs devant Romagnoli
Le dispositif allemand des Maiellas se disloque sous les coups de butoir des Indiens et des autres troupes du Commonwealth. Qui plus est, Kesselring doit également composer avec une menace canadienne près d'Ortona (voir le dossier du Canada, l'Italie). Les villages de Fossacesia et de San Maria sont évacués en douce pour permettre de renforcir les défenses allemandes sur la rive nord de la rivière Moro. Ainsi, Russell peut en profiter pour accélérer la progression de sa 8ème Division indienne.
Orsogna
La 8ème Division collabore du mieux qu'elle peut avec les autres unités du Commonwealth durant la campagne d'Italie. C'est ainsi qu'elle va épauler les unités néo-zélandaises, polonaises et canadiennes. Les Indiens relèvent des brigades alliées épuisées en leur permettant du repos à l'arrière du front. Russell constate que les éléments allemands massés dans la ville côtière d'Ortona et à la rivière Moro risquent de donner du fil à retordre aux soldats canadiens. Il ordonne à ses Indiens de lancer une attaque de diversion qu'il veut "convaincante" sur la petite ville d'Osorgna, afin de dégarnir la défense d'Ortona. L'attaque est lancée le 7 Décembre 1943 par un temps maussade qui ralentit les véhicules et interdit tout appui aérien. La progression est si soudaine qu'elle surprend de nombreux Allemands et Italiens dans leurs hamacs. Le combat est dur mais bref. Les soldats indiens parviennent à se frayer un chemin jusqu'au centre-ville au milieu des rafales, mais doivent se replier en périphérie à cause de la présence de chars ennemis qui les repoussent à partir du square central – tout comme à Mozzagrogna. La diversion a attiré l'attention des Allemands, sans être militairement convaincante. Sur le flanc droit (est) des Indiens, les Canadiens qui ont traversé le Moro ont de la difficulté à progresser; c'est-à-dire que peu d'effectifs allemands ont quitté Ortona pour renflouer la défense d'Orsogna. Russell a besoin d'un meilleur appât.
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Deux soldats italiens en tenue d'hiver – Gurkha armé d'un fusil-mitrailleur Bren
Russell ordonne de construire un pont pour traverser la rivière Moro dans son secteur. Ce serait la preuve tangible que les unités indiennes représentent une menace plus sérieuse à Orsogna que les Canadiens devant Ortona. Le travail est confié aux ingénieurs indiens, mais ces derniers voient que les berges à l'endroit choisi ne se prêtent pas à la construction d'un pont. Russell insiste pour que le pont soit construit à l'endroit qu'il a choisi. L'affaire est surmommée le "Impossible Bridge". Les pontonniers indiens s'affairent avec leur matériel et leur manège est remarqué par les Allemands qui envoient deux compagnies pour repousser les Indiens. Les tirs indiens tiennent les panzergrenadiers et les Italiens à distance, permettant ainsi la finition du pont en une seule journée. Entretemps, Russell ordonne à ses deux brigades indiennes et à un régiment néo-zélandais de réattaquer Orsogna, tandis que les Canadiens prennent le village de San Lorenzo sur la route d'Ortona.
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Panzergrenadiers allemands progressant dans la boue – Le maréchal Kesselring
Les Allemands s'interrogent sur la véritable nature de cette attaque "générale". A Milan, le maréchal Kesselring – qui en a vu d'autres – lit stoiquement les rapports transmis par ses PC de guerre avant de réagir. Dans la matinée du 9 Décembre, il apprend que les chars Sherman du Régiment Royal Tank traversent le Impossible Bridge tandis que les sapeurs indiens dégagent les mines longeant les approches nord de la rivière Moro. Durant cette traversée, un groupe de Mahrattes et de Sikhs commandé par le lieutenant Jemadar rajwam Sowant chargent ensemble trois pelotons allemands qu'ils culbutent à l'arme automatique et à la baillonnette. Lorsque les véhicules alliés traversent la Moro, Kesselring ordonne un redéploiement de ses unités au nord d'Ortona et du port de Pescara pour calfeutrer son front jusqu'à Orsogna. Mais il est trop tard: Les Indiens et Néo-Zélandais prennent Orsogna alors qu'au même moment, d'autres unités britanniques traversent le Impossible Bridge.
Villa Grande
Le général Russell a réussi à percer le front allemand à cet endroit sensible et sa division file vers la côte adriatique. Il ne lui reste qu'une petite noix à craquer: la petite ville fortifiée de Villa Grande. Les Allemands y ont concentré des ressources importantes qui obligent Russell à attaquer avec toutes ses brigades, et cela ne plait pas à Montgomery. L'attaque débute à l'aube du 22 Décembre par un pilonnage d'artillerie de 200 canons. Les parachutistes allemands avaient bien préparé leurs défenses en se terrant dans des tunnels et autres trous d'homme. Les soldats indiens et britanniques attaquent dans une boue jusqu'aux mollets, protégés par le tir de barrage. Cependant, dès que le pilonnage se termine, les paras allemands repoussent le premier assaut. Les soldats indiens parviennent à détruire des petites redoutes périphériques mais doivent se replier sous le crépitement des mitrailleuses et des lanceurs Nebelwerfer. Le lendemain, une autre attaque est lancée et elle-aussi repoussée par les Nebelwerfer qui déciment les Indiens. Décidément, les parachutistes ennemis n'entendent pas à être bousculés.
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Les paras allemands demeurent coriaces – Soldats indiens repérant les tirs ennemis
Les paras allemands font une sortie pour contre-attaquer, mais ils sont à leur tour repoussés. Les Indiens et Britanniques s'engouffrent dans la ville et les combats dégénèrent en un nouveau Mozzagrogna: encore une fois, chaque pâté de maisons devait être isolé, investi et dégagé dans d'âpres corps-à-corps à coups de kukri et de lancers de grenades. C'est un combat de porte-à-porte, d'une fenêtre à l'autre, d'une maison à l'autre. Les ruelles sont couvertes de corps allemands et indiens. Les Sikhs réussissent à encercler le village avec un appui blindé. Les paras allemands arrivent de partout et de nulle part. Un nid de mitrailleuses n'est pas aussitôt neutralisé que poue être utilisé par d'autres paras dans le dos de leurs ennemis. Le major Gardhari Singh neutralise à lui-seul trois nids de mitrailleuses cachées dans des meules de foin. Ses hommes tuent une vingtaine de snipers qui les frappaient par derrière et même depuis les bouches d'égout. Les Indiens sont surpris par les "tactiques de gangsters" des paras ennemis et se montrent sans merci pour les porteurs de lance-flammes: tout ennemi capturé avec cet équipement était charcuté au kukri. Ils envoient une grenade dans chaque bouche d'égout, et n'hésitent pas à aiguiller le tir de leurs chars Sherman sur tout réduit suspecté d'abriter les Allemands. Les chars tirent souvent à bout portant sur de tels immeubles suspects. Les paras encore en vie quittent en trombe les débris fumants et sont aisément abattus à découvert. Villa Grande tombe le 26 Décembre.
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Gurkha avec sa Thompson – Para allemand et son lance-flammes
Russell est très heureux devant les succès de sa division indienne. Cette dernière s'était acquittée de ses tâches avec brio et courage par une météo souvent défavorable. La chute de Villa Grande disloque la partie orientale de la Ligne Gustav. Le port de Pescara est occupé par les Indiens tandis qu'au nord, les Canadiens prennent Ortona. La 8ème Division indienne sera cantonnée à Pescara pour passer tout l'hiver 1943-44 avant d'être transférée à l'ouest devant les défenses du mont Cassino
Le mont Cassino
Le 25 Février 1944, les unités de la 8ème Division indienne sont progressivement transférées sur le front de Cassino jusqu'au mois d'Avril. Elles se cantonnent parmi les effectifs américains, britanniques, néo-zélandais, marocains, maoris, soudanais, français libres, polonais, juifs et italiens ralliés – pour servir de chair à canon. Alors que le dispositif défensif allemand était plutôt flexible à l'est de la péninsule, il demeurait rigide à l'ouest. Les monts Matesi dominent toutes les routes qui vont du sud-ouest jusqu'à Rome. Le plus haut sommet est celui du mont Cassin (ou Cassino) qui fait 5000 pieds d'altitude et au sommet duquel s'érige un monastère ancien. Le village du même nom est situé au pied de ces monts devant lequel passe la rivière Rapido.
Aperçu des monts Matesei avec le monastère et le village de Cassino
La bataille avait déjà commencée en Janvier 1944 avec l'assaut frontal de trois corps d'armée. Mais la résistance allemande donnait du fil à retordre aux fantassins alliés. Les trois attaques lancées par l'US Army ont été repoussées (voir opérations 1944, l'Italie). Les unités américaines de pointe (totalisant six régiments d'infanterie) qui avaient été saignées à blanc à 80% ont été retirées à l'arrière du front pour être remplacées par la 4ème Division indienne et des unités néo-zélandaises. Ces unités deviennent un corps d'armée commandé par le général Freyberg. La 4ème Division indienne se retrouve commandée par le général Tucker qui lui a donné un apport supplémentaire en blindés et artillerie. En face, les Allemands avaient non seulement fortifié le mont Cassino mais également les montagnes avoisinantes. De nombreuses redoutes et pillboxes bien camouflés ont été construits sur des butons afin de faire des feux croisés – comme ceux qui ont décimés les Américains entre Janvier et Avril.
L'identification des massifs entourant le mont Cassino
Les troupes indiennes doivent franchir le Rapido pour relever des éléments de la 34ème Division US qui occupent la colline 593, puis de se rendre maîtres de la crête nord flanquant le mont Cassino à la Crête Snake Head (voir ci-haut). Cette crête avait une hauteur de 1300 mètres et entourée de ravins dangereux et de falaises aux anfractuosités coupantes comme des scies. Toutes ces crêtes défendues par les Allemands étaient entourées de mines bondissantes derrière lesquelles étaient terrés les soldats et paras allemands. La quasi-absence de végétation interdit toute reconnaissance à pied et l'identification des positions allemandes. Les Indiens sont surpris de voir les Allemands canonner leurs positions de départ, retardant ainsi la préparation de l'attaque. Le bombardement aérien du monastère tua par erreur 24 soldats indiens. Qui plus est, les Allemands profitent du bombardement du monastère pour chasser les Américains de la colline 593 – ce qui signifie que les Indiens devront reprendre ce terrain perdu.
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L'assaut indien du 17 Février 1944 – Les Nebelwerfers sont toujours redoutés
Pendant que les Néo-Zélandais attaquent le village de Cassino pour faire diversion, les Indiens attaquent la colline 593 et se heurtent à des tirs nourris de la part des paras ennemis cachés derrière des rochers. Ils se rapprochent méthodiquement du sommet de la colline, non sans perdre des hommes. Les Allemands obligent les Indiens à se planquer sur un versant de la crête et leur interdisent d'atteindre le sommet. Entretemps, un bataillon maori s'est emparé de la gare de Cassino mais les Indiens, eux, sont tapis sur un flanc de montagne et ne peuvent plus avancer. De surcroît, ils soivent tenir le terrain conquis. En gros, la première attaque massive indienne a échouée.
Une seconde attaque ayant pour but d'occuper et de tenir le terrain immédiatement au-dessus de Cassino est lancée le 10 Mars dans une météo merdeuse. Son but était de s'emparer des crêtes dites Castle Hill et Hangman. Les Allemands étaient déjà préparés à les recevoir: ils avaient relevé la 15ème Division panzergrenadier et déployé la 1ère Division de parachutistes – de la crème de durs à cuire – commandés par le général d'aviation Heidrich. Ce dernier fortifie les défenses du monastère et de quelques butons avoisinants avec des canons-mitrailleurs 20mm, et même des Nebelwerfer. Heidrich ordonne à ses adjoints de ne pas se laisser repousser par "ces Indiens en turbans", sous crainte de représailles personnelles. Le 10 Mars, un barrage d'artillerie allié de 610 obusiers envoie 1200 tonnes d'obus sur les objectifs. Un bataillon complet de parachutistes est tué par le pilonnage à Castle Hill.
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Artilleurs indiens – La crête Castle Hill est pilonnée
Le 14, les bataillons Essex et Rajput se lancent à l'assaut de Castle Hill. Ils neutralisent de nombreux pillboxes et réseaux de tunnels. Les paras allemands ainsi repérés se font "flusher" à la grenade. Les Indiens ont appris qu'il est plus facile d'être stoppés dans une attaque en montagne que sur un terrain plat ou boisé. Les soldats indiens sont violemment repoussés à 150 mètres du monastère par les tirs nourris de l'ennemi. Chaque mètre de terrain devait être minutieusement dégagé de ses irréductibles grenadiers et snipers ennemis blottis dans des ruines poussiéreuses, tout comme à Stalingrad. De surcroît, les assauts en montagne ont pour effet de se fragmenter et de perdre leur momentum. Les paras allemands en profitent pour se ré-infiltrer et parviennent à repousser les Indiens, une seconde fois. La brigade indienne est relevée par des unités marocaines et polonaises. Elle ne retournera pas au front avant un mois.
Des munitions sont parachutées aux Indiens
La troisième attaque va réussir. Elle prend la forme d'une percée effectuée entre le mont Cassino et l'appendice de la rivière Liri par toutes les unités de la 8ème Division indienne, d'une division britannique, et de la 15ème Brigade blindée canadienne revenant elle-aussi du front de l'Adriatique. L'attaque est lancée le 14 Avril à une heure du matin. Les Allemands ouvent le feu avec 400 obusiers. L’avance indienne est foudroyée de front et partiellement de flanc. Une centaine d’Indiens meurent sur le coup. Les autres unités indiennes ne s’en laissent pas imposer et traversent la petite rivière Gari par un mouvement de flanc dont la témérité surprend les allemands. Une partie de l’attaque dégénéra en mêlée nocturne confuse ou Allemands et Indiens se tirent dessus dans toutes les directions. Le major Amar Singh, qui avait commandé avec succès sa compagnie avec succès à Villa Grande, est tué. La percée s’effectue, mais lentement. Il leur faudra un mois pour prendre le petit village de San Angelo avant de réussir leur percée. Les paras allemands perdent la plus grande partie de leur artillerie. Encore une fois, l’énergie et le professionnalisme des ingénieurs et pontonniers indiens a permis d’établir plusieurs points de passage sur le Gari. Ainsi, les monts Matsei sont progressivement encerclés dans un étau ressemblant à un fer à cheval. Les flancs sont sous contrôle allié, et les Indiens font leur jonction avec les unités polonaises. Le 15 Mai 1944, tous les points fortifiés de la Ligne Gustav sont encerclés par les unités indiennes. Celles-ci sont relevées par des unités canadiennes.
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Nebelwerfers neutralisés – Prisonnier des paras allemands
Le Liri et le Tibre
Le plus beau cadeau qui s’offre aux soldats indiens après l’épreuve de Cassino est la vue de la vallée du Liri. Cette région permet aux Indiens de progresser en territoire plus hospitalier et de libérer de nombreux villages italiens. Entre le 25 Mai et le 18 Juin, les Indiens poursuivent les Allemands qui se replient au nord de Rome, harcelant leurs arrière-gardes et capturant de nombreux prisonniers. Leurs chars Sherman et automoteurs Priest sont bien accueillis par les Italiens. Il y a, bien sûr, quelques îlots de résistance sous la forme de motocyclistes armés de mitrailleuses, mais rien de bien sérieux. La menace la plus importante demeure celle des mines et autres engins improvisés.
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La vallée du Liri – Premiers villages libérés par les unités indiennes
Néanmoins, un accrochage important oppose des fantassins sikhs et des tankistes néo-zélandais à des paras allemands à Roccasecca. La mêlée éclate et 25 Allemands sont tués. Un major indien écrit que the famed German paratroopers ran pell-mell, scramling over rocks and diving into shelters as we came upon the scene. Some put up a weak show of resistance, but others surrendered at once. Famished prisoners pocketed their pride and asked for food. They marched back munching biscuits past the German cemetery at Roccasecca.
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Chenillettes Bren Carriers à la tête d’une colonne indienne –
Les Indiens arrivent au fleuve Liri et construisent un pont près d’Avezzano. Les colonnes indiennes repoussent une arrière-garde allemande , tuant 40 paras ennemis. Les Indiens vont également capturer plusieurs équipes de sapeurs allemands chargés de différents travaux de démolition dans la région de Guarcino. Après la chute de Rome, les Indiens prennent la ville de Terni (et son célèbre arsenal) qui est un carrefour routier important et ramassent un grand nombre de prisonniers. Le 17 Juin, les unités indiennes avaient parcouru 250 milles depuis la percée de Cassino. Les Allemands s’étaient retranchés derrière de nouvelles défenses hâtivement improvisées à partir desquelles ils détruisent quelques chars et automoteurs indiens près de Torgiano.
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La résistance allemande se ressaisit dans la région du Tibre
L’expansion de l’armée indienne permet l’introduction d’une nouvelle unité sur le théâtre d’opération italien : la 10ème Division. Elle a été organisée en 1942 et avait été basée à Chypre puis en Palestine en 1943 pour parfaire son entraînement. Elle est commandée par le général Reid et arrive sur les berges du Tibre le 19 Juin 1944. Il s’agit d’une division fortement mécanisée qui peut effectuer des raids de reconnaissance en force grâce à ses véhicules armés Daimler. Ses unités mécanisées flanquent plusieurs concentrations germano-italiennes au lieu de les attaquer de front. Elles envoient leurs comptes-rendus radio à la RAF afin que celle-ci lance des frappes aériennes. Certaines unités germano-italiennes se font malmener par les Typhoons et Beaufighters, mais d’autres bien camouflées vont accrocher occasionnellement des soldats indiens. Les actions de la 10ème Division indienne incarnent très bien la coopération interarmes indispensable au succès d’opérations aéroterrestres modernes.
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Soldats sikhs nettoyant des maisons –
Les villages de Spoleto, Acuto, Corona, Cortona, et Foligno sont tour à tour repris par les Indiens. Dans tous ces cas, la résistance ennemie est violente mais brève. Les Allemands sont un peu démoralisés car ils ne tiennent pas leurs positions; ils préfèrent se réfugier dans la campagne voisine, mais ils sont facilement cueillis par les soldats indiens. Dès que les chars allemands se laissent voir, les Indiens dirigent les Typhoons sur eux pour les décoiffer pas de risques inutiles… Mais les Allemands demeurent quand même coriaces car à partir du 2 Juillet, ils font subir d’autres pertes aux Indiens durant quelques semaines jusqu’à ce qu’ils épuisent leurs munitions et leur moral… Le bassin du Tibre est libéré le 8 Juillet 1944 à la grande satisfaction des généraux indiens et du maréchal Alexander.
Florence
Pendant que la 10ème Division termine le nettoyage de la vallée du Tibre, la 8ème Division au repos est acheminée sur les berges de la rivière Arno, à seulement 13 milles de Florence. Le général Russell prévoit une avancée avec deux brigades pour encercler la ville, tandis que la troisième évoluerait en parallèle des deux autres pour leur porter assistance au besoin. L’appui est fourni par des unités blindées canadiennes. L’attaque débute le 23 Juillet et chasse les défenses allemandes retranchées dans le village périphérique de Barberino. D’abord, l’avance est temporairement ralentie lorsque quelques chars et Bren carriers canadiens sautent sur des mines. Des petits couloirs sont déminés par les sapeurs mahrattes, ce qui permet de poursuivre l’opération. Ensuite, c’est autour du village de Monterspertoli de tomber entre les mains des Mahrattes. Les Allemands choisissent d’évacuer Florence (voir opérations 1944, Italie) plutôt que de voir son patrimoine architectural endommagé par des combats. Les chars canadiens et les semi-chenillés indiens entrent dans la ville le 29 Juillet. La seule noix à craquer est une résistance de paras allemands qui sera rapidement dispersée.
San Marino
Les unités indiennes retournent sur le front adriatique et atteignent le nord de l’Italie en Septembre 1944. Le 17, un régiment de Baloutches arrive devant la rivière Merano, près de la principauté de San Marino. Cet endroit a vu sa population de 14,000 habitants inscrits gonfler à 120,000 la plupart des réfugiés. Le maréchal Kesselring a dépêché des unités pour occuper l’endroit et en faire un second Cassino. Les Allemands déplacent sans ménagement de nombreux réfugiés et aménagent des défenses hâtives.
Une vue se San Marino et de ses approches
Pour conquérir un pareil obstacle, les Indiens établissent des positions de départ pour leurs unités. Le 18 Septembre, un régiment de Gurkhas traverse le Merano de nuit et prend le village voisin de Faetano, et gobent deux points ceinturant l’objectif grâce à deux petites attaques rapides. Les Allemands contre-attaquent les positions indiennes au lever du jour, mais les Gurkhas refusent d’être délogés. De surcroît, ils orientent le tir de 300 canons tractés et automoteurs Priest sur la base du massif, ainsi que sur les Allemands. Ces derniers se replient en hâte et les Indiens ont les coudées franches pour attaquer San Marino. Le 19, les soldats de la 5ème Brigade indienne sont au pied des falaises et ceinturent l’objectif sur trois côtés pour l’escalader. Il y a de nombreux accrochages nocturne en pleine falaise. Dans l’une d’entre elles, Le lieutenant Ellis a tué six Allemands à la mitraillette Thompson. Par la suite, les soldats indiens escortent la Jeep des généraux Holworthy et Jacobs qui roule vers le palais de la principauté. Les deux officiers informent le capitaine Régent qu’ils ne sont ici que pour chasser les Allemands et non pas diriger son mini-État.
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Assaut de la falaise sous écran de fumée – Reddition d’Allemands
Entretemps, les combats font rage. Les Allemands ne se risquent plus en plein jour et préfèrent combattre la nuit, les Indiens aussi… Ces derniers essuient plusieurs attaques allemandes dans San Marino qui parviennent à bousculer leur périmètre. Le 20, plus de 130 Gurkhas sont tués, mais leurs camarades poursuivent le combat. Le Sikhs nettoient une maison à la fois et se montrent impitoyables. Quelques jours plus tard, les Indiens se sont emparés de toutes les positions sur la crête de San Marino. Les Allemands se rendent par petits groupes dès qu’ils ont épuisés leurs munitions. A San Marino, les Indiens possèdent une base à partir de laquelle ils peuvent déloger les Allemands des villages voisins au nord. Mais la météo automnale commence à faire des siennes et va ralentir leurs efforts. Le 22 Septembre, deux régiments de Gurkhas passent la rivière Marecchia de nuit sur deux ponts Bailey et délogent les Allemands de la région de Sanarcangelo avec l’aide de partisans locaux. Le 3 Octobre, des unités britanniques et indiennes se heurtent à des chars Panther durant leur progression vers Sogliano. Quatre Sherman et deux automoteurs Priest explosent sous les obus 75mm haute vélocité de ces chars; mais les Indiens parviennent à les neutraliser et atteignent leurs objectifs. Ils passent la rivière Fiumicino sur deux ponts que les Allemands n’ont pas eu le temps de faire sauter. En fait, les unités indiennes n’ont pas eu de difficultés à progresser sur un terrain plat ou ondulé depuis la percée de Cassino, mais ils piétinent toujours devant des défenses aménagées sur des crêtes montagneuses. Les tactiques mobiles appliquées par les 8ème et 10ème Divisions indiennes ne sont plus d’aucune utilité en terrain montagneux.
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Une patrouille indienne s’abrite devant un Panther détruit – D’autres Sikhs en action
Les Indiens n’ont pas le temps de souffler… Une crête montagneuse bloque l’avance alliée au nord de la vallée de l’Arno. On y retrouve, encore, des hameaux évacués occupés par deux unités de troupes allemandes de montagne (ou Jaegers). Les villages de Montecodruzzo, Monte Del Erta, Monteguzzo, Roncofreddo, et Monte Chicco rappellent les redoutes de Maiellas sur le front de l’ancienne Ligne Gustav. Mais les Indiens ont fait leurs classes. Ils se ruent la nuit sur les flancs escarpés par une pluie battante et surprennent les défenseurs ennemis. Les Allemands se replient dans une désorganisation complète. Tous lesdits villages passent aux mains des Indiens, sauf Roncofreddo qui offre une rude résistance. Les Gurkhas encerclent le village sur trois côtés mais sont encore confrontés à un nouveau Mozzagrogna : combats de rues acharnés vers le centre du village où les attendent les semi-chenillés allemands qui les repoussent. Il faudra deux autres jours aux Indiens pour s’emparer de l’endroit. Entretemps, les pontonniers indiens construisent deux autres ponts Bailey sur le fleuve Savio, ce qui permet à leurs blindés de progresser rapidement vers le nord du pays. Le 8 Octobre, Alexander retire temporairement du front la majeure partie des deux divisions indiennes pour un repos bien mérité.
Les Apenins
La dernière action des divisions indiennes en Italie du Nord a été de déloger les Allemands des plusieurs petits villages des Apenins et les vallées irriguées par le fleuve Senio. Ce sera une mission difficile et ingrate. L’hiver 1944-45 s’installe et les températures chutent rapidement. Les unités indiennes s’ébranlent malgré tout en direction de Ravenne, flanquées d’unités canadiennes et néo-zélandaises. La 10ème Division revient au front à la fin Décembre 1944. Sa tâche principale est de préparer le volet logistique de la reconquête finale du nord de l’Italien en élargissant les routes et en construisant des ponts deux d’entre eux seront construits se le Senio. Elle aménage des dépôts avancés et des hôpitaux de campagne pour l’offensive finale.
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L’hiver enveloppe les Apennins – Ce Gurkha a plutôt froid...
Dans la nuit du 23 Décembre, cinq bataillons d’infanterie passent le Senio pour couvrir les flancs de la poussée motorisée et blindées néo-zélandaise. Ils prennent la ville de Pergola, non sans avoir été ralenti par des champs de mines bondissantes. La périphérie de Pergola est nettoyée par les Garhwalis et les Sikhs. Un accrochage épique oppose un soldat garhwali sans munitions à un nid de mitrailleuses. Ledit fantassin tue un sniper et trois mitrailleurs avec sa baillonnette avant de revenir avec une mitrailleuse ennemie qui permet de tuer 60 soldats allemands et en faisant fuir plus du double. Les Indiens prennent Faenza le 15 Décembre. Une compagnie de Mahrattes repousse un raid allemand le 8 Février 1945. Le 12 Mars, une brigade indienne relève des unités de la 85ème Division US sur Monte Grande, en préparation de la poussée vers la frontière autrichienne.
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Démineurs indiens sur une berge du Senio – Indiens dans un village abandonné
En Avril 1945, les unités indiennes tiennent un front de 18 milles et apprennent qu’elles feront partie de la poussée finale de la VIIIème Armée britannique du général Leese. L’offensive débute le 9 lorsque les Indiens progressent en direction de Santerno avec un appui aérien de bombardiers bimoteurs et d’avions d’attaque au sol. La cohésion allemande se désintègre définitivement et les Allemands laissent leurs auxiliaires italiens à leur sort. Les Indiens traversent des villages désertés et lorsqu’ils atteignent la plaine du Pô, leur progression est précédée de Shermans qui font l’essentiel du travail notamment les Sherman Crab qui ouvrent la voie pour les fantassins, et les chars lance-flammes Crocodile. Durant cette période, les soldats indiens se bornent qu’à être des ramasseurs de prisonniers qui ne peuvent fuir nulle part. Ces derniers souvent sans officiers préfèrent être cueillis par les Indiens que martelés par les Typhoons ou, pis encore, capturés par les partisans. Le 26 Avril, les 8ème et 10ème Division sfont leur jonction en Vénétie, de même qu’avec des unités américaines. Déjà, les commandants de ces deux divisions préparent le transfert de leurs unités et leurs matériels vers l’Inde. C’est avec un grand soulagement que les soldats indiens apprennent la capitulation allemande du 8 Mai 1945.
Le général Russell ( à droite) confirme la capitulation allemande
La 8ème Division est embarquée dans un port de l’Adriatique en Juillet 1945 pour son retour en Inde. Leurs soldats ne sont plus des biffins depuis longtemps, mais des hommes bien formés et endurcis par deux ans d’opérations militaires contre les meilleurs éléments des forces allemandes. Ils n’expriment aucun souci à l’égard des problèmes de l’Europe car ils ne pensent qu’à rentrer chez eux. La 10ème Division ne retournera pas en Inde tout de suite. Un de ses régiments sera en garnison à Trieste durant plus d’un an. Une de ses trois brigades (la 7ème) est acheminée en Grèce pour appuyer les efforts de la restauration de la monarchie grecque (voir résistances et répression, Grèce), au grand déplaisir des soldats indiens. Cette brigade retournera en Inde qu’en Décembre 1945.
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La contribution aérienne
L'organisation de l'aviation indienne durant la Seconde Guerre mondiale est en soi un exploit d'hypertrophie, dont le succès n'a eu d'égal que celui de la marine canadienne... Au début de la guerre, l'Inde n'avait que 144 aviateurs brevetés et 16 officiers. En 1944, leur nombre passe à 22,000 répartis en 10 escadrilles opérant dans le ciel du sous-continent indien. L'administration coloniale britannique de l'entre-deux guerres croit qu'il est nécessaire de former les aviateurs indiens, mais demeure prudente quant à l'idée de développer une aviation indienne. Le War office londonien subit les conséquences de la crise économique mondiale et il n'a pas le budget pour développer une force aérienne supplétive en Inde, et il y a des fonctionnaires èa Delhui qui croient qu'une telle force servira, à terme, d'outil armé pour lutter contre l'armée britannique.
L'Escadrille No.1
Cependant, les administrateurs coloniaux constatent qu'une patrouille aérienne est un bon moyen d'économiser de l'argent sur l'entretien de garnisons britanniques en Inde – tout en montrant la puissance du colonisateur. C,est le même raisonnement que les Britanniques avaient à l'égard de leur présence en Irak durant l'entre-deux guerres. En 1930, Delhi autorise les premiers aviateurs indiens à suivre un entraînement complet àa la base de Cramwell, en Angleterre. Ces chanceux triés sur le volet apprennent tous les volets du métier d'aviateur.Trois ans et demi plus tard, ces Indiens organisent l'Escadrille No.1 sur deux petits terrains à Karachi et Peshawar. C'est une unité de cadres destinée essentiellement à la formation de pilotes autochtones et à des tâches de liaison. Elle est commandée par un officier de la RAF, le lt-commandant Bouchier. De 1935 èa 1937, cette unité s'oriente vers la reconnaissance armée, visant au besoin à attaquer des cibles au sol.
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Le gouverneur de Bombay inspecte les Lysanders – Le frais promu colonel Majumdar
Les recrues indiennes s'entraînent sur des biplans Tiger Moth et Audax, comme toutes celles de la RAF. L'encadrement prend tout le temps requis pour former ses pilotes. Ces derniers reçcoivent aussi un cours de mécanique élémentaire pour régler des problèemes mineurs liés aux pannes de moteur. Ces recrues s'entraînent également sur le monomoteur de liaison Lysander qui est un appareil stable en vol mais plus lourd que le Tiger Moth. A l'automne 1938, le gouvernement de Delhi ordonne à l'escadrille No.1 de faire des patrouilles frontalières armées contre le village de Shaider. Durant une échaufourrée, le pilote indien Mehar Singh a été le premier aviateur indien à être abattu par des tirs au sol, mais il a pu regagner son unité. Un autre pilote, le sergent Mukherjee, a fait quelques piqués sur le village rebelle et a même lancé des bas remplis de balles de .303 aux soldats britanniques à court de munitions... Le 16 Mars 1939, Bouchier passe le commandement de son escadrille au commandant Suboto Murkherjee; ce dernier devient le premier Indien à commander une escadrille de la RAF et, ultérieurement, l'aviation indienne. Son unité est transférée èa Bombay en Juin 1939 et dispose de 12 Lysanders et 7 chasseurs Brwester Buffalo achetés par la ville de Bombay. Elle poursuit ses tâches d'entraînement et de reconnaissance. Notons cependant que l'entrée en guerre de l'Inde ne lui donnera pas tout de go des appareils plus performants. Le gouverneur Lithingow est trop craintif et ordonne aux Indiens d'opérer avec les appareils déjà disponibles.
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Le colonel Murkherjee cause avec des aviateurs à Kohat – Un Tiger Moth
En Février 1942, les Lysanders de cette escadrille opèerent au-dessus de la Birmanie à partir du terrain de Toungoo pour suivre la progression des forces japonaises. Les cadres de la RAF sont ébahis par le courage des pilotes indiens non-armés dans ces missions de reconnaissance.
Le 4 Mars 1942, le sergent indien Majundar bricole des râtelirs improvisés sur quelques Lysanders. Grâce èa ceux-ci, les appareils peuvent porter deux bombes de 250 lbs. Majundar décolle avec son Lysander escordé de deux Buffalo pour un raid intrépide sur le terrain japonais de Mae-Haungsuan. Le Lysander n'a pas d'appareil de visée et le pilote doit larguer ses colis au jugé. Ses deux bombes détruisent un hangar contenant un bombardier bimoteur, et Majundar parvient à revenir sain et sauf. L'escadrille au complet récidive sur les terrains de Cheinmai, Chiangrai (en Thailande), et Mae-Haungsuan. .
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Rateliers de fortune installés sur un Lysander – Auchinlek décore Majundar d'une DFC
Ces raids ont été menés èa basse altitude par des appareils plutôt lents et déjà alourdis par leurs bombes. Durant la retraite de Birmanie, les pilotes de l'Escadrille No.1 vont exceller dans l'attaque au sol avec leurs Lysanders, mais trois d'entre eux seront abattus par des chasseurs nippons Ki-43 Oscar. Le gouvernement chinois décerne une citation à cette escadrille. Le sergent Majunbar est promu colonel et chef d'escadrille avec en prime une Distinguished Flying Cross sur la poitrine – et son nom dans les journaux. Dès lors, la RAF accepte de fournir des Hurricane II (ou Hurri-Bomber) à l'escadrille. Cela ne plait pas du tout àa Lithingow, mais nécessité fait loi.
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Un Hurricane II ou Hurri-Bomber – le colonel Arhan Singh et ses mécaniciens
L'Escadrille No.1 va également opérer durant la seconde campagne de Birmanie sous le commandement du lt-commandant Arhan Singh. Elle sera preque équipée de Hurri-Bombers et va mener plusieurs raids réussis contre les cantonnements et convois japonais à partir de Février 1944. L'escadrille fait 60 sorties entre Mythkyia et Mandalay, perturbant la circulation ferroviaire japonaise. Elle est responsable de l'appui au sol de la 17ème Division indienne durant la batille d'Imphal. Cependant, plusieurs Hurri-Bombers sont abattus par les chasseurs japonais et d'autres s'écraseront à cause d'ennuis de moteur. L'escadrille indienne opéra 950 heurs de vol au-dessus d'Imphal, et poursuit sans relâche les unités japonaises qui se replient vers Rangoon. En Mars 1945, elle cumulera 4813 sorties totalisant 7219 heures de vol.
L'Escadrille No.2
L'entraînement des recrues indiennes permet l'organisation d'une deuxièeme escadrille à la fin de 1939. L'Escadrille No.2 est organisée à Peshawar sous le commandement du lt-commandant Awan. Elle est composée de 164 hommes et de 20 officiers, équipée de Lysander et de Wapiti. Elle poursuit son entraîenment jusqu'en 1941 avant d'être partiellement transférée èa Kohat. Awan remplace ses Wapiti par des Audax. L'escadrille No.2 est transférée dans le sud de l'Inde pour se familiariser avec l'attaque au sol puis déplacée à Risapul pour toucher ses Huri-Bombers. Il s'agit essentiellement d'une unité de cadres. .
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L'entretien des Hurri-Bombers durant la mousson n'est pas facile
Cette deuxièeme escadrille est envoyée sur le front birman en Octobre 1944 lorsque la plus grande parti de ses effectifs se posent sur le terrain japonais de Mambur. Elle fait de la reconnaissance photo et de l'attaque au sol durant la campagne de l'Arakan., au -dessus de la vallée de Kangaw. Awan ordonne à ses pilotes de faire le plus grand nombre de sorties possibles jusqu'à l'usure des appareils. L'unité fait 548 sorties en Janvier 1945 et 866 heures de vol en Février. La RAF félicita Awan pour sa performance. Le prix à payer au combat a été de 8 Hurri-Bombers, et 6 autres ont été endommagés lors d'accidents durant la mousson.
L'escadrille No.3
Cette unité a également été organisèe à Peshawar en Octobre 1941. Son noyau de cadres provient de l'Escadrille No.1 mais elle est commandée par un officier britannique, le colonel Bray. Ses adjoints indiens, Rungandhan, Asgar Khan et Nur Khan, deviendront ultérieurement des cadres supérieurs de l'aviation pakistanaise. Ses 140 hommes sont équipés de biplans Audax et Wapiti armés pour meneer des vols frontaliers sur les frontièeres indi-afghanes et indo-birmanes. L'unité est basée à Miranshah.
Préparation d'une mission sur biplan Wapiti
L'escadrille No.3 va opérer dans un environnement aérien presque hospitalier, mais elle va perdre plusieurs pilotes dans des accidents de montagne – comme le lieutenant Prithipal Singh qui a été incapable de redresser son appareil durant un exercice en piqué. L'unité sera équipée de Hurri-Bombers et envoyée en Birmanie en Novembre 1944 avant d'y être basée pour le reste de la guerre. Elle a quand même fait plusieurs coups de main:
Elle réussit un raid ambitieux sur la jetée de Kwyang en coulant un destroyer lourd.
Le 13 Mars 1945, ses Hurri-Bombers détruisent un train militaire japonais à Thin Chaung.
Le 11 Avril suivant, les pilotes indiens attaquent et détruisent le pont de Thin Chaun, coupant la retraite de plusieurs unités japonaises.
Cette escadrille est retirée du front birman en Avril 1945 pour être basée à Madras. Elle a totalisé 493 sorties. Fait à noter, elle n'a perdu aucun pilote par le feu ennemi, et est reconvertie en escadrille de chasse en Octobre 1945, devenant ainsi la première unité de chasse de l'Aviation indienne (ou IAF).
L'Escadrille No.4
Cette unité a été organisée à Peshawar en Février 1942 sous le commandement du lt-commandant Bulbul Khan. Initialement composée de Lysanders, elle les troquent pour des Hurris-Bombers alourdis de rateliers spéciaux leur permettant de porter jusqu'â 1000 lbs de bombes. Cette escadrille reçcoit également en entraînement de qualité et se livre à plusieurs exercices interalliés avant d'être certifiée opérationnelle en Octobre 1944. Elle est envoyée sur le front birman en Mars 1945 et poèere à partir du terrain de Feni. C,est la première unité aérienne èa servir d'escorte aux transporteurs C-46 et C-47 transportant du matériel militaire en Chine et/ou parachutant des vivres et munitions aux soldats alliés dans le nord de la Birmanie. L'Escadrille No.4 participe aux combats dans l'Arakan, à Kohima et Imphal, totalisant 220 sorties. Elle fait également de l'appui au sol dans 336 sorties en Octobre et 380 en Novembre. C'est durant la progression alliée vers Rangoon que l'Escadrille No.4 touche son premier chasseur Spitfire IX – devenant ainsi la première unité indienne à utiliser le Spitfire au combat.
Le Spitfire IX est un chasseur de pointe
Les pilotes indiens se plaignent d'une trop grande vulnérabilité vis-à-vis les chasseurs japonais. Le Hurri-Bomber alourdi par son armement et ses rateliers est beaucoup moins maniable que les chasseurs Oscar et Zéro japonais. L'arrivée des Spitfire IX aux côtés des P-51 américains vont permettre aux Indiens d'obtenir et conserver la maîtrise du ciel en Asie du Sud. Le Spitfire IX n'a rien à voir avec son précédesseur utilisé durant la bataille d'Angleterre. Il est muni du même moteur que le bombardier Lancaster et qui produit 1475cv. Avec cet atout, les Indiens n'auront aucune difficulté à se débarasser des avions japonais. C'est ainsi que cette escadrille sera basèe à Akyab et fera plusieurs raids et combats aériens en Birmanie. Elle est ramenée en Inde en Avril 1945 et conserve son statut d'unité mixte de chasse et d'attaque au sol. Elle sera ensuite équipée de Spitfire XIV gardés en inventaire actif jusqu'à l'automne 1957.
L'Escadrille No.7
Cette unité a été organisée à Vizagapatnam en Décembre 1942 sous le commandement du colonel Hem Chaudhuri. Ses 134 hommes et 18 officiers sont équipés de biplans Audax et d'avions d'attaque au sol Vultee Vengance pour faires des patrouilles côtières armées. Elle a fait la plus grande partie de son entraînement à Peshawar avant d'être transférée à Phaphamau. Lescadrille fait sa première sortie opérationnelle le 3 Décembre 1943 lorsque le Vengeance du lieutenant Lal attaqua deux dépôts japonais sur les berges de la rivière Tochi. La première sortie en groupe a été faite le 28 Mars 1944 lorsque six Vengeance commandés par Chaudhuri lui-même attaqua le village birman de Kenji sur la rivière Chindwin.
L'avion d'attaque au sol Vultee Vengeance
Les Britannques et les Américains n'aimaient pas le Vengeance. Bien que stable en vol et en piqué, l'appareil n'était pas jugé assez maniable àa la sortie d'un piqué pour être utilisé dans des combats importsnts sur des fronts principaux. Cependant, ils n'ont eu aucun remors à la refiler aux Indiens. De ce fait, plusieurs Vengance ont été perdus durant des accidents d'entraînement. L'escadrille No.4 patrouille les côtes du Bengale avec cet appareil durant la plus grande partie de 1944. Elle dispose également de plusieurs chasseurs Spitfire IX. Les Vengeance coulent un destroyer lourd et quatre barges armées ennemies en Mars 1944. Un mois plus tard, ils sont les premiers appareils indiens èa frapper les cantonnements japonais à Imphal, de même que les convois de ravitaillement en direction de cette ville, de même que le village fortifié de Myorit. Durant ces frappes aériennes, un Vengeance piloté par le sergent Offr est accidentellement confondu avec un avion japonais et abattu par les mitrailleurs d'un bombardier B-25 américain. En Mai, Chaundhuri passe son commandent au lieutenent Lal, fraichement promu colonel. Le 11 Mai 1945, son escadrille détruit complèetement les véhicules d'un bataillon japonais qui se replie vers Rangoon, tuant 360 soldats et détruisant 210 véhcules divers – ce qui est pas mal pour des appareils démodés mais très bien pilotés. En guise de reconnaissance, le colonel Lal est décoré de la DFC: ce sera la dernière décoration émise officiellement par la RAF à un aviateur indien durant la Seconde Guerre mondiale.
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Le colonel Chaundhuri et son mitrailleur – Un des Spitfire IX de l'Escadrille No.7
L'Escadrille No.7 est rapatriée en Novembre 1945 sur sa nouvelle base de Gwarlior et convertie en escadrille de chasse sur Spitfire XIV de surplus qu'elle conservera jusqu'en 1958.
L'Escadrille No.10
Cette unité a été la dernière à avoir été organisée en Inde durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a été formée èa Lahore en Février 1944 et initialement équipée de Hurri-Bombers. Elle est commandée par le colonel Robert Doe, un vétéran de la bataille d'Angleterre avec 15 victoires confirmées. Son escadrille n'est pas entièrement formée d'Indiens, car elle a des aviateurs australiens et néo-zélandais. Elle se spécialise dans l'attaque au sol mais perd plusieurs pilotes durant les sorties d'entraînement, comme le lieutenant Chakerbetty qui piqua fatalement du nez suite à une panne soudaine du moteur de son Hurricane (problème appelé high speed stall).
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Décollage d'un Hurri-Bomber de l'escadrille No.10 – Un groupe d'aviateurs en pause
L'escadrille No.10 est envoyée au combat le 23 Décembre 1944 à Ramu et dans la vallée du Kaladan pour attaquer les camions et réduits japonais. Elle a fait plusieurs sorties pour escorter les quadrimoteurs B-24 vers la Malaisie et plusieurs autres sur les berges de la rivière Taungup. Plusieurs pilotes se font remarquer par leur bravoure, dont Doe lui-même, qui est décoré de la Distinguish Service Order (ou DSO) en Octobre 1945. L'escadrille retourne en Inde pour se réoutiller en Spitfire IX et XIV et retournera sur le front birman en Juillet 1945. Elle reste basée en Birmanie jusqu'en Juin 1946 et servira d'escorte lors de la visite de Mountbatten en Thailande. En Mai 1947, l'Escadrille No.10 sera la première formation aérienne à défiler au-dessus du stade national à Delhi au moment ou Nerhu proclamme l'indépendance nationale. Notons que les escadrilles indiennes organisée par la RAF au cours de la guerre deviendront le noyau des deux aviations rivales: celle de l'Inde et du Pakistan...
Un Spitfire XIV basé à Ambala en 1946
Les Sikhs dans l'armée indienne
Le sous-continent indien est composé de très nombreux goupes homogènes et de nombreux sous-groupes. A l'époque du systèeme des castes, seule une minorité de gens de cesdits groupes pouvaient pratiquer le métier des armes, si bien qu'en 1939, seulement six groupes de porteurs d'armes vont fournir les soldats indiens de la Seconde Guerre mondiale: les Mahrattes, les Jawans, les Rajputs, les Baloutches, les Gurkhas et les Sikhs. Seuls les Sikhs fourniront le plus grand nombre de volontaires dans l'armée indienne. Originaires de l'État du Punjab, ils ont participé èa l'effoert de guerre britannique durant la Première Guerre mondiale en Europe, ainsi qu'à de nombreux raids en Afghanistan durant l'entre-deux guerres. Même si l'entrée en guerre a produit un mécontentement général en Inde, les volontaires provenant du Punjab affluent dans les bureaux de recrutement. Ainsi, les effectifs de l'armée indienne passent de 189,000 en 1939 à 2.5 millions en 1945 – dont 365,000 Sikhs. L'indépendance politique du Punjab est la seule condition de leur participation à la guerre.
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Sikhs après la victoire d'Alamein – Mitrailleurs sikhs en action à Imphal
Fait à noter, les Sikhs appuyaient l'Allemagne nazie pour faire pression sur l'administration coloniale à Delhi, sous la maxime que l'ennemi de mon ennemi est mon ami... Cependant, l'attitude des Sikhs change radicalement aprèes Pearl Harbor lorsque le Japon se lance dans ses conquêtes. Parmi toutes les unités provenant du Punjab, la meilleure est sans contredit le 11ème Régiment d'infanterie sikh. L'unité comprend 3400 hommes compétents et commandée par des officiers britanniques. Ce régiment va se distinguer en Birmanie dans les combats farouches de Kohima et Imphal. D'autres unités sikhs participent également à la campagne d'Arakan tandis que d'autres combattront près de Rangoon. Le 11 Mars 1943, un bataillon indien progresse le long de la route entre Maungsaw et Buthidaung et se fait embusquer par des tirs croisés japonais. Les hommes tombent comme des mouches. Les Sikhs doivent leur salut à leur courage de progresser le long d'une petite tranchée routière partiellement cachée par la végération. Une section d'infanterie commandée par Naik Nand Singh (ci-contre) est entièrement fauchée par l'ennemi, avant que ce dernier envoie quelques grenades Mills dans un pillbox. Nand Singh se glisse dans un autre pillbox et tue les servants avec sa baillonnette. Il trouve assez d'énergie pour entrer dans un troisième pillbox et le neutraliser, permettant aux autres sections de briser une défense locale japonaise: 37 des 40 défenseurs japonais sont tués. Les Japonais vont céder aux Sikhs un bout de route important entre Kohima et Rangoon. Naik Nand Singh sera blessé à six reprises et sera décoré de la Victoria Cross.
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Avec le SEAC contre les Japonais
Lorsque les Alliés vont créer le South East Asia Command (ou SEAC) sous la direction de Lord Mountbatten, l'armée indienne connaît une expansion fulgurante. De nouvelles divisions sont organisées méthodiquement et reçoivent un très bon entraînement. Ses escadrilles d'appui au sol avaient déjà prouvé leur valeur en Birmanie et ailleurs. Le SEAC va déployer de gros moyens pour entraîner les forces chinoises qui se sont réfugiées en Inde. Plusieurs unités indiennes sont transférées à la frontièere indo-birmane èa la fois pour apporter une aide logistique aux Chinois, mais aussi pour combattre en Birmanie. Qui plus est, les Américains – et leur fric – sont déjà présents pour préparer de nouveaux terrains d'aviation, des dépôts et bases d'entraînement pour les forces alliées. Bien avant que le SEAC se constitue officiellement, les USA avisent l'Angleterre que la présence de l'US Army en Inde sera modeste et dirigée uniquement contre la menace japonaise, tel que l'explique l'attaché militaire Dean Rusk dans le clip ci-bas.
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Mountbatten passe en revue un régiment indien – La signification de l'écusson d'épaule du GI en Inde
En gros, les Indiens sont ravis de constater que les soldats américains agissent pour leur propre compte et qu'ils n'entendent pas se laisser inféoder par l'administration coloniale britannique. Cette mise au point a permis d'instaurer un climat de confiance durable entre militaires américains et indiens, même au sein du SEAC. Les divisions indiennes à l'entraînement sont progressivement déplacées en Assam en prévision de l'offensive prochaine en Birmanie. Entretemps, le commandement britannique en Inde avait organisé une nouvelle unité, la 14ème Armée commandée par le général Slims, pour à la fois tenir les Japs à bout de bras et les contre-attaquer. Les divisions indiennes en Assam passent sous son commandement.
Soldats indiens traversant le fleuve Irrawady
Imphal
L'armée indienne va se distinguer dans les batailles de Kohima (coir opérations 1944, Kohima)et d'Imphal – deux villes indiennes situées à proximité de la frontière indo-birmane. Le 4 Mai 1944, des unités indiennes de la 5ème Division avaient aidé les Britanniques à vaincr les Japonais à Kohima en leur infligeant une défaite coûteuse. Mais il restait à chasser les Japonais de la plaine d'Imphal. Le travail sera confié à quatre unités indiennes:
1 - La 17ème Division, organisée deux ans plus tôt, qui avait évité l'encerclement à Tiddim
2 - La 20ème, organisée en 1943, et qui avait participé à la bataille de Kohima
3 - la 23ème, qui est devenue opérationelle devant Kohima
4 - La 5ème, déjà expérimentée qui progresse vers la Birmanie
Imphal est situé dans le district de Manipur (ci-contre). C'est une plaine ceinturée par de petite montagnes plates et traversée par les rivières Iril, Thoubalet, et Khuga. L'endroit sera le Dien Bien Phu des Japonais. En effet, les Nippons n'avaient aucune chance de s'en sortir, parce que contrairement à leur campagne en Birmanie, ils n'avaient pas la mobilité tactique et l'accès facile au ravitaillement de leurs unités. La suprématie aérienne alliée empêchera l'arrivée de leurs renforts. La progression vers la plaine d'Imphal est lente car le terrain est détrempé par la mousson et peu accessible aux camions de ravitaillement, à l'exception des chars. Tout le matériel et les vivres doivent être parachutées aux divisions indiennes en mouvement, même l'essence en barils... En trois mois, les parachutages apporteront 3000 tonnes de fret dont 835,000 litres de carburant. En prévision de cette lutte à finir contre deux divisions japonaises sous-dotées, le commandement allié a fait évacuer 40,000 civils vers l'Ouest, de même que les 13,000 blessés de Kohima. Au début de Juin, le terrain est suffisamment sec pour que les camions et blindés indiens ceinturent l'objectif. Quant aux Japonais, leur plan de match traduit leur situation désespérée: faire un hérisson impossible à tenir est l'espoir de mourir pour l'honneur impérial. Les Japonais ne font aucun effort pour se livrer à des actions visant à bloquer leur inévirable encerclement. Le 8 Juin, les Brits et les Indiens chassent les Japonais de la route menant à Imphal. Les réduits japonais sont cassés par les Hurri-Bombers, les P-47 américains et Vengeance indiens. Mais les raids aériens ont eu peu d'effet sur la résolution des Japonais. Ceux-ci repoussent facilement les premières patrouilles de reconnaissance en force. Imphal va devenir une bataille d'usure.
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Les unités alliées sont ravitaillées par air – La boue ralentit les véhicules indiens
La tenue au feu des divisions indiennes durant la bataille d'Imphal est remarquable. Cette fois, les Indiens se battent sur lsour sol national et ils veulent encore une fois prouver leur valeur dans l'adversité, en refusant de se laisser intimider par les Nippons. les généraux indiens et britanniques appliquent une politique de rotation de leurs unités de manière à éviter un trop long séjour sur la ligne de front. Les bataillons et régiments indiens peuvent bénéficier de périodes de repos tout en gardant en ligne des unités prêtes au combat. Le 10 Juin, deux bataillons d'infanterie indiens encerclent et détruisent un bataillon japonais près de la jonction routière de Kharasom: 271 Japs tués, et 17 faits prisonniers. Le sol était jonché de mules et de carcasses de véhicules troués et partiellement enfouis. Les Sikhs eurent 94 tués et une centaine de blessés. La route d'Imphal est ouverte.
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Les blessés indiens sont évacués – une des deux collines à capturer
le 13 Juin, des unités jats prnnent deux collines autour d'Imphal. Les Jats sont un peuple de fermiers habitant le nord de l'Inde, quoique sa tradition guerrière est très en-deça des Rajputs ou des Sikhs. A partir des collines conquises, les Jats peuvent orienter les piqués des Hurri-Bombers indiens vers les positions japonaises dans la plaine. Le 15 Juin, une compagnie de Jats commandée par le major Risal Singh capture une troisième colline escarpée tenue par les Japonais dans une attaque digne de celles menées en Italie par les unités mixtes alliées contre les pitons rocheux de la vallée du Liri. L'encerclement de la plaine d'Imphal se termine le 21 Juin.
Les généraux Grover, Salomon, Stopford et Singh dans un conciliabule avant l'assaut final
le lendemain, l'Escadrille No.1 et deux escadrilles britanniques font cinq raids successifs sur les positions japonaises pour les amollir. A 12H00, c'est autour de l'artillerie britannque de joindre le bal: 130 canons et 80 chars M3 Grant et Sherman forment un coin blindé pour couvrir l'avance des fantassins alliés. Écrasés sous un déluge d'acier, les Japonais ne tirent que quelques obus contre les chars alliés. Chaque segment de la plaine est quadrillé avec soin à cause de la ténacité des fantassins japonais. Néanmoins, ces derniers souffrent de la faim et des maladies tropicales; ils combattent moins fougeusement qu'à Kohima. En revanches ils lancent deux escadrilles de chasse dans la mêlée pour aider leurs troupes encerclées. Des combats aériens se déroulent du 22 au 24 Juin. Les pilotes japonais ne sont pas de taille à affronter des adversaires compétents et motivés sur Spitfire IX et XIV: 27 chasseurs et 13 avions d'attaque au sol nippons sont abattus" Les encerclés perdent leur couverture aérienne.
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Arhar Singh et ses pilotes – Planification d'une attaque au sol
Le 28 Juin, les fantassins britanniques et indiens font leur jonction au centre de la plaine d'Imphal àa un point de la carte appelé Milestone 100. Les Japonais n'ont aucune chance de s'en sortir. Chaque carré de la carte est méthodiquement nettoyé dans des accrochages souvent musclés. Les renforts japonais sont mitraillés et dispersés par les avions alliés. Dès lors, c'est toute la cohésion japonaise qui s'effrite: Deux divisions japonaises doivent battre en retraite vers Rangoon sur différents tronçcons de route ou seule la pluie boueuse vient à leur secours. Le 30 Juin, la moitié de la vallée est reprise et les Japs encore en état de se battre tiennent un dernier lot de 4 milles carrés dans la partie est de la plaine. L'artillerie alliée ne tire pas de crainte de toucher ses propres soldats. Les Indiens progressent derrière des chars pour achever les derniers défenseurs qui refusent de se rendre. Les Japonais ne se permettnt même plus les charges banzai d'autrefois comme moyens de mettre fin à leurs jours. Ceux qui tiennent encore des pillboxes jusqu'au bout sont grenadés ou mitraillés à bout portant. Une poignée de tireurs isolés blottis dans leurs trous d'homme font le coup de feu dans le dos des Indiens et ses derniers leur balancent des grenades. Étonamment, des Japs désespérés et titubants, souvent sans armes, essaient d'empêcher les Indiens de ramasser les containers de vivres et de munitions parachutés en tuant les chauffeurs de Jeeps et de camions...
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L'appui-feu immédiat des chars Grant est utile – Indiens envoyés au casse-pipe
Bien que les Japonais aient réussi à stopper quelques attaques indiennes, ils n'ont pas été capables de briser leur encerclement. Cette fois, les Brits et les Indiens refusent de se laisser pousser hors de la plaine. Lorsque deux bataillons alliés s'étaient faits encercler à la fin de Mai, ils ont continué le combat grâce au ravitaillement aérien – sans lequel les Alliés ne pouvaient vaincre. Fin Juin, ces derniers observent que le moral japonais s'écroule et que de nombreux Japs affamés acceptent de se rendre. Les pertes japonaises sont estimées à 53,000 tués et 1100 prisonniers... Celles des Indo-Britanniques à 16,700 tués et près du double de blessés et malades. C,est un désastre majeur pour l'Armée impériale et la fin de ses espoirs d'envahir l'Inde. Ce sont tous les aquis japonais en Asie du Sud-Est qui sont menaçés. Tokyo n'apprenda la nouvelle que le 10 Juillet. De leur côté, les unités indiennes sont épuisées lorsqu'elles arrivent à la frontière birmane. Et il y a cette jungle qui s'épaissit...
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Sikhs nettoyant une tranchée à bout portant – Victorieux mais épuisés
Vers Rangoon
Les troupes indiennes franchissent la frontière birmane le 8 Juillet 1944 et doivent désormais composer avec la topographie difficile des routes de montagnes souvent lavées par les crues soudaines. Tout comme durant la campagne d'Italie, la contribution des ingénieurs et pontonniers indiens sera indispensable pour réaliser la progression à pas de tortue en direction de Mandalay. Au début de Janvier 1945, la progression alliée est ralentie par la mousson qui occasionne son lot habituel d'accidents routiers et aériens, ainsi que les maladies tropicales. Le 7, les Indiens s'emparent de la petite ville de Shwebo en pleine pluie battante, sécurisant ainsi une partie du tronçcon ferroviaire par lequel le général Slim pourra acheminer le matériel lourd et le ravitaillement de ses divisions. D'autres unités indiennes basées à Tiddim s'avancent lentement vers Pakokku sur la berge du fleuve Irrawady. Les Japonais n'ont laissé que de petits groupes de soldats pour mener des combats d'arrière-garde , tandis que le gros de leurs troupes en retraite a pris le train à Indaw vers le sud. La mousson va ralentir le ravitaillement indien durant deux mois.
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La progeression indo-britannique en Birmanie – Un Indien avec sa Thompson
Les Alliés profitent de la fin précoce de la mousson birmane à la mi-Février 1945 pour concentrer leurs forces vers Mandalay. La 5ème Division indienne est hâtivement ré-équipée pour mener cette attaque. C'est durant ces multiples préparatifs que les soldats alliés apprennent la mort du général Warren, tué par un engin traquenard japonais. Il est remplacé à la tête de sa brigade par le général Salomon qui s'était fait les dents à Imphal. L'attaque sur Mandalay est lancée le 6 Mars et la ville est prise deuxjours plus tard. Le général Slims peut maintenant pavoiser devant les correspondants de guerre étrangers (voir citations historiques): la seule chose qui m'intéresse est la route à partir de Mandalay. Suivons-là et nous verrons ou elle nous mène, dit-il.
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En direction de Pakokku – Soldats indiens devant Mandalay Hill
A ce moment, les pertes indo-britanniques se chiffraient à 1472 tués et environ 5000 blessés. Qui plus est, les escadrilles indiennes avaient larguées 1500 tonnes de bombes et roquettes sur les positions japonaises. La progression vers Rangoon a été facilité parle fait que la Royal Navy contrôle les approches maritimes de la Birmanie, permettant ainsi aux Alliés de débarquer des unités sur des plages dans le golfe de Martaban. Le port de Akyab était déjà aux mains des Britanniques qui menacent de flanquer la retraite japonaise. A ce moment, l'ingéniosité indienne se manifeste dans sa capacité de parachuter des vivres et des munitions à leurs soldats en mouvement qui utilisent le transporte ferroviaire.
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Train japonais attaqué – Des Rajputs sur leur curieuse Jeep
En Avril 1945, les 5ème, 7ème et 20ème Divisions indiennes réussissent à prendre toutes les villes et hameaux birmans de l'Arakan, en éparpillant ce qui reste des défenseurs japonais. Le 11 Avril, elles encerclent les restes de la 15ème Armée du général Katamura dans une poche entre Meiktila et Lew (ci-bas). C,est à cet endroit que les Japonais désorganisés ont décidé de faire leur dernier baroud d'honneur. Cependant, la cohésion japonaise est si faible que Slims ordonne aux Indiens de terminer le nettoyage. La résistance des encerclés dura neuf jours. Les tankettes japonaises encore en état repoussent temporairement l'étau sans réussir à le rompre. Les hommes du lieutenant Knowland réussisent à tuer 300 Japonais et à détruire deux chars, au prix de 66 tués. Il se méritera une Victoria Cross à titre posthume.
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Quelques-uns des soldats de Katamura faits prisonniers
Il y a également un baroud d'honneur aérien perdu, mais a prix fort pour les Indo-Britanniques: 63 avions japonais abattus contre 78 avions alliés... Lorsque les Japonais apprennent le débarquement indien devant Rangoon, Katamura accepte de se rendre. Sa 49ème Division a 6500 tués et 900 blessés, dont certains se font hara-kiri: 3100 sont faits prisonniers et l'unité perd tout son matériel. Les Indiens ont perdu 2673 tués et 2000 blessés – un nettoyage qui a coûté cher. Entre le 20 et le 30 Avril, Slims conduit ses deux divisions indiennes aux portes de Rangoon, en prenant les petites villes de Payagyl, Pegu et Hilegu. Il ordonne une reconnaissance aérienne au-dessus de la capitale birmane. Les pilotes indiens à bord de leurs Vengeance aperçcoivent les phrases Japs gone et extrat digit peintes en couleurs blanches sur le toit de la prison de Rangoon, ce qui signifie que les Japonais ont évacué la ville. Un chasseur-bombardier Mosquito ayant à son bord un colonel de la RAF, Saunders, atterrit sans encombre sur l'aéroport de Mingaladon. Slims a un moment d'hésitation car in craint un coup de jarnac japonais. Il fait avancer prudemment une brigade indienne poue ceinturer le nord sans l'attaque. En fait, la garnison japonaise s'était postée sur les deux presque-îles de la rivière Rangoon pour livrer son baroud d'honneur.
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La fin de la 15ème Armée japonaise – La prise de Rangoon
Le 2 Mai, une force aéronavale britannique composée du vieux cuirassé Queen Elizabeth, du croiseur Phoebe, et de quelques destoryers escorant trois transports de troupe arrivent dans le golfe de Martaban pour y débarquer la 26ème Division indienne: c'est l'opération Dracula. Les navires pilonnent les derniers îlots de résistance japonais et ces derniers sont littérallement "sonnés" par le pilonnage naval. En guise de prime, les Japonais se vont bombarder par un groupe de quadrimoteurs B-24 escortés par 20 chasseurs P-47 américains. Cette fois, c'en est trop: les Japonais se rendent mains en l'air à la vue des avions alliés et les soldats indiens n'ont qu'à cueillir les blessés hébétés et désorientés. Seulement trois bataillons en armes essaient de se replier sur Rangoon mais ils se font flanquer par un bataillon de parachutistes gurkhas. L'accochage fait 43 tués chez les Gurkhas et 170 chez les Japonais. Les autres se rendent. Les combats sont terminés.
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Un bataillon de parachutistes gurkhas — Reddition des officiers japonais
Devant ce succèes inespéré, Slims ordonne à un régiment indien de traverser l'Irrawady pour entrer de nuit dans Rangoon. Le matin du 3 Mai, Rangoon est prise sans combat et Slims fait son entrée quelques heures plus tard avec le gros de ses forces. Les Japonais signent la capitulation de leurs débrits d'armées devant Slims et ses adjoints. Le 15 Mai, Slims prend contact avec la guérilla Karen aur la frontière orientale de la Birmanie afin de préparer son entrée en Malaisie (voir dossier résistances et répressions, l'Asie). Des unités indiennes participent au désarmement des troupes japonaises au Vietnam du Sud. Les officiers japonais se rendent à des généraux indiens (ci-bas).
Le commandant japonais de Saigon se rend à un général indien
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L'Indonésie
Les soldats indiens apprennent avec joie la capitulation japonaise du 15 Août 1945. Leurs soldats avaient réoccupé la Birmanie, la Malaisie et l'île-forteresse de Singapour. Ils rêvent tous de revenir chez eux. Cependant, le cas de l'Indonésie diffère de celui des autres territoires libérés de l'occupation japonaise. La responsabilité de désarmer les troupes japonaises en Indonésie relève du SEAC, mais comme la guerre est terminée, il manque cruellement de ressources militaires à consacrer à ce pays – telle est la version de Mountbatten . Cependant, les historiens occidentaux s'accordent pour affirmer que les Britanniques tenaient tellement à réoccuper la Birmanie et la Malaisie (deux pays riches en matières premières) qu'ils ne voulaient pas éparpiller leurs forces dans l'énorme archipel indonésien, d'autant plus que les nationalistes birmans et malais parlent de plus en plus d'indépendance nationale. Le SEAC ordonne au chef collaborationiste indonésien, Soekarno, de se présenter au QG de Mountbatten à Saigon. Cependant, Mountbatten lui ordonne de proclamer l'indépendance indonésienne afin de former un gouvernement aligné sur l'Angleterre – un beau pied-de-nez aux colonisateurs hollandais... Mais il hésite à envoyer des soldats indiens pour appuyer cette instauration (ou restauration) de Soekarno. Qui plus est, Mountbatten ordonne aux troupes japonaises venant tout juste de capituler d'appuyer Soekano dans ses efforts de remettre de l'ordre dans le nouveau pays. Les Japonais sont de nouveaux réarmés au grand mécontentement des Indonésiens qui espéraient enfin la liberté promise par les Alliés. C'est un Mountbatten pédant et un peu gêné qui essaie de s'expliquer sur cette question dans un commentaire formulé en 1973 (clip ci-bas).
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Mountbatten: je n'ai pas le choix – Un para indien et un officier escortent deux Indonésiens désarmés
L'intervention
La 23ème Division indienne commandé par le général britannique Hawthorn est envoyée en Indonésie à la fin de Septembre 1945. Deux se des brigades débarquent à Java et occupent Batavia (la future Djakarta). Les Indonésiens craignent que les soldats indiens redonnent l'archipel aux Hollandais, mais ils sont vite rassurés. La tension initiale diminue. Le premier geste apprécié des Indonésiens a été le désarmement et l'incarcération de la police indonésienne pro-japonaise (ci-haut à droite). Puis ils désarment les unités japonaises qu'ils rencontrent et les ré-embarquent en direction de la Birmanie pour y être internées, identifiées puis rapatriées ultérieurement. Les Indiens rétablissent l'ordre et le calme dans la partie ouest de Java. Dans la partie est de l'île, les Indonésiens avaient pris leurs affaires en main en internant eux-mêmes les Hollandais dans les anciens camps japonais. Ils refusent de se plier aux directives britanniques. Le 25 Octobre, Hawthorn envoie une autre brigade indienne pour réablir l'autorité du SEAC, désarmer les rebelles, libérer tous les détenus occidentaux et de réarmer partiellement les Japonais. Le commandant de la nouvelle brigade envoyée, le général Mallaby, ordonne à son subalterne indien, le colonel Pugh, d'étalir une médiation entre les Indiens et les rebelles dirigés par Moestopo. Sa médiation réussit et l'ordre est rétabli dans la partie orientale de Java. Cependant, le chef indonésien Moestopo craint pour son prestige et menace les autorités britanniques d'une insurection populaire. La révolte éclate dans la ville de Soerabaja durant la nuit du 28 Octobre 1945. Plusieurs sympathisants indonésiens pro-britanniques sont égorgés. Les rebelles capturent 50 soldats et 10 officiers indiens qu'ils exécutent. Les Indiens sont appelés à rétablir l'ordre mais ils ne sont pas à l'aise dans ces missions de répression. D'autant plus qu'ils sont refoulés hors de la ville insurgée. Le président Soekarno est dépassé par les événements. Les rebelles indonésiens tuent 374 soldats indiens et s'emparent de leurs équipements.
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Des Rajputs sont encerclés à Soerabaja – Indiens se ruant à leurs pillboxes
Les Indiens se replient vers les docks du port de Dharma en espérant être ré-approvisionnés ou réembarqués. Cette tête de pont précaire est réapprovisionnée par air de Batavia. Puis des renforts arrivent le 23 Novembre. La 5èeme Division aguerrie débarque de nuit à Dharma et va constater que rien n'arrête le fanatisme des Indonésiens. Le général indien qui commande la division persuade en douce les notables de la région d'arrêter les "atrocités" et qu'ils assureraient l'ordre et le transfert des Japonais. L'opération charme n'est que partiellement réussie, car les Indiens devaient neutraliser une rébellion équipée d'armes britanniques et de chars légers capturés aux Japonais. Des chars Sherman sont aussi envoyés de même que quelques Hurri-Bombers. Néanmoins, la rébellion va durer 20 jours avant que les Indiens ne rétablissent l'ordre. Ils délivrent 3000 civils hollandais qui ne se font pas prier de se faire la malle, de même que 600 prisonniers indiens, tous logés dans une ancienne prison militaire conçue pour en loger 1200... La bataille de Soerabaja a été la dernière ou des unités indiennes sont envoyées au combat sous les ordres d'officiers britanniques. A ce moment, la situation politique en Inde exige un certain doigté de la part d'une Angleterre victorieuse mais ruinée par ce conflit mondial. Les mouvements nationalistes indiens et musulmans préoccupent d'avantage les soldats indiens que les efforts de pacification de Mountbatten. Les propagandistes indonésiens ont eu une grande influence sur les Indiens, et les généraux britanniques le savent... Ainsi, les deux divisions indiennes les plus expérimentées resteront en garnison en Indonésie jusqu'en Avril 1946. Leurs dernières unités retournent en Inde le 8 Mai suivant.
Conclusion
L'effort de guerre indien comme fidèle alliée d'une Angleterre en guerre a été exemplaire. Sa contribution militaire a été de premier ordre: 26 divisions, 10 escadrilles quelques unités ad hoc, et un embryon de marine côtière. Bien que son expansion a causé des craintes politiques àa l'administration coloniale, l'armée indienne est restée loyale et a fait preuve d'un grand courage – et d'une grande patience, diront quelques cyniques... Cette armée, conçu à l'origine pour n'être qu'un simple appendice de la présence britannique en Inde, est devenue une force professionnelle qui s'est illustrée sur trois théâtres d'opération, et qui a acquise un savoir-faire hors du commun reconnu par ses pairs. En 1946, l'armée indienne a un noyau de cadres suffisamment nombreux pour assurer la défense d'un pays en devenir. La qualité de son corps d'officiers a été remarquable. malgré les démobilisations partielles de 1946, l'armée indienne compte près de 2 millions de soldats. Un an plus tars, la partition du sous-continent va scinder cette armée en deux segments: un tiers passe dans le nouvel État pakistanais, et les deux autres tiers demeurent indiens. Ils formeront l'armature étatique des deux nouveaux États déjà rivaux. Le 15 Janvier 1948, le général Cariappa devient le premier commandant en chef de l'armée indienne. Le général Subroto Mukherjee devient le premier chef de l'aviation indienne. Curieusement, malgré l'indépendance du Pakistan, son premier commandant en chef est un général britannique, Frank Messervy, qui entre en fonction en Février 1948 – probablement un peid-de-nez britannique et facteur de nuisance enréponse à la partition de l'Inde. Son premier commandant en chef pakistanais, le général Ayub Khan, n'entrera en fonction qu'en 1951.
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Les drapeaux de l'Inde et du Pakistan après la partition du sous-continent
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