Les Forces françaises libres

Toutes les histoires nationales ont leur épopée, leurs héros, voire leurs mythes. Dans cette France vaincue et occupée de 1941, où la population s'interroge sur Pétain et le vichysme, se profile les premiers pas d'une "renaissance française" extérieure au territoire national. Celle-ci va s'organiser péniblement à Londres avant de poser des gestes en Afrique, en Italie, en Normandie et en Provence. Cet effort à la fois militaire et pychologique s'inscrit dans le cadre plus général d'une résistance encore naissante face à l'occupation allemande. Mais cette soi-disante "renaissance" passe par celle d'une armée de libération. Par la création des Forces françaises libres – ou FFL – le général de Gaulle n'a qu'un seul but: arracher la France Libre à l'exil et l'installer en toute souveraineté en territoire national. La nature même de la lutte à mener et la pauvreté des moyens initiaux des FFL contribuent à magnifier leurs exploits. Pour en découdre avec les Allemands en Décembre 1940, il faut un patriotisme farouche, entêté et résolu. C'est le lot des hommes et femmes qui combattent dans les premières unités terrestres, aériennes et même navales des FFL – comme cette poignée d'aviateurs qui ont combattu durant la bataille d'Angleterre ainsi que les marins débarqués à St-Pierre et Miquelon. Il en est de même pour ceux qui les commandent. Les actualités cinématographiques britanniques présentent les officiers des FFL comme les dignes successeurs du courage légendaire de Jeanne d'Arc. Elles étalent la "sagacité prudente" du général Juin, "l'intrépidité vaillante" d'un Koenig et, ultérieurement, "l'élan" (dashing) du colonel de Lattre. Cependant, parmi tous les officiers français ralliés à de Gaulle, aucun ne sera aussi célèbre que le général Leclerc – celui autour duquel s'organisera les Forces françaises libres.

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Une mauvaise conjoncture

A l'automne 1940, la conjoncture est défavorable au général de Gaulle. Bien qu'il ait ses entrées auprès de Churchill et du cabinet de guerre britannique, de Gaulle se remet à peine de l'échec militaire franco-anglais à Dakar. Le gouvernement britannique entretient des relations secrètes avec le maréchal Pétain – seul détenteur du pouvoir légal en France – par le biais de l'émissaire Rougier jusqu'en Janvier 1941. Il en est de même pour les États-Unis (encore neutres) qui ont un représentant spécial (l'amiral Leahy) auprès de Pétain. Au moment où les deux puissances anglo-saxonnes s'interrogent sur les intentions de Pétain, celles-ci ne s'intéressent ni à de Gaulle et encore moins à ceux qui se sont ralliés à lui. Quant aux soldats français rescapés de Dunkerque, le général Spears (adjoint militaire de Churchill sur les questions françaises) est découragé par leur apathie suite à l'armistice signé par Pétain (clip ci-bas à gauche). Il constate que la plupart des militaires français réfugiés en Angleterre préfèrent l'État français né de la défaite à une France combattante siégeant à Londres. Néanmoins, les Britanniques reconnaissent officiellement de Gaulle comme "le chef de tous les Français libres". Des civils et des militaires l'appuient inconditionnellement. C'est le cas d'administrateurs coloniaux comme Féix Éboué, de Larminat et d'officiers comme d'Argenlieu, Leclerc et Massu. Une brochette de politiciens expatriés regroupés autour de René Pleven appuient également de Gaulle. Tous ces gens se voient investis d'une sorte de "mission providentielle": laver l'affront fait à "l'honneur" français durant la débâcle et libérer le pays de l'occupation ennemie. Ils lient leur destin à celui de de Gaulle et, sous la recommendation de d'Argenlieu, adoptent la croix de Lorraine (ci-contre) comme insigne de guerre sur le drapeau français.

_Spears et de Gaulle

Spears constate la démotivation des soldats français – Spears et de Gaulle

Premiers gains

De Gaulle lance une opération politico-militaire destinée à établir une base territoriale au mouvement de la France libre. Comme il est hors de question de débarquer en Algérie et encore moins en France métropolitaire, de Gaulle va porter ses coups dans d'autres colonies françaises d'Afrique. Le 6 Août 1940, il envoie Leclerc avec quelques politiciens et une vingtaine de volontaires armés pour rallier l'Afrique équatoriale française. Pendant que des émissaires gaullistes vont charmer et convaincre les fonctionnaires colonaiux de changer de camp, le groupe de Leclerc prend Douala dans la nuit du 25 au 26 Août. La colonie du Cameroun se rallie à de Gaulle, tout comme celles du Congo et du Tchad, surtout grâce aux bons offices d'Éboué (ci-contre) et de Larminat. Une première unité militaire est formée: le Bataillon de Marche No.1 (écusson ci-contre) qui aura à la fois les fonctions de maintenir l'ordre et de former un noyau d'une future brigade de FFL. De Gaulle arrive à Douala le 8 Octobre avec quelques correspondants de guerre anxieux de prendre des photos. Le Sénégal étant un objectif hors de portée pour les moyens militaires des FFL – comme va le prouver l'échec devant Dakar en Septembre 1940. Le Gabon restera la seule colonie récalcitrante. De Gaulle constate qu'il lui est difficile de forcer la main aux administrateurs locaux. Le 8 Novembre, Leclerc et ses hommes sont envoyés à Libreville et parviennent à faire basculer la colonie dans le camp de la France libre. Ces premiers gains donnent une vitrine internationale à la cause gaulliste sans pour autant lui donner la légitimité qu'elle recherche. L'effet ne va pas tarder. En 1941, la Nouvelle-Calédonie, Tahiti et les petites possessions françaises en Inde se rallient à leur tour. Il faudra attendre l'entrée en guerre des États-Unis avant que la France libre ait une mission diplomatique à Londres et à Moscou – mais pas à Washington...

L'homme du Tchad

Initialement, les volontaires ne se bousculent pas aux portes du bureau londonien de la France libre pour s'engager. La grogne susité par Mers-el-Kébir est encore palpable chez les rescapés de Dunkerque. Le ralliement des militaires se fait au compte-gouttes et augmente lentement au cours du printemps 1941. Les premiers volontaires du groupe commandé par Leclerc sont des convaincus qui refusent la débâcle de Juin 1940. Tous, civils et militaires, ont envie de se battre et ces promiers engagés de Londres rejoingnent leurs camarades français en Afrique. Les autres sont des tirailleurs sénégalais – des Sara – ralliés à de Gaulle. Les moyens matériels sont dérisoires: un pêle-mêle d'armes britanniques, françaises et italiennes capturées; des uniformes dépareillés, des véhicules Chevrolet en mauvais état et quelques avions décrépits. Les volontaires déjà entraînés militairement sont répartis parmi ceux qui n'ont que peu ou pas d'entraînement. Ils sont dirigés par le capitaine – bientôt colonel – Phillipe de Hautecloque qui a pris le nom de guerre de "Leclerc" lorsqu'il s'est réfugié à Londres. Il est un leader compétent, impétueux et presque messianique. Son charisme idéaliste contagieux et son regard allumé en font une sorte de Moise, car il s'est donné pour mission de mener les soldats des FFL vers la "Terre promise – c'est-à-dire le sol métropolitain; cela va accroître son caractère mythique selon l'opinion de l'historien Chotard (ci-contre). Les FFL assurent leurs arrières afin de porter des coups en Lybie. En Décembre, Leclerc est nommé commandant militaire du Tchad. Ce territoire est la clé de voute de l'Afrique française et un relais pour les liaisons aériennes des Britanniques avec leurs colonies.

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Leclerc sera un modèle d'inspiration – Vue aérienne du fortin de Mourzouk

Le régiment des tirailleurs sénégalais basé au Tchad comprend quatre groupes correspondant à un territoire , une compagnie d'infanterie et des éléments nomades méharistes. Au début de 1941, des FFL se font la main aux côtés des commandos britanniques contre des postes italiens situés au sud de la Lybie. Le 12 Janvier, les hommes du lieutenant d'Ornano (adjoint de Leclerc) font un premier raid contre le fortin de Mourzouk. Ils entrent dans le village mais ne parviennent pas à prendre le fort. D'Ornano est tué et les FFL doivent se replier avec leurs camarades néo-zélandais sous le feu des avions italiens.

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Les distances sont énormes – Un major néo-zélandais approvisionne des FFL

Koufra

L'objectif de Leclerc est de s'emparer de l'oasis de Koufra situé en Lybie italienne. Ses hommes se rapprochent discrètement de l'objectif dans la nuit du 18 au 19 Février avec 400 hommes et un petit canon tracté. La pièce est mise en batterie devant la citadelle et le combat est mené contre une compagnie italienne. Leclerc fait manoeuvrer habilement ses hommes et ceux-ci parviennent à encercler le fort qui se rend le 1er Mars.

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L'approche sur Koufra – Leclerc s'estime très satisfait

Ce n'est pas une victoire ordinaire mais c'est le premier gain des FFL relaté dans le Courrier de l'Air, distribué en France par la Royal Air Force. Un caméraman d'actualité est sur place et prend quelques bouts de film de l'attaque tout en enregistrant la déclaration messianique de Leclerc. Il fait jurer à ses troupes, sans doute pour galvaniser les énergies, de ne déposer les armes que lorsque nos belles couleurs flotteront sur la cathédrale de Strasbourg – c'est le serment de Koufra. Ainsi, le succès des FFL à Koufra a un impact immédiat à Londres et dans les colonies françaises ralliées à de Gaulle. Cela se traduit par un accroissement rapide du volontariat.

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L'armature

Au printemps 1941, la France libre a non seulement quelques gains à son actif, mais elle a consolidé son administration londonienne. Son Conseil de défense de l'Empire a été reconnu par les Brits dès Décembre 1940. Des cadres civils et militaires facilitent la tache du général de Gaulle; certains d'entre eux reviennent d'outre-mer non sans avoir parlé le "la cause" aux gouvernements étrangers: Valin arrive du Brésil, Ledoux de l'Argentine, Martin-Prével et d'Argenlieu du Québec, et Catroux de l'Indochine. De Gaulle approuve la création de la revue France Libre créée par Raymond Aron. Qui plus est, ses orateurs peuvent compter sur la BBC pour parler deux fois par jour durant sept minutes. Une émission de propagande est organisée sous la direction d'un employé de la BBC, Jacques Duchesne, et porte le titre "Les Français parlent aux Français". On y retrouve Jean Marin, Maurice Schumann, Jean Oberté ainsi que le premier speaker, Pierre Maillaud qui prend le nom de guerre de "Bourdan". Ce dernier est à l'origine de l'Agence française indépendante – dont le réseau des correspondants préfigure l'organisation de l'Agence France-Presse – à Londres qu'il dirige avec l'appui du gouvernement britannique. Cette équipe collabore étroitement avec de Gaulle et de ce fait, l'émission sera diffusée entre le 14 Juillet 1940 et le 31 Août 1944. De Gaulle prend le micro une fois par semaine en préparant ses discours sur des éléments simples: l'erreur de la capitulation, la fierté nationale et, surtout, l'espoir de la victoire par la "grandeur retrouvée". Inutile de dire qu'il sera très dur dans ses commentaires à l'égard de Pétain après l'entrevue de Montoire.

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Pierre Maillaud au micro – De Gaulle entretient l'espoir et passe en revue ses premiers volontaires

Outre 300 volontaires engagés à titre individuel, le premier noyau est organisé en unité est un bataillon de 900 soldats de la Légion étrangère. En Décembre 1940, de Gaulle obtient 2200 autres volontaires. Avec les ralliements des colonies africaines, le nombre des soldats FFL passe à environ 15,000 – dont 10,000 Africains et une centaine de Marocains. Au fur et à mesure que les FFL se déploient en Afrique, le nombre de volontaires augmente. La prise en main de la Syrie et du Liban amène un lot important de soldats réguliers à de Gaulle. Ils se répartissent comme suit:

  • Angleterre: 1150
  • Liban: 20,000 dont 6000 Français
  • Lybie: 5200
  • A.E.F: 18,000
  • Zone du Pacifique: 1850
  • L'état-major des FFL, des unités de formation du Camp Old Dean de Camberley et de l'École des cadets de la France Libre s'installent dans les locaux d'une école à Malvern. Le corps des volontaires françaises comprend 150 femmes. Aux éléments terrestres des FFL s'ajoutent celles des marins ralliés à de Gaulle et qui opèrent avec la Royal Navy, soit 3600 volontaires. Ils servent sur des corvettes de la classe Flower et des frégates River fournies par les Brits ainsi que sur du matériel français, entre autres: le cuirassé Courbet, les destoyers Duboc, Léopard, Triomphant et Savorgnan-de-Brazza; trois submersibles hauturiers, quelques drageurs de mines ainsi qu'une vingtaine de vedettes rapides côtières également de fabrication britannique. L'amiral Muselier forme un état-major restreint, qu'il installe à Westminster-House. Il doit partir de presque rien et doit s'efforcer de vaincre les réticences britanniques. Les navires français pré-cités ancrés en Angleterre sont souvent vétustes; il faut les réparer et les armer, sachant que les arsenaux de Grande-Bretagne ne sont pas toujours conçus pour recevoir des bateaux français.

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    Aviateurs français du Groupe Lorraine – De Gaulle avec l'amiral Muselier

    Les FFL ont également un volet aérien appelé Forces aériennes françaises libres – ou FAFL. Un noyau initial de pilotes français rescapés de la campagne de France est formé sous le commandement de l'amiral de Muselier. Environ 200 aviateurs. Un petit nombre d'entre eux participent à la bataille d'Angleterre, tandis que les autres forment les premiers équipages de bombardiers bimoteurs Blenheim en Afrique du Nord et en Érythrée. Des groupes de combat - comme le Groupe Bretagne - sont également envoyés en Afrique du Nord pour appuyer les soldats de Leclerc et les autres unités de FFL. Ultérieurement, le Groupe Lorraine sera redéployé en Angleterre pour mener des frappes aériennes à basse altitude en France peu avant le Jour J.

    L'Érythrée

    La côte française des Somalis serait une belle prise de guerre pour les FFL. Lorsque les Britanniques envoient des forces en Afrique orientale pour chasser les Italiens d'Éthiopie, de Gaulle fait savoir à Churchill qu'il veut l'aider dans cette entreprise. Il envoie une petite force hétéroclite sous le commandant du colonel Monclar: des légionnaires, un bataillon de Sénégalais, une compagnie de chars légers, une batterie d'artillerie, un escadron de spahis marocains, une section de signaleurs, une compagnie médicale, ainsi que des bombardiers bimoteurs Blenheim basés au Caire – qui forment de facto la Brigade française d'Orient – ou BFO. De Gaulle arange tous les détails opérationnels avec le général Wavell pour amener les légionnaires français à Port-Soudan. Le bataillon sénégalais quitte Khartoum en direction du fort italien de Kub-Kub. les Italiens résistent fortement, mais les Sénégalais prennent le fort après huit jours de siège.

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    Sous-officiers français à Shendi – Obusiers français devant Keren

    Au début de Mars 1941, la BFO se prépare à participer aux combats devant Keren – une position fortement défendue par l'armée italienne – aux côtés de soldats britanniques et indiens commandés par le général Platt (voir dossier Commonwealth et la guerre, l'Inde). Les Italiens tiennent les hauteurs et ont repoussé plusieurs assauts indiens. Le 14 Mars, deux compagnies de la Légion étrangère commandées par les capitaines Bollardière et Lamaze s'emparent de deux collines fortifiées. Cependant, les Italiens se replient en bon ordre sur d'autres positions et font des feux croisés sur les Indiens et les FFL. Ces derniers font d'autres assauts mais sont encore repoussés. Il ya de nombreuses pertes de vie. Les obusiers français et britanniques pilonnent les hauteurs de Keren. Entretemps au Caire, Larminat fait intervenir ses Blenheim à Gondar et au lac Tana. Ces avions vont opérer durant plus d'une semaine au-dessus du secteur de Keren si bien que la route qui lie Gondar à Asmara devient périlleuse pour les Italiens. Le 28 Mars, les Indiens prennent Keren dans un dur combat. Les Italiens se sont bien battus. La plus grande contribution des soldats de la BFO aura été de couper la retraite italienne: 1000 soldats et 50 officiers se rendent aux Français. Un autre bon coup publicitaire pour les FFL. De Gaulle félicite les FFL avec un discours de circonstance: Jamais dans leur histoire, les Français n'ont combattu avec autant d'élan. La libération future de Paris passe par Keren... Il fallait être drôlement imaginatif ou simplement tordu pour faire avaler aux FFL et aux Indiens que l'avenir de la France passe par la prise de Keren...

    L'Afrique du Nord

    Les unités des FFL commandées par Leclerc sont utilisées à des tâches de logistique et de reconnaissance armée aux côtés des néo-zélandais. Durant presque un an, les FFL aménagent des dépôts et des pistes d'atterrissage tout en recueillant des renseignements sur les mouvements germano-italiens. L'intervention de Rommel et de l'Afrika Korps a perturbé les plans des Alliés dans cette région. Le nombre de volontaire augmente progressivement, et pour leur remonter le moral, Leclerc est promu général par de Gaulle le 10 Août 1941. Mais, aucun écusson français n'est disponible en Afrique du Nord pour le décorer, si bien que Leclerc obtient quatre étoiles argentées italiennes (ci-contre) pour s'en faire des épaulettes – à la guerre comme à la guerre... Au même moment, la 1ère Division française libre (appelée 1ère DFL) est formée, mais commandée à son grand dam par le général de Larminat et son adjoint Koenig. Durant tout l'été 1941, les soldats de Leclerc équipés de matériel britannique sont intégrés dans les opérations contre l'Afrika Korps tout en continuant leurs raids d'éclaireurs et de sabotage. Le mouvement France Libre a de la difficulté à établir une relation avec les États-Unis. Bien que l'opinion publique américaine soit réceptive aux exploits africains des FFL, la classe politique reste méfiante à son égard, tout en regardant de très haut ce de Gaulle perçu à Washington comme "à peine moins fasciste que Pétain"... Néanmoins, ce dernier sait qu'il ne peut se passer à terme de l'aide américaine et envoie un émissaire, Pleven, pour entamer des négociations avec le Département d'État. Par son intermédiaire, de Gaulle met les territoires africains ralliés à lui à la disposition des aviateurs américains; il en est de même pour ceux de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides. Devant cette ouverture, Cordell Hull se montre bienveillant à l'égard des gaullistes. En Août 1941, il envoie une mission militaire au Tchad et un mois plus tard, Pleven est reçu par le sous-secrétaire d'État, Summer Welles, Quant à Hull, il déclare publiquement qu'il existe une communauté d'intérêts entre le gouvernement américain et la France libre. Le 11 Novembre 1941, de Gaulle apprend une très bonne nouvelle: Roosevelt accorde le Prêt-bail à la France libre non pas par simple amitié de guerre mais parce que la défense des territoires ralliés à de Gaulle est vitale pour la défense des États-Unis.

    Bir Hakeim

    Fait à noter, peu de gens connaissent la contribution des FFL avant 1942 à l'exception des gouvernements alliés et une petite frange de l'opinion publique française qui syntonise les émissions de la BBC. Cela va changer avec la bonne tenue au feu des FFL à Halfaya et Bir Hakeim. Le 17 Janvier 1942, ils attaquent et encerclent un bataillon allemand au col de Halfaya, le forçant à se rendre. Un mois plus tard, les FFL sont à Bir Hakeim. A la fin de 1942, la 1ère DFL de Larminat est placée sous le commandement de la VIIIème Armée britannique et envoie une de ses brigades commandée par Koenig pour protéger le repli des forces du Commonwealth sur 550 km vers l'Égypte suite à la prise de Tobrouk par Rommel. Les FFL vont également occuper la position la plus au sud du dispositif allié entre Alam Halfa et Alamein.

    La brigade de Koenig couvre la retraite de la VIIIè Armée britannique

    Bir Hakeim est un oasis asséché situé à 70 milles au sud-ouest de Tobrouk. Il forme un périmètre défensif de 16 kilomètres aménagé par le colonel Koenig (ci-contre).Ce dernier dispose de quatre bataillons d'infanterie de nationalités diverses et d'un régiment d'artilleurs équipé, entre autres, de quelques canons Bofors de 40mm. Le plus grand problème de cette position est qu'elle n'offre aucune protection aux tirs ennemis: les FFL doivent se défendre dans un espace désertique ouvert. Le 27 Mai, la position française est attaquée par des éléments de la division italienne Ariete. Les tirs italiens forcent les FFL à baisser la tête jusqu'au moment oû les chars arrivent à portée des petits canons de 75mm. En une seule journée, les artilleurs français stoppent 40 chars ennemis. de surcroît, 82 Italiens sont tués dans les échanges de tirs d'armes légères. Le lendemain, les Italiens attaquent de nouveau et sont de nouveau repoussés: 11 chars détruits et 200 Italiens capturés. Les canons anti-aériens Bofors de 40mm ont également été utiles pour neutraliser plusieurs camions et chars italiens de la division Trieste. Devant la mauvaise tenue des Italiens, Rommel est obligé d'entrer dans la mêlée. Du 1er au 10 Juin, la position de Bir Hakeim est systématiquement attaquée par les Germano-Italiens supérieurs en nombre et en matériel. Des bimoteurs Ju-88 lancent quelques grappes de bombes sur les Français et Rommel parvient à les encercler – non sans perdre quelques chars et camions dans la mêlée. Rommel envoie un message à Koenig lui ordonnant de se rendre. Ce dernier répond qu'il n'est pas venu ici pour capituler. Koenig demande à ses hommes de tenir bon et envoie un message aux Brits: Nous devons désormais nous attendre à une attaque sérieuse par tous leurs moyens combinés. Elle sera puissante. Je renouvelle mes ordres et ma certitude que chacun d'entre vous fera son devoir sans faiblir, à sa place, coupé des autres. Notre mission sera de tenir coûte que coûte jusqu'à ce que la victoire sera définitive. Bien expliquer cela à tous, gradés et hommes, et bonne chance à tous.

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    Des combattants de Bir Hakeim – Un petit briefing – Un char italien est touché

    Durant le siège qui dura 10 jours, les Allemands font plus de 1000 sorties contre ce bastion récalcitrant. Sous le couvert de cet appui-feu formidable, les fantassins ennemis tentent avec succès d'infiltrer les lignes françaises. Les défenseurs sont si bien enterrés qu'il faut un coup direct pour les toucher. Ces derniers parviennent même à abattre trois avions ennemis avant même l'intervention d'une escadrille de chasse britannique. Mais des hommes tombent. Un canon de 75mm est frappé de plein fouet par un obus de char, tuant tous ses servants. Koenig apprend qu'une brigade motorisée et blindée britannique a été détachée de la retraite générale pour venir au secours de Koenig. Peine perdue car Rommel a terminé son encerclement et entasse les Français dans un "chaudron" afin de les liquider. Les efforts franco-anglais pour venir au secours des encerclés échouent parce que leurs attaques manquent de mordant. C'est à ce moment qu'un petit groupe de soldats français parviennent à se faufiler hors du périmètre encerclé et parviennent à ramener quelques camions de vivres et d'eau – mais pas assez pour soutenir le siège. Le 8 Juin sera une journée très dure: 34 tués et 67 blessés chez les FFL. Deux jours plus tard, Koenig reçoit l'ordre d'Auchinleck de se replier vers l'Ouest.

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    Un des quatre Bofors utilisés – Le chaudron – L'encerclement est brisé – Fanion de la Légion à Bir Hakeim

    Dans la nuit du 10 au 11, les FFL brisent leur encerclement par une attaque nocturne en un seul point, et cela malgré le danger des mines. A l'aube, les Hurricane britanniques permettent aux FFL d'achever leur repli en éloignant les avions allemands. La bonne tenue au feu de la brigade française à Bir Hakeim est acclamée par les cadres de la VIIIème Armée britannique. Auchlinleck est ravi par la gestion de Koenig car cette bataille d'arrière-garde a permis aux Brits de se replier sur la position d'El Alamein en gagnant du temps et l'espace nécessaire pour stopper les Germano-Italiens. Les correspondants de guerre alliés s'intéressent à ces "Free French" et les font connaître à leur opinion publique. De Gaulle vante la vaillance de la France libre contre Rommel au micro de la BBC – ce qui est bien reçu par la population française sous l'occupation. Bir Hakeim a eu le même impact psychologique positif sur l'opinion française que le raid Doolittle chez les Américains: enfin une bonne nouvelle qui va ragaillardir les chaumières du pays car elle redonne l'espoir d'une victoire prochaine. Les FFL ont perdu 182 hommes à Bir Hakeim.

    Fezzan

    Le territoire du Fezzan est situé au sud-ouest de la Lybie (Tripolitaine) et à l'est de la région de Koufra prise par Leclerc au printemps 1941. La conquête du Fezzan vise à parachever le contrôle allié dans cette partie de la Lybie. Leclerc désire être le premier à atteindre la frontière tunisienne à la fois pour "l'honneur" et pour aider les Britanniques. De Gaulle partage cet avis et croit que Leclerc est le dardillon idéal pour gêner les Allemands sur leurs arrièresau moment même où ils se lancent dans une offensive vers l'Égypte. De Gaulle écrit dans ses mémoires que le Fezzan mettrait entre nos mains un gage pour un règlement ultérieur du destin de la Lybie.

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    Le fortin italien de Gatun est pris – Patrouille motorisée française

    Les FFL doivent effectuer une reconnaissance en force pour perturber les communications germano-italiennes tout en colligeant des renseignements militaires pour les Alliés. Leclerc revient à fort Lamy et organise avec minutie cette nouvelle opération en deux semaines. Le 15 Février quatre patrouilles de 10 camionnettes Chevrolet, ainsi que des autos blindées de fabrication sud-africaine (ci-haut à droite), commandées par les capitaines Guillebon, Massu et Geoffroy et appuyées par 11 avions du groupe Bretagne, vont porter des coups style "hit and run" à un ennemi à plus de 600 km de distance. Les FFL camouflent leur véhicules et s'approchent d'un poste italien pour ensuite l'attaquer et l'incendier. C'est ainsi que les hommes de Leclerc prennent les fortins de Uigh-el-Kébir et de Gatun (ci-haut à gauche) en faisant de nombreux prisonniers. Ils vont ainsi déloger les Italiens de cette position. Le succès de Leclerc a été d'avoir organisé et mené des opérations avec des unités légères et mobiles contre un ennemi supérieur en nombre mais dispersé sur un grand territoire. Sa hardiesse n'est pas sans rappeler celle du général britannique O'Connor qui, dans des circonstances analogues, a réussi à mener des opérations semblables contre les Italiens dès la fin de 1940. Leclerc poursuit sa route avec le butin (et l'essence) capturé des Italiens. Les tactiques de hit and run de ses hommes ont pour fonction de précéder le gros de l'attaque britannique en déstabilisant les Italiens. Par la suite, les opérations menées par Leclerc vont s'harmoniser avec l'offensive générale des Britanniques en direction de la Tunisie.

    Du Tchad jusqu'à Gabès

    C'est ainsi qu'a débuté la saga des Forces françaises libres. Nées dans la controverse héritée de la débâcle de Juin 1940, les FFL ont prouvé à la fois leur valeur au combat et joué le rôle d'auxiliaires de plein droit au sein de la Grande Alliance. Ils ont contribué à légitimer la cause du général de Gaulle. Grâce à ses efforts, la France libre prend le nom de "France combattante" pour marquer son union intime avec la résistance intérieure. La 1ère DFL de Koenig participera à la bataille d'Alamein et accompagnera Montgomery durant son offensive. Les effectifs des FFL iront en s'accroissant à partir de l'automne 1942 suite aux débarquements anglo-américains en Afrique du Nord (voir opérations 1942, Torch). Aux deux divisions d'infanterie légères constituées en 1941-2, s'ajoutera la 2ème Division blindée qui sera commandée par Leclerc. Équipée de matériel américain, elle participera à la reconquête de la Tunisie. La réputation de cette division blindée moussera la popularité de Leclerc dans les médias, telle que le témoigne l'historien Chotard (ci-contre). Les autres généraux FFL participeront aux débarquements de Normandie et de Provence.

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